Autonomie du Sahara: dépitée par le soutien confirmé de Madrid, l’Algérie suspend sa coopération avec l’Espagne

Le président du gouvernement espagnol, Pedro Sanchez, et le président algérien Abdelmadjid Tebboune.

Le président du gouvernement espagnol, Pedro Sanchez, et le président algérien Abdelmadjid Tebboune. . DR

La présidence algérienne a officiellement annoncé la suspension unilatérale de son principal traité de coopération avec Madrid. La raison n’est autre que le soutien de l’Espagne au plan marocain d’autonomie du Sahara, confirmé encore aujourd’hui par le président du gouvernement, Pedro Sanchez, devant le Congrès des députés de son pays.

Le 08/06/2022 à 17h51

Le discours, de plus d’une heure, prononcé ce mercredi 8 juin 2022 par Pedro Sanchez, devant le Congrès des députés espagnols, aura été glaçant pour le régime algérien. Confirmant avec fermeté et conviction la nouvelle position espagnole en faveur du plan marocain d’autonomie, il a, à l’évidence, acculé la junte, ne lui laissant d’autre choix que de jouer une de ses toutes dernières cartes: suspendre toute coopération entre Alger et Madrid. Ce fut fait ce même mercredi, quand l'Algérie a suspendu son «traité d'amitié, de bon voisinage et de coopération», soit son principal instrument de coopération, conclu en 2002, avec l'Espagne.

L’annonce a été faite par la présidence algérienne dans un communiqué. Le soutien confirmé des autorités espagnoles au plan d’autonomie du Sahara sous souveraineté marocaine y est présenté comme une «violation de leurs obligations juridique, morale et politique», et un «revirement injustifiable», entre autres amabilités adressées tant à Madrid qu’à Rabat.

Dépitée donc, l'Algérie «a décidé de procéder à la suspension immédiate du Traité d'amitié, de bon voisinage et de coopération qu'elle a conclu le 8 octobre 2002 avec le Royaume d'Espagne», lequel encadrait les relations entre les deux pays et couvrait les champs tant du dialogue politique à tous les niveaux que de la coopération dans les domaines économique, financier et éducatif. Sans oublier le partenariat en matière de défense.

En plus du soutien franc et irréversible au plan d’autonomie, c’est surtout l’indifférence totale affichée ce mercredi par Pedro Sanchez à l’égard de la crise née depuis mars dernier avec l’Algérie, à aucun moment citée dans son discours, qui semble avoir enragé la junte. Comme si toutes les gesticulations d’Alger, notamment le rappel de son ambassadeur, ses menaces de couper l'accès à son gaz à l’Espagne, ou d’en augmenter le tarif, ou encore, plus récemment, l’épouvantail de boycott des produits espagnols, ne valaient rien.

A l’inverse, s’agissant de la nouvelle page des relations ouverte avec le Maroc, Sanchez a dressé un bilan positif. «L'élan pris d’aller vers une nouvelle ère des relations avec le Maroc est une réalité qui fait son chemin», a-t-il clamé. Et «il y a encore beaucoup à faire», a dit le président du gouvernement espagnol.

La décision de l’Etat algérien de rompre son traité de coopération avec l’Espagne a au moins le mérite de la clarté. Cela fait 46 ans que le Maroc s’époumone à dire que l’Algérie est la principale partie au différend du Sahara. Le régime algérien s’est réfugié jusque-là derrière des questions de principe, en faisant valoir son statut d’observateur. Il est allé jusqu’à refuser catégoriquement de prendre part au processus des tables rondes auquel le somme de participer la résolution du Conseil de sécurité 2602, adoptée à New York le 29 octobre 2021, au motif que le conflit du Sahara ne le concerne pas.

Avec sa réaction épidermique à la décision souveraine du Royaume d’Espagne en faveur de l’autonomie, le régime algérien épargne désormais au Maroc l’effort de convaincre de la bilatéralité maroco-algérienne du conflit du Sahara. Désormais, l’Algérie assume son statut de principale partie dans ce conflit. A la communauté internationale, au Conseil de sécurité, au Secrétaire général des Nations Unies, Antonio Guterres, ainsi qu’à son envoyé personnel, Staffan di Mistura, de tenir compte de ce paradigme, désormais proclamé et assumé par l’Etat algérien. Il était temps.

Par Tarik Qattab
Le 08/06/2022 à 17h51