Charismatique militant anti-corruption et ennemi juré du Kremlin, Alexeï Navalny, 44 ans, est recherché depuis fin décembre par le FSIN, le service en charge des prisons en Russie, qui lui reproche d'avoir violé les conditions d'une peine avec sursis dont il a écopé en 2014.
Alors qu'il s'apprêtait à donner son passeport pour le contrôle à la frontière, aux côtés de sa femme Ioulia, l'opposant a été approché par plusieurs policiers en uniforme qui l'ont emmené, ont constaté des journalistes de l'AFP.
"Il restera en détention jusqu'à la décision du tribunal" sur son cas, a indiqué le FSIN, sans préciser à quelle date elle pourrait avoir lieu.
"Ici, c'est chez moi. Je n'ai pas peur (...) car je sais que j'ai raison et que les affaires criminelles lancées contre moi sont montées de toutes pièces. Je n'ai peur de rien et je vous appelle à n'avoir peur de rien", a déclaré Alexeï Navalny peu avant son arrestation.
"Les Etats-Unis condamnent fermement la décision de la Russie d'arrêter Alexeï Navalny", a déclaré le chef de la diplomatie américaine Mike Pompeo dans un communiqué, estimant "que sa détention est la dernière d'une série de tentatives pour faire taire Navalny et d'autres personnalités de l'opposition et voix indépendantes qui critiquent les autorités russes".
Deeply troubled by Russia's decision to arrest Aleksey Navalny. Confident political leaders do not fear competing voices, nor see the need to commit violence against or wrongfully detain, political opponents.
— Secretary Pompeo (@SecPompeo) January 18, 2021
We condemn Russia's decision to arrest Aleksey Navalny. His detention is the latest in a series of attempts to silence Navalny, other opposition figures, and independent voices critical of Russian authorities. Unacceptable. https://t.co/loCJOHRc5s
— Ned Price (@StateDeptSpox) January 18, 2021
Le futur conseiller à la sécurité nationale du président élu américain Joe Biden, Jake Sullivan, a également appelé à la libération de l'opposant et à "tenir responsables" les auteurs de son empoisonnement en août.
Mr. Navalny should be immediately released, and the perpetrators of the outrageous attack on his life must be held accountable. The Kremlin’s attacks on Mr. Navalny are not just a violation of human rights, but an affront to the Russian people who want their voices heard.
— Jake Sullivan (@jakejsullivan) January 17, 2021
Le président du Conseil européen Charles Michel a jugé "inacceptable" l'interpellation d’ Alexeï Navalny, exigeant sa libération "immédiate". La Lituanie a appelé à adopter de nouvelles sanctions contre Moscou et la Pologne à une "réponse rapide et sans équivoque au niveau de l'UE".
The detainment of Alexey #Navalny upon arrival in Moscow is unacceptable.
— Charles Michel (@eucopresident) January 17, 2021
I call on Russian authorities to immediately release him.
La France a pour sa part indiqué avoir appris l'information "avec une très forte préoccupation", appelant "à sa libération immédiate"...
#Russie | La France a pris connaissance avec une très forte préoccupation de l'arrestation en Russie de M. Alexeï #Navalny. Elle suit, avec ses partenaires européens, sa situation avec la plus grande vigilance et appelle à sa libération immédiate.
— France Diplomatie🇫🇷🇪🇺 (@francediplo) January 17, 2021
... Tandis qu'Ottawa a jugé cette arrestation "inacceptable".
Le Canada condamne fermement l’arrestation d’Alexei @Navalny à son arrivée à Moscou. Les autorités russes doivent immédiatement le libérer. C'est inacceptable et nous continuerons d’exiger des explications en lien avec son empoisonnement.
— Marc Garneau (@MarcGarneau) January 17, 2021
La porte-parole du ministère russe des Affaires étrangères Maria Zakharova a rétorqué via Facebook, demandant aux responsables étrangers de "respecter le droit international" et de "se mêler de leurs propres problèmes".
