Ukraine: Kiev appelle à «tenir le coup» au Donbass où Moscou propose un couloir humanitaire

Un véhicule blindé de l'armée ukrainienne, transporté sur une remorque près de Kramatorsk, dans l'est de l'Ukraine, le 30 avril 2022.

Un véhicule blindé de l'armée ukrainienne, transporté sur une remorque près de Kramatorsk, dans l'est de l'Ukraine, le 30 avril 2022. . Yasuyoshi CHIBA / AFP

La Russie a appelé les Ukrainiens à cesser leur «résistance absurde» à Severodonetsk et proposé un «couloir humanitaire» pour en évacuer mercredi les civils, sans réponse de Kiev qui a exhorté au contraire à «tenir le coup».

Le 15/06/2022 à 06h01

«Un couloir humanitaire sera ouvert [...] le 15 juin» de 05H00 GMT à 17H00 GMT, a indiqué le ministère russe de la Défense, assurant qu'il garantirait «l'évacuation en toute sûreté de l'ensemble des civils, sans exception».

Selon le chef de l'administration de Severodonetsk, Oleksandr Striouk, «540 à 560 personnes» sont réfugiées dans les souterrains de la vaste usine chimique Azot, emblématique de cette ville industrielle de l'est de l'Ukraine. Cette situation rappelle celle de l'aciérie Azovstal, qui fut des semaines durant la dernière poche de résistance ukrainienne du port de Marioupol, sur la mer d'Azov.

Le ministère russe a appelé les Ukrainiens à hisser le drapeau blanc pour signaler qu'ils acceptent cette proposition et à cesser une «résistance absurde».

Mais loin d'accepter, le président ukrainien Volodymyr Zelensky a exhorté mardi soir ses compatriotes à «tenir le coup» dans le Donbass, région «vitale» à ses yeux et dont dépendra la suite de la guerre lancée par Moscou le 24 février contre son pays.

«Il est vital de rester dans le Donbass», a déclaré Volodymyr Zelensky dans son adresse à la nation quotidienne diffusée sur Telegram, «la défense de la région est essentielle pour donner une indication sur celui qui dominera dans les semaines à venir».

Severonetsk et Lyssytchansk, deux villes jumelles d'environ 100.000 habitants, sont l'enjeu depuis plusieurs jours d'une bataille acharnée. La chute de ces deux villes permettrait aux forces russes de cibler Sloviansk, dans la région de Donetsk, à quelque 70 km à l'ouest. Et au-delà, elle permettra à Moscou de prendre le contrôle de tout le Donbass, région minière essentiellement russophone en partie tenue par des séparatistes prorusses depuis 2014.

«Il faut tenir le coup», a dit Volodymyr Zelensky, «plus l'ennemi y subit des pertes, moins il aura de force pour continuer son agression».

Selon l'ONG Norwegian Refugee Council, quelque 500 civils sont réfugiés dans l'usine Azot à Severonetsk, «presque entièrement coupés de tout ravitaillement».

Acheminer des armesLes responsables ukrainiens démentent cependant tout encerclement de leurs forces à ce stade. «La ville n'est pas isolée, il y a des voies de communication même si elles sont assez compliquées», a affirmé Oleksandr Striouk.

Selon une journaliste de l'AFP sur place, les routes entre Kramatorsk et Lyssytchansk sont utilisées pour acheminer des armes, notamment des lance-roquettes multiples Grad et des canons d'artillerie, pendant que des véhicules spéciaux transportent des chars devant être réparés.

Comme Severodonetsk, Lyssytchansk est désormais pratiquement déserte, avec des câbles électriques sectionnés, des magasins calcinés. «Les Russes bombardent le centre-ville sans arrêt», a indiqué à l'AFP un policier local. «C'est 24h/24, ‘non stop’», ajoute son collègue.

Pour freiner l'avancée russe, Kiev ne cesse de réclamer des armes aux Occidentaux. Mais «nous [n'avons] reçu [qu']environ 10%» des armes dont l'Ukraine a «besoin», et sans lesquelles «nous ne pourrons pas gagner cette guerre», a déploré la vice-ministre de la Défense Anna Maliar.

«Oui, l'Ukraine devrait avoir plus d'armes lourdes», a assuré de son côté mardi soir le secrétaire général de l'Otan, Jens Stoltenberg à la veille d'une réunion, à Bruxelles, du Groupe de contact pour l'Ukraine autour du secrétaire à la Défense américain Lloyd Austin.

L'Otan a commencé à «intensifier» ses livraisons d'armes à Kiev, a-t-il ajouté, notant que les Ukrainiens «dépendent absolument de (ces livraisons) pour faire face à l'agression brutale de la Russie».

Le Groupe de contact pour l'Ukraine se réunit mercredi à Bruxelles pour discuter d'une éventuelle accélération de ces livraisons d'armes, en marge d'une réunion ministérielle de l'Otan dans la capitale belge.

«Pas fait assez»A la veille de la réunion, le Premier ministre néerlandais Mark Rutte et son homologue danoise Mette Frederiksen ont reçu Jens Stoltenberg et plusieurs dirigeants européens, dont le chef du gouvernement polonais Mateusz Morawiecki, dont le pays est voisin de l'Ukraine.

«Nous n'en avons pas fait assez pour défendre l'Ukraine, soutenir le peuple ukrainien, sa liberté et sa souveraineté», a dit Mateusz Morawiecki au cours de la même conférence de presse que Jens Stoltenberg.

«C'est la raison pour laquelle je vous exhorte [...) à en faire beaucoup plus pour livrer des armes et de l'artillerie à l'Ukraine. Ils en ont besoin pour défendre leur pays», a-t-il dit, jugeant que les pays occidentaux ruineraient leur «crédibilité» en cas de défaite de l'Ukraine face à la Russie.

«Ce serait un échec total et un désastre pour l'Union européenne, nos valeurs, et pour l’Otan», a-t-il jugé.

Washington a commencé à livrer à Kiev de l'équipement lourd, dont des obusiers dans un premier temps, puis des équipements de pointe comme des lance-roquettes multiples montés sur camions («Himars») et des pièces d'artillerie de haute précision et d'une portée légèrement supérieure à celles de l'armée russe.

Sur le plan diplomatique, le président français Emmanuel Macron est arrivé mardi soir en Roumanie, pour saluer les 500 soldats français qui y sont déployés sur une base de l'Otan. Le président français, qui assume la présidence tournante de l'Union européenne jusqu'au 30 juin, se rendra ensuite en Moldavie, avant une possible venue à Kiev jeudi.

Une telle visite en Ukraine -qui serait une première pour le président français depuis le début de l'invasion russe- pourrait se dérouler en compagnie du chancelier allemand Olaf Scholz et du Premier ministre italien Mario Draghi, selon des médias allemands et italiens. La présidence française n'a pas confirmé ces informations, assurant que «rien n'est acté» à ce stade.

Le 15/06/2022 à 06h01