Plus de 20.000 Syriens bloqués à la frontière turque

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Plus de vingt mille civils syriens sont bloqués à la frontière turque, après avoir fui l'offensive des forces de Bachar al-Assad dans la province d'Alep, soutenue par l'aviation russe qui "tuent femmes et enfants" selon Washington.

Le 06/02/2016 à 10h16

Sous la couverture des raids aériens russes - près d'un millier depuis lundi-, l'armée syrienne a resserré l'étau autour d'Alep, la grande métropole du nord du pays, poussant sur les routes des dizaines de milliers de civils.

"Environ 20.000 personnes sont rassemblées au niveau du poste-frontière de Bab al-Salama et quelque 5.000 à 10.000 ont été déplacées vers la ville d'Azaz", non loin de ce point de passage fermé, a déclaré vendredi Linda Tom, porte-parole du Bureau des affaires humanitaires de l'ONU (OCHA).

La ville d'Alep, dont l'ouest est contrôlé par le régime et l'est par les rebelles depuis plus de trois ans, est la cible depuis lundi d'une vaste offensive de l'armée et d'intenses bombardements de l'aviation de Moscou, son principal allié. Les insurgés sont désormais menacés d'un siège total, la principale route d'approvisionnement entre Alep et la Turquie ayant été coupée.

Le secrétaire d'Etat américain John Kerry a exhorté vendredi la Russie à mettre fin à ses frappes en Syrie, qui "tuent femmes et enfants en grand nombre" et à appliquer un cessez-le-feu.

Il a affirmé qu'il existait "des preuves selon lesquelles la Russie a clairement recours à ce qu'on appelle des bombes classiques sans guidage. Ce ne sont pas des bombes de précision, et des civils, notamment des femmes et des enfants, sont tués en grand nombre".

Fief de la rébellion

La province d'Alep est l'un des principaux fiefs de la rébellion dans un pays morcelé entre régime, rebelles et jihadistes du groupe Etat islamique (EI). 40.000 habitants de cette province ont fui l'offensive du régime et pris la route de l'exode. Parmi ces civils, 10.000 personnes ont fui vers la ville kurde d'Afrine, a indiqué la porte-parole d'OCHA.

"Il y a actuellement un camp de déplacés dans la zone d'Afrine", a déclaré Linda Tom à l'AFP.

"Les combats ont aussi perturbé une grande partie de (l'acheminement de) l'aide et des routes de ravitaillement depuis la frontière turque", a-t-elle souligné, déplorant que "l'accès aux populations (devenait) de plus en plus difficile".

Sur une vidéo diffusée par des militants sur internet, on peut voir des centaines de personnes, dont de nombreux enfants, se dirigeant vers un poste-frontière turc. Certaines portent sur le dos des sacs en plastique, d'autres semblent être parties sans rien.

"Où êtes-vous, Turquie, Arabie saoudite, Qatar ? Où êtes-vous, musulmans, pour nous aider?", s'élève un homme en colère, citant des pays soutenant la rébellion.

Plans d'urgence

"Ce qui frustre le plus les rebelles, ce sont ces pays qui prétendent être amis de la Syrie qui se contentent de belles paroles", indique pour sa part à l'AFP via internet le militant Mamoun al-Khatib, directeur de l'agence de presse locale Shahba.

Vendredi, la frontière entre la Turquie et la Syrie était fermée au sud de la ville turque de Kilis (sud). Selon un journaliste de l'AFP, la situation était calme au poste-frontière turc d'Oncupinar (appelé Bab al-Salama côté syrien), où aucune entrée ou sortie du territoire turc n'était autorisée.

La Turquie, qui accueille déjà quelque 2,5 millions de Syriens, a accusé les "complices" russes de Damas de "crimes de guerre". Son Premier ministre, Ahmet Davutoglu, a affirmé jeudi à Londres, à l'issue d'une conférence des pays donateurs, que près de 70.000 civils étaient en train de faire route vers le nord pour échapper à la bataille d'Alep. Les autorités turques ont indiqué plancher sur des plans d'urgence pour accueillir ce nouvel afflux de réfugiés sur leur sol. "Nos équipes sont prêtes à leur fournir de l'eau et de la nourriture dès qu'ils seront chez nous", a déclaré Ahmet Lutfi Akar, le président du Croissant-rouge turc.

Sur le plan politique, les ambassadeurs des quinze pays membres du Conseil de sécurité ont été informés vendredi par le médiateur de l'ONU Staffan de Mistura de sa décision de suspendre jusqu'au 25 février les négociations indirectes entre gouvernement et opposition qui s'étaient ouvertes à Genève.

La Russie a rejeté les critiques des Occidentaux l'accusant d'avoir saboté les pourparlers de Genève, son ambassadeur à l'ONU réaffirmant que Moscou n'avait pas l'intention de cesser ses raids aériens.

Mais l'ambassadeur russe Vitali Tchourkine a aussi indiqué que Moscou allait "mettre certaines nouvelles idées sur la table" jeudi prochain à Munich, lors d'une réunion du Groupe international de soutien à la Syrie.

Le 06/02/2016 à 10h16