Portrait. Ban Ki-moon, une ambition présidentielle avortée

DR

Surnommé en Corée du Sud "anguille glissante" pour sa capacité à esquiver les questions gênantes, l'ex-secrétaire général de l'ONU, Ban Ki-moon a étét un diplomate chevronné. Mais à domicile, ses ambitions présidentielles ont abruptement tourné court.

Le 01/02/2017 à 12h27

Né en 1944 dans le petit village d'Eumseong dans un pays alors occupé par le Japon, Ban Ki-moon a grandi sur les cendres de la guerre de Corée (1950-53) qui a ravagé la nation.

C'est durant ce conflit qu'il avait vu pour la première fois le drapeau de l'organisation qu'il servirait un jour, sur les uniformes des soldats américains qui distribuaient des colis alimentaires à sa famille. Plus tard, il s'était décrit comme un "enfant de l'ONU".

C'était un adolescent studieux qui aimait lire en anglais, ce qui lui avait permis de remporter une bourse pour visiter les Etats-Unis, à l'âge de dix-sept ans. Il avait alors rencontré le président John F. Kennedy et c'est ce voyage qui l'avait inspiré à devenir diplomate, avait-il raconté au Financial Times en 2015. "Je me souviens que le président Kennedy nous avait dit: bien que les gouvernements ne s'entendent pas, vous les jeunes pouvez être bons amis, il n'y a pas de frontières nationales".

Devenu diplomate une dizaine d'années plus tard, il a rapidement gravi les échelons, traitant de questions comme les négociations nucléaires avec la Corée du Nord ou la défection de Hwang Jang-Yop en 1997, le Nord-Coréen le plus notable à être passé de l'autre côté, ayant fait office de tuteur idéologique du dirigeant nord-coréen d'alors, Kim Jong-Il.

Ban Ki-moon est devenu ministre des Affaires étrangères en 2004, jouant un rôle clé dans les discussions à six sur la dénucléarisation de la Corée du Nord et dans la politique de réconciliation avec Pyongyang, dite "diplomatie du soleil".

Il est arrivé à la tête de l'ONU le 1er janvier 2007 et sa discrétion tranchait singulièrement avec le charisme de son prédécesseur Kofi Annan.

Ses critiques lui reprochaient de ne pas savoir communiquer et le New York Times a jugé un jour son mandat "largement invisible et décevant".

Mais son travail sur des questions comme le changement climatique et l'égalité des droits a été remarqué. Sur cette seconde question, BanKi-moon avait inlassablement appelé les gouvernements conservateurs de la planète à s'abstenir de discriminations en fonction de l'orientation sexuelle.

"J'ai grandi, il y a longtemps, dans une Corée profondément conservatrice (...) alors ces plaidoiries ne me sont pas venues naturellement, avait-il dit l'année dernière. Mais quand j'ai vu que des vies étaient en jeu, je n'ai pu me taire".

Richard Gowan, spécialiste de l'ONU au Conseil européen des relations internationales, a déclaré au magazine Foreign Policy magazine: "On l'aurait probablement classé comme secrétaire général de catégorie C. A cause du changement climatique, on se souviendra de lui comme d'un secrétaire général de catégorie B".

Pendant son second mandat, Ban Ki-moon a retrouvé un certain lustre, cherchant à obtenir des négociations sur les droits de l'Homme dans des situations de crise comme en Syrie.

Sa dernière année de mandat a toutefois été marquée par une controverse sur le retrait d'une liste noire de l'ONU de ceux qui ne respectent pas les droits des enfants de la coalition montée par Ryad au Yémen. Les défenseurs des droits l'avaient accusé de "faillite morale".

A son retour chez lui à 72 ans, ses ambitions présidentielles se sont effritées, avec une rapidité quasi embarrassante. La Corée du Sud est empêtrée dans un retentissant scandale dans lequel la présidente Park Geun-Hye a été destituée. Elle est accusée de collusion avec une amie, elle-même jugée pour corruption.

L'émotion avait été vive en Corée du Sud lorsque Ban Ki-moon est devenu le premier Sud-Coréen patron de l'ONU, ses soutiens saluant un "président du monde".

Mais en 2017, l'opinion l'a vu comme un conservateur ayant partie lié avec la présidente destituée. De nombreux jeunes Sud-Coréens ont vu un personnage indécis, à qui la passion pour gouverner le pays fait défaut.

Le 01/02/2017 à 12h27