Après l'intervention des FAR à El Guerguerat, l'armée algérienne s’emmure dans la fébrilité

Le général Saïd Chengriha, chef d'état-major de l'armée algérienne.

Le général Saïd Chengriha, chef d'état-major de l'armée algérienne. . DR

Suite à l’intervention des Forces armées royales et la réouverture du passage d’El Guerguerat, certains médias algériens ont fait réagir le patron de l’armée algérienne, en remettant au goût du jour une ancienne déclaration. Dans ce «réchauffé», Saïd Chengriha qualifie le Maroc d’«ennemi classique».

Le 16/11/2020 à 12h36

Le commandement de l’armée algérienne reste encore muet, une fois n’est pas coutume, quatre jours après l’intervention des Forces armées royales au passage d’El Guerguerat, dont la dynamique a pris de court le régime algérien. Cette opération militaire a permis de déloger les coupeurs de routes, installés sur place par le Polisario, et rétablir le trafic commercial entre le Maroc, la Mauritanie et l’Afrique subsaharienne.

Aigris par toute absence de réaction de la part de l’armée algérienne, d’habitude prompte à s’exhiber à travers des exercices militaires tonitruants aux frontières des pays voisins, un site et une télévision publique algériens ont réussi la prouesse de faire réagir le chef d’état-major de l’armée algérienne. Non que le général de corps d’armée, Saïd Chengriha, a fait une quelconque déclaration exclusive à ces médias, mais ceux-ci ont été «pomper» dans les archives pour en ressortir une vidéo datant de plusieurs mois, dans laquelle le chef de l’armée algérienne s’en prend au Maroc de façon virulente.

Dans ce vieille diatribe réchauffée, Chengriha apparaît hors de lui, agitant frénétiquement ses bras et appuyant nerveusement sur chaque syllabe des mots devant une assistance entièrement en casquette et treillis. Une mise en scène pour faire croire qu’il s’agit là d’une réaction à chaud au rétablissement de l’ordre à El Guerguerat par les FAR.

«Aujourd’hui, je compte sur tout le monde, chacun dans son poste, du simple soldat au plus haut gradé, pour une mission noble, celle de la défense de nos frontières contre le terrorisme, contre les trafiquants et même contre un ennemi classique», déclare Chengriha.

L’«ennemi classique» dont il parle est bien évidemment le Maroc, celui-là même qui a mis en déroute l’armée algérienne à plusieurs reprises (Guerre des sables, Mahbès, Amgala…), déroutes qui sont à l’origine de l’incurable «complexe algérien» vis-à-vis du Maroc.

En 2019, et alors qu’il n’était encore que chef de l’armée de terre, Saïd Chengriha avait qualifié le Maroc d'«ennemi des Sahraouis et de l’Algérie», et considéré que le Sahara marocain est un «territoire injustement spolié par le tyrannique occupant marocain». Rien que ça.

De même, Chengriha, dans sa supposée réaction aux événements d’El Guerguerat, mais vraie déclaration antérieure, affirme que «l’Algérie est le pays le plus puissant dans la région, le plus puissant avec sa Présidence, avec son gouvernement, avec toutes ses institutions et avec son armée».

Or, si le président est actuellement en Allemagne, entre la vie et la mort sur un lit d’hôpital, le gouvernement est immobilisé par la crainte de suivre Abdelmalek Sellal et Ahmed Ouyahia en prison et l’armée n’est guère mieux lotie. Car la puissance militaire ne se réduit pas à la taille d’un budget, aussi colossal soit-il, mais à un armement efficace et à des troupes motivées. Or, l’ANP ne donne pas la démonstration de la maîtrise de son armement, à l’image des avions militaires de l’armée algérienne qui affichent le triste record de crash et de morts à travers le monde. Pour ce qui est des troupes, comment peuvent-elles avoir bon moral face au spectacle des guerres intestines que se livrent les généraux algériens, pour la plupart en fuite, en prison, en résidence surveillée, quand ils ne sont pas liquidés physiquement?

Cette démotivation de l'armée algérienne rejoint celle du peuple algérien qui, lui aussi, est loin de soutenir la position de ce régime militaro-affairiste sur le Sahara marocain. Surtout que ce régime militaire est gangrené par une corruption endémique. L’exemple par Saïd Chengriha lui-même qui, à l’instar de son prédécesseur Ahmed Gaïd Salah, a émargé tous ses enfants sur le budget de l’armée. Son fils, parachuté capitaine, poursuit des études à Paris avec une bourse mensuelle de 12.000 euros, en plus d’un salaire d’attaché militaire.

La même fonction est attribuée à Melissa Chengriha, l’une de ses filles travaillant à l’ONU-Genève, mais qui opère depuis le bureau de l’attaché militaire (inoccupé) au sein de l’ambassade algérienne en Suisse. Trois autres filles de Saïd Chengriha (un médecin, un architecte et une hôtelière) sont liées par des contrats lucratifs ou exécutent des marchés juteux au profit de l’institution dirigée par leur père.

Pour donner une idée de la corruption au sein de l’ANP qui ne profite qu’aux haut gradés, rappelons qu’en août dernier, l’ancien directeur des transmissions du ministère de la Défense, le général Abdelkader Lechkham, a été accusé par le général Sid Ali Ould Zmirli, directeur général de la sécurité de l’armée (DGSA) algérienne, d’avoir dilapidé, à lui seul, l'astronomique somme de 2 milliards de dollars!

C’est donc cette armée algérienne peu sereine, dont le chef suprême, et ministre de la Défense, Abdelmadjid Tebboune, est aux abonnés absents, qui est prise de court par l’opération militaire marocaine, dont le bien-fondé et la légalité ont été salués à travers le monde.

Saïd Chengriha, catapulté par le plus grand des hasards chef d'état-major, n’y peut rien, car il n'a même pas le titre, contrairement à son prédécesseur, de vice-ministre de la Défense pour prendre part aux décisions stratégiques.

Par Mohamed Chakir Alaoui
Le 16/11/2020 à 12h36