Le FMI et la Banque mondiale veulent donner de l'élan à la vaccination des pays pauvres

Une infirmière injecte un vaccin anti-Covid-19 à un homme dans un centre de vaccination de Medellin, en Colombie, le 1er juin 2021.

Une infirmière injecte un vaccin anti-Covid-19 à un homme dans un centre de vaccination de Medellin, en Colombie, le 1er juin 2021. . Joaquin SARMIENTO / AFP

Le FMI et la Banque mondiale se sont mobilisés comme jamais l'an passé pour aider les pays les plus fragilisés par la pandémie mais ils doivent désormais redoubler d'efforts, les vaccins ne parvenant qu'au compte-goutte jusqu'aux plus pauvres, au risque de compromettre la reprise mondiale.

Le 02/06/2021 à 07h12

Kristalina Georgieva, la directrice générale du Fonds monétaire international, va se présenter vendredi à Londres, au G7 Finances, munie d'un plan concret et au coût réduit pour mettre fin à la pandémie en élargissant la vaccination.

Ce plan, élaboré en consultation avec la Banque mondiale, l'Organisation mondiale de la santé (OMS) et l'Organisation mondiale du commerce (OMC), et rendu public le 21 mai, demande en effet un effort financier limité: 50 milliards de dollars, loin par exemple des 1.900 milliards du dernier plan de relance des Etats-Unis.

Le Fonds et la Banque mondiale, qui craignaient dès mars 2020 une exacerbation des inégalités et de la pauvreté dans le monde, avaient posé le bon diagnostic.

Ils tirent aujourd'hui la sonnette d'alarme sur les inégalités vaccinales qui prolongent une pandémie ayant déjà fait officiellement plus de 3,5 millions de morts dans le monde.

Les pays à faible revenu ont reçu jusqu'à présent moins de 1% des doses administrées, avec pour conséquence une "grande divergence" dans la reprise, déplore Kristalina Georgieva.

Certains pays, notamment d'Amérique latine et des Caraïbes, ne retrouveront pas leur revenu par habitant avant 2024, a prévenu le FMI.

Le Fonds et la Banque mondiale avaient pourtant compris "très tôt" la profondeur de la crise et ses conséquences, observe Homi Kharas, économiste à la Brookings institution.

Par le biais du G20, ils ont alors poussé l'initiative de suspension du service de la dette pour des dizaines de pays à faible revenu.

"Ce fut la première étape importante pour s'assurer que la pandémie ne déclenche pas une crise de la dette qui aurait pu avoir des conséquences à plus long terme", souligne M. Kharas.

"Puissance de feu""Le FMI a intensifié son action comme jamais auparavant, prêtant quelque 110 milliards de dollars à 84 pays depuis le début de la pandémie", déclare Gerry Rice, porte-parole du Fonds.

Il a également doublé ses limites de financement d'urgence, triplé ses ressources concessionnelles et étendu la suspension de la dette à 29 de ses membres les plus vulnérables.

"Nous utilisons toute la puissance de feu dont nous disposons", assure de son côté Axel van Trotsenburg, directeur des opérations de la Banque mondiale, avec plus de 108 milliards de dollars déjà engagés.

Il s'agit de "la réponse à la crise la plus rapide et la plus importante de l'histoire de la Banque mondiale", dit-il.

"Presque livrés à eux-mêmes"Pour autant, l'aide reste imparfaite, avec des pays à revenu intermédiaire "dont de nombreux en Amérique latine, presque livrés à eux-mêmes", constate Homi Kharas.

Car ces économies ne peuvent prétendre à certains instruments de prêts à taux zéro comme le Fonds fiduciaire pour la réduction de la pauvreté et la croissance du FMI.

Déjà très endettées avant la pandémie, "elles ne sont pas (non plus) éligibles à l'initiative de suspension du service de dette", ajoute Homi Kharas.

Si Kristalina Georgieva a elle-même reconnu, lors des réunions de printemps, qu'il fallait revoir les critères de "vulnérabilité" pour inclure ces pays, la priorité semble désormais l'impulsion à donner pour immuniser au moins 40% de la population mondiale d'ici la fin de l'année et au moins 60% d'ici fin 2022.

Soutien de WashingtonPour la vaccination, "la Banque mondiale a débloqué 12 milliards de dollars et espère avoir des projets d'environ 4 milliards de dollars dans 50 pays d'ici le milieu de l'année", a indiqué Axel Van Trotsenburg.

Mais "le problème de la Banque mondiale est sa lenteur d'exécution", commente Adnan Mazarei, expert au Peterson Institute for International Economics, alors que ces 12 milliards ont été annoncés mi-octobre 2020.

"Le FMI a démarré très bien" dans la lutte contre cette crise, poursuit-il. "Mais il doit désormais développer une stratégie claire pour avancer, qui doit inclure les économies à revenu intermédiaire", estime-t-il.

Pour l'expert, le plan à 50 milliards est un bon signal. "Le FMI et les autres organisations devraient pouvoir pousser (ce plan) d'ici le G7", du 11 au 13 juin au Royaume-Uni.

L'élan est là. Et les institutions de Washington ont le soutien du président Joe Biden, soulignent Adnan Mazarei et Homi Kharas.

Washington a déjà donné son aval à la nouvelle allocation de droits de tirage spéciaux de 650 milliards de dollars du FMI, qui doit être approuvé prochainement. Impensable sous l'administration Trump.

Le 02/06/2021 à 07h12