Algérie: quand le directeur de cabinet de Bouteflika accuse le Maroc

Ahmed Ouyahya, chef de cabinet de la présidence algérienne.

Ahmed Ouyahya, chef de cabinet de la présidence algérienne. . dr

En pleine campagne pour les législatives de mai 2017, le SG du Rassemblement national démocratique et néanmoins chef de cabinet de la présidence de la République algérienne, Ahmed Ouyahya, a accusé le Maroc de soutenir des mouvements autonomistes en Kabylie et dans le M'zab.

Le 22/02/2017 à 18h15

Le Maroc est "invité" à son insu dans le mic-mac électoral algérien. Et c'est le chef du RND et néanmoins chef de cabinet de la présidence de la République algérienne qui vient d'ouvrir le bal. Dans une interview au quotidien arabophone Al Khabar, relayée par le Courrier d'Algérie, Ahmed Ouyahya, ancien Premier ministre, s'en est pris ouvertement aux mouvements autonomistes de Kabylie et du M'zab, les accusant d'être instrumentalisés par "des cercles en France et au Maroc". "Les preuves existent. Je n’accuse pas le Palais présidentiel en France ou le Palais royal au Maroc, mais il y a des milieux dans ces pays qui tirent profit du déclenchement de perturbations chez nous", a-t-il affirmé, sans toutefois apporter la moindre preuve des liens supposés entre ces mouvements et les soi-disant "commanditaires"!

Sur cette question, monsieur Ouyahia n'en est pas à son premier coup de bluff. En juillet 2015, et alors que les affrontements entre la minorité mozabite de rite ibadite et la majorité arabe de rite malékite faisaient rage, il était sorti de son antre au palais El Mouradia où il prend ses quartiers, accusant le Maroc de soutenir le mouvement autonomiste de M'zab, victime de racisme et de répression à la fois de la majorité arabe de Ghardaïa et de la police et des officiels algériens.

Une vérité que ce monsieur Ouyahia n'a pas pu voir à travers ses binocles grossissants, préférant recourir à la théorie de "l'ennemi extérieur" pour justifier le soulèvement d'une population dont le "délit" est de revendiquer simplement une identité et une appartenance.

La riposte des avocats des victimes de Ghardaïa aux délires de monsieur OuyahiaLa sortie du chef du RND contre le Maroc n'a pas laissé indifférents les avocats des victimes de la répression sanglante perpétrée en juillet 2015 à Ghardaïa. Me Dabouz a souligné, mercredi 22 février, dans un entretien accordé au journal Liberté que les déclarations d’Ouyahia sur le sujet ont pour but de "justifier la répression" et sont orientées "plus vers la consommation interne" que vers "une réelle quête de vérité". L’avocat d'une centaine de militants des droits de l'Homme arrêtés après les affrontements intercommunautaires rappelle que ce n’est pas la première fois qu’Ouyahia fait "des déclarations surprenantes" sans être, pour autant, "inquiété par la justice ni rappelé à l’ordre par sa hiérarchie".

Me Dabouz affirme ne pas comprendre pourquoi le pouvoir évoque, sempiternellement, la main étrangère à propos de tout mouvement interne, au moment où "ces mêmes responsables se soignent là-bas, vivent là-bas pour certains, pendant que leurs enfants suivent leurs études là-bas".

"Quand un citoyen détient des informations sur un sujet aussi sensible que la sécurité nationale, il doit les mettre à la disposition de la justice", indique Me Dabouz. Ce qui n’est pas le cas d’Ahmed Ouyahia dont les déclarations sont, estime l’avocat, "incorrectes et relèvent d’un chantage".

Vous avez bien lu: un "chantage", qui représente le sport favori d'apparatchiks algériens qui ne sont pas près de renoncer à des pratiques dignes du Politburo et du KGB de la pourtant défunte URSS.

Il est à noter que la sortie de Ahmed Ouyahya intervient très peu de temps après celle de Bouteflika qui a dénoncé des complots "outre-mer" pour justifier l'avalanche de rapports internationaux sur la faillite inéluctable de l'Etat algérien. Quand on commence à pointer du doigt la main de l'étranger sans apporter de preuve, c'est déjà reconnaître l'impuissance à faire face à une situation difficile et encore moins d'être en mesure de la résoudre. Le bateau Algérie n'est pas seulement en train de prendre de l'eau. Il coule déjà.

Par Ziad Alami
Le 22/02/2017 à 18h15