Exclusif. Lancement, financement, usages: vous saurez tout sur le 2e satellite espion marocain

Installation du satellite espion marocain sur la rampe de lancement.

Installation du satellite espion marocain sur la rampe de lancement. . dr

Après Mohammed VI-A, le deuxième satellite espion marocain, Mohammed VI-B, s'apprête à être mis sur orbite. A quoi servira-t-il et comment a-t-il été financé? On vous dit tout.

Le 23/09/2018 à 08h53

La date de son lancement est, en soi, un grand symbole. Le deuxième satellite espion marocain, Mohammed VI-B, s'apprête à effectuer son lancement, depuis la base de Kourou, en Guyane française, fort probablement le 6 novembre prochain, date commémorative de la Marche verte, nous informe une source proche du dossier.

La particularité de ce deuxième bijou technologique est qu'il complète parfaitement le premier, baptisé Mohammed VI-A. A lui seul, ce dernier est capable de prendre 500 photos en haute définition quotidiennement, et permet d'actualiser la base de données de la station terrestre toutes les six heures. Un objet de 50 centimètres peut ainsi être photographié en haute résolution. Il est aussi capable de faire un tour complet autour de la Terre toutes les 97 minutes à 27.000 km/ h. Ce satellite effectue des rotations horizontales.

Quant à Mohammed VI-B, et c'est là toute son importance, il captera des images en faisant des rotations verticales autour du globe. Doté d'un rayon de couverture plus large, le nouveau satellite, combiné au premier, permettra d'actualiser la base de données de la station terrestre toutes les heures. «Le tout permet un fonctionnement optimal de façon à couvrir tous les points d’intérêt», nous précise-t-on.

Les deux satellites auront coûté la bagatelle de 600 millions d'euros. Certains parlent d'un financement émirati, avec l'aval de la France. Il n'en est strictement rien. Le financement de ce projet stratégique émane de fonds 100% marocains, plus précisément… de l'Agence nationale de la conservation foncière, du cadastre et de la cartographie, au demeurant le premier contributeur, et de loin, au budget de l'Etat.

L'utilité d'un tel dispositif en matière de défense et de renseignement n'est plus à démontrer et ce rôle est monitoré par la DGED (Direction générale des études et de la documentation). Aux manettes, près de 100 ingénieurs, tous Marocains, qui ont été formés dans la discrétion la plus totale. «Ces ingénieurs sont en mesure aujourd’hui d'exploiter de façon optimale les données enregistrées par le satellite», précise notre source.

Ce satellite espion est également à même d’obtenir des informations précises sur tout mouvement des éléments armés et des infrastructures militaires du front Polisario. On s'en souvient: le 4 avril 2018, c'est avec les photos du premier satellite que le ministre des Affaires étrangères, Nasser Bourita, s'était présenté devant le Secrétaire général des Nations Unies pour dénoncer un mouvement du front séparatiste à Bir Lahlou.

Mais beaucoup ne connaissent pas les déclinaisons civiles de l’utilisation du premier satellite ainsi que du second, qui doit être mis en orbite au mois de novembre. C'est ainsi que trois départements, et non des moindres, tirent également grand profit de ce système de surveillance à partir de l'espace. Le principal d'entre eux n'est autre que le ministère de l'Intérieur qui contrôle, au mètre carré près, l'évolution de l'urbanisme dans nos villes et peut ainsi sévir contre des dépassements tels que la création ou l'extension d'un bidonville. Auparavant, ce rôle était dévolu aux caïds, avec les débordements que l'on sait... «Aujourd’hui, il suffit qu’un bidonville progresse d’un mètre pour qu’on le repère grâce au satellite et que les autorités compétentes interviennent pour rétablir la situation initiale», ajoute notre source. 

Autre département concerné, le Haut Commissariat aux Eaux et forêts, notamment sur le registre de la prévention des incendies. «Le feux de forêt prospèrent dans des zones qui présentent des conditions favorables au déclenchement d’un foyer d’incendie. Le satellite communique des données liées à la température du sol. L’identification de températures à risque permet aux services concernés de concentrer les moyens de lutte contre les incendies sur des zones précises. Ce qui permet à la fois d’intervenir