L'Etat français condamné définitivement pour des contrôles "au faciès", une première

DR

La plus haute juridiction administrative en France a définitivement condamné mercredi l'État pour des contrôles d'identité "au faciès", une première saluée par les militants qui dénoncent depuis des années une pratique discriminatoire.

Le 09/11/2016 à 17h12

La Cour de Cassation, qui se penchait pour la première fois sur cette question, a condamné définitivement l'Etat dans trois dossiers. La cour a estimé qu'un contrôle d'identité discriminatoire constituait une "faute lourde" qui engageait la responsabilité de l'État et a précisé la façon dont la discrimination doit être prouvée.

"C'est une grande victoire", a salué Me Félix de Belloy, qui a défendu en première instance et en appel les treize hommes à l'origine de cette bataille judiciaire. "On sort de plusieurs décennies de non-droit en matière de contrôle d'identité. Les policiers considéraient qu'ils pouvaient contrôler sans motif, c'est terminé."

L'affaire avait commencé en 2013 lorsque treize hommes d'origine africaine ou nord-africains s'étaient lancés dans un combat judiciaire, dénonçant des contrôles injustifiés, parfois associés à des palpations, des insultes ou du tutoiement.

Après avoir perdu en première instance en octobre 2013, les plaignants avaient fait appel et en juin 2015, la cour d'appel de Paris avait donné raison à cinq d'entre eux, condamnant l'État à verser 1.500 euros de dommages et intérêts à chacun.

L'État s'était pourvu en cassation pour les cinq dossiers dans lesquels il avait été condamné, et les huit hommes qui n'avaient pas obtenu gain de cause en avaient fait autant.

Onze des pourvois ont été rejetés. Au final, l'État est définitivement condamné pour contrôles au faciès dans trois dossiers.

La Cour de cassation a indiqué la façon dont la discrimination doit être prouvée: la personne s'estimant victime d'un contrôle d'identité doit apporter au juge des éléments qui laissent présumer l'existence d'une discrimination et c'est ensuite à l'administration de démontrer, soit l'absence de discrimination, soit une différence de traitement justifiée par des éléments objectifs.

Une étude menée en 2009 à Paris montrait qu'en France, les personnes perçues comme "noires" et "arabes" sont contrôlées respectivement six et huit fois plus que celles perçues comme "blanches".

Le 09/11/2016 à 17h12