Vidéos. Coronavirus: au dixième jour du confinement, Madrid effarée par ses morts

D'habitude bondée, la Plaza Mayor au centre de Madrid désertée à cause du coronavirus le 14 mars 2020.

D'habitude bondée, la Plaza Mayor au centre de Madrid désertée à cause du coronavirus le 14 mars 2020. . AFP

Personne au pied des gratte-ciel du quartier d'affaires de Madrid, au dixième jour de confinement général en Espagne. Il n'y a foule qu'à l'hôpital voisin où cinq patients sont "morts de coronavirus dans la nuit", confie un infirmier.

Le 25/03/2020 à 06h31

Dans les avenues désertes et trop tranquilles de la métropole aux 6,5 millions d'habitants, l'une des plus endeuillées du monde par la pandémie, on détecte la présence du virus au nombre d'ambulances filant sans même déclencher la sirène.

Dans la seule région de Madrid, 1.535 personnes sont mortes, selon le bilan officiel fourni mardi. 2.696 dans toute l'Espagne.

Aux portes des urgences de l'Hôpital universitaire de la Paz, on décharge des dizaines de bouteilles d'oxygène.

Des médecins, masqués et gantés, entrent et sortent d'une tente blanche récemment installée: "Depuis hier (lundi), on y reçoit les patients qui sont de possibles covid, légers", explique une porte-parole à l'AFP. Pour le personnel, "des combinaisons de protection et les masques nous arrivent mais il en manque encore".

A la sortie de sa garde de nuit aux urgences de cet hôpital, un infirmier de 30 ans, Guillen del Barrio, explique d'une voix éteinte, au téléphone: "c'est très dur, cette nuit nous avions des gens fiévreux pendant de longues heures en salle d'attente, on devait parfois leur donner de l'oxygène, des gens très vieux..."

"Il y a eu cinq morts de coronavirus dans la nuit", assure l'infirmier. "Beaucoup de collègues pleurent parce que des gens meurent seuls sans avoir revu leur famille et nous avons à peine le temps de leur tenir compagnie".

Le décès la semaine dernière au Pays basque (nord) d'une infirmière de 52 ans, le premier d'un soignant en Espagne, "nous rappelle que nous sommes en danger", dit Guillen, dont la compagne, également infirmière, "est contaminée et en quarantaine".

Mais pour ce syndicaliste, "la leçon à retenir, c'est l'importance de la santé publique: beaucoup de lits ont été supprimés avec les coupes budgétaires de la crise économique (de 2008) et tous les soignants partis travailler à l'étranger nous manquent maintenant".

Dans l'immense centre des expositions de Madrid, l'armée a monté en hâte "le plus grand hôpital d'Espagne" qui pourrait accueillir à terme 5.500 patients. Un hôpital de campagne inaccessible à la presse. Tout juste y voit-on entrer les ambulances.

Au Palacio de hielo (Palais de glace), des militaires, protégés par des combinaisons, entrent à bord de fourgons rouges: c'est dans son immense patinoire que les cadavres seront désormais entreposés face à la saturation des services funéraires.

Devant un immeuble tout proche, des employés d'une société de pompes funèbres se désinfectent les mains après avoir chargé un corps dans leur camion gris: "C'est un mort normal", pas du coronavirus, consent à expliquer l'un d'eux. "C'est de la folie, on a tellement de travail", dit-il, pressé de repartir.

Dans le centre-ville, cependant, les postiers distribuent encore le courrier, les boulangères vendent le pain et les kiosques à journaux restent ouverts.

"Je ne vends rien, ça veut dire que les gens, très disciplinés, sortent peu", dit Carlos Garcia, kiosquer sur la célébrissime Puerta del Sol, où plus aucun touriste ne photographie la statue de l'ours grimpant à l'arbre, symbole de Madrid.

"Je vous garantis que si j'avais peur, je ne viendrais pas, dit le kiosquier de 58 ans aux cheveux blancs. Mais je m'en fais pour ma famille, parce que personne ne sait où peut être ce virus".

Au dixième jour de l'état d'alerte, 46 millions d'Espagnols sont confinés chez eux, sauf s'ils doivent impérativement se déplacer pour travailler ou se ravitailler.

"C'est la désolation dans la ville", dit le livreur à vélo Jesus Santa Rosa, Vénézuélien de 33 ans, obligé de sortir pour livrer hamburgers et plats indiens à des Madrilènes confinés: "Je dois pouvoir envoyer de l'argent au Venezuela. Je suis arrivé il y a un mois, et voila: je me retrouve en pleine épidémie".

Près de la Gran Via, au milieu d'une rue piétonne sans piétons, des ouvriers entourent un camion malaxeur de béton: "La construction et la rénovation d'immeubles continuent, dit Ruben Sanchez. "Pourquoi ne veulent-ils pas fermer tous les chantiers? Je suppose que c'est pour tout l'argent en jeu."

"Moi je suis le chef de ce chantier mais je préférerais rester à la maison", assure cet Espagnol de 42 ans, effaré que les uns après les autres les pays tardent à réagir face à la pandémie.

Le 25/03/2020 à 06h31