«???: �?-?? ?????????? ??????? ?????????? ??????????, ? ???????? ? ?????????????? ????????? ?? ??? ????? ???????? ?... Publi�e par Maria Zakharova sur Dimanche 17 janvier 2021»
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Les services pénitentiaires avaient menacé dès jeudi d'arrêter Alexeï Navalny s'il rentrait en Russie. Ils lui reprochent de ne pas s'être présenté auprès d'eux deux fois par mois, comme l'exigent les conditions d'une peine de cinq ans de prison avec sursis pour détournements de fonds le visant, que l'opposant dénonce comme politiquement motivée.
Il est aussi visé depuis fin décembre par une nouvelle enquête pour fraude, soupçonné d'avoir dépensé pour son usage personnel 356 millions de roubles (3,9 millions d'euros) de dons.
Devant à l'origine atterrir à l'aéroport Vnoukovo de Moscou, l'avion transportant l'opposant a été dérouté à la dernière minute vers celui de Cheremetievo.
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En montant à bord, Alexeï Navalny s'était dit "très heureux" de rentrer et avait assuré "n'avoir rien à craindre en Russie". "Je suis certain que tout va bien se passer. On va m'arrêter? Ce n'est pas possible, je suis innocent", avait-il lancé.
A l'aéroport Vnoukovo, la plupart de ses alliés venus l'accueillir ont été interpellés par la police -dont Lioubov Sobol, figure montante de l'opposition russe- avant d'être relâchés quelques heures plus tard.
Selon l'ONG spécialisée OVD-Info, 65 personnes au total ont été interpellées dimanche à Moscou et Saint-Pétersbourg en lien avec le retour d’Alexeï Navalny.
L'ONG Amnesty International a estimé que l'arrestation d'Alexeï Navalny en faisait un "prisonnier de conscience" victime d'une "campagne implacable" des autorités russes visant à "le faire taire".
Russian authorities have waged a relentless campaign against Navalny. They must immediately and unconditionally release prominent Kremlin critic, Aleksei Navalny, detained minutes after he arrived at Moscow’s Sheremetyevo airport from Berlin. https://t.co/UpaH2wYNLH
— Amnesty International (@amnesty) January 17, 2021
Le chef de file de l'opposition russe était subitement tombé dans le coma en août, alors qu'il revenait d'une tournée électorale en Sibérie. D'abord hospitalisé à Omsk, il avait finalement été évacué vers un hôpital berlinois sous la pression de ses proches.
Trois laboratoires européens ont depuis conclu que l'opposant avait été empoisonné par un agent innervant de type Novitchok, développé à l'époque soviétique à des fins militaires, conclusion confirmée par l'Organisation pour l'interdiction des armes chimiques (OIAC) malgré les dénégations de Moscou.
L'opposant accuse les services spéciaux russes (FSB) d'avoir tenté de l'assassiner sur l'ordre direct du président russe Vladimir Poutine.
Les autorités russes ont systématiquement refusé d'ouvrir une enquête. Moscou a confirmé dimanche avoir reçu des documents au sujet d’Alexeï Navalny de la part de l'Allemagne, mais assuré qu'ils "ne comportaient essentiellement rien" de ce que la Russie voulait.
S'il est largement ignoré des médias nationaux, non représenté au Parlement et inéligible, Alexeï Navalny reste la principale voix de l'opposition russe, en partie grâce à sa chaîne YouTube aux 4,8 millions d'abonnés et son organisation, le Fonds de lutte contre la corruption (FBK), dénonçant la corruption des élites.
Malgré les perquisitions, les pressions et les condamnations à de courtes détentions visant régulièrement Alexeï Navalny ou ses alliés, il a réussi à organiser plusieurs manifestations très suivies ces dernières années, et des revers embarrassants pour le pouvoir lors de scrutins locaux.
Sa notoriété reste toutefois limitée en dehors des grandes agglomérations, un sondage du centre indépendant Levada en septembre révélant ainsi que seulement 20% des Russes approuvaient ses actions.