La France attaque Google et Apple en justice

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En plein regain de tensions commerciales transatlantiques, le gouvernement français a annoncé mercredi qu'il allait assigner en justice les géants du numérique Apple et Google, accusés de profiter de leur position de force sur internet pour écraser la concurrence.

Le 14/03/2018 à 18h45

"Je crois à une économie fondée sur la justice et je vais donc assigner Google et Apple devant le tribunal de commerce de Paris pour pratiques commerciales abusives" vis-à-vis des start-ups françaises, a annoncé mercredi sur la radio RTL le ministre français de l'Economie et des finances, Bruno Le Maire.

Cette annonce est intervenue après la décision de Donald Trump d'imposer des droits de douane de respectivement 25% et 10% sur les importations d'acier et d'aluminium.

Selon Bruno Le Maire, les start-ups françaises se voient "imposer des tarifs" lorsqu'elles négocient avec Google et Apple pour que leurs applications soient référencées dans leurs magasins respectifs, Google Play et App Store. Cette situation est "inacceptable", a-t-il martelé. "Je considère que Google et Apple, aussi puissants soient-ils, n'ont pas à traiter nos start-ups et nos +developers+ de la manière dont ils le font aujourd'hui", a-t-il ajouté.

En réponse, Google a assuré mercredi que ses pratiques commerciales étaient "conformes à la législation française" et être prêt à "expliquer notre position devant les tribunaux".

Bruno Le Maire, qui avait brandi l'été dernier la menace d'imposer les géants du numérique sur leur chiffre d'affaires en France en dénonçant leurs pratiques d'optimisation fiscale, a prédit que cette action en justice se traduirait par "une sanction qui se chiffre en millions d'euros".

La plainte déposée par la répression des fraudes (DGCCRF) au nom du ministre demande "la cessation des pratiques" d'Apple et "une amende de deux millions d'euros", a précisé une source du ministère de l'Economie. Apple a dégagé plus de 20 milliards de dollars de bénéfices rien qu'au quatrième trimestre 2017.

La procédure déclenchée par le gouvernement rejoint une procédure entamée il y a 18 mois par Nexedi, une PME informatique située dans le nord de la France, qui a attaqué Apple pour pratiques commerciales abusives et doit retrouver le géant à la pomme le 31 mai prochain devant le tribunal de commerce de Paris.

Cette PME reproche à Apple de lui imposer d'utiliser certaines de ses briques logicielles dans ses applications si elle veut que celles-ci soient référencées dans l'App Store.

"Nous sommes très heureux et très rassurés que Bruno Le Maire ait réagi" sur cette question, a déclaré son PDG Jean-Paul Smets à l'AFP. "Nous attendons beaucoup de cette procédure et nous ne sommes pas seuls", a-t-il ajouté.

La plainte du ministre intervient à un moment où les craintes d'une guerre commerciale se multiplient après la décision de Donald Trump de taxer les importations d'acier et d'aluminium, même si Bercy dément tout lien. Avant Google et Apple, c'est Amazon qui avait été assigné en décembre dernier par la France devant le tribunal de commerce de Paris pour "déséquilibre significatif dans les relations commerciales" avec les entreprises qui vendent sur sa plate-forme en France.

Le secrétaire d'Etat au numérique Mounir Mahjoubi a souvent évoqué les "prisons dorées" dans lesquelles se trouveraient les internautes, qui ont bien souvent accès à des services et des contenus de facto filtrés par ces groupes américains.

Les géants du numérique sont déjà la cible de multiples accusations sur leurs pratiques d'optimisation fiscale. La Commission européenne compte présenter à Bruxelles le 21 mars ses premières propositions sur la fiscalité du numérique, qui doivent être évoquées par les chefs d'Etat ou de gouvernement de l'UE au cours d'un sommet les 22 et 23 mars dans la capitale européenne. 

Apple est également visé en France par une enquête judiciaire, ouverte début janvier, pour "obsolescence programmée". Quant à Google, il a été condamné fin juin par l'UE à une amende record de 2,42 milliards d'euros en raison de pratiques jugées anticoncurrentielles. La Commission européenne l'accuse d'abuser de sa position dominante dans la recherche en ligne pour favoriser son service "Google Shopping".

Le 14/03/2018 à 18h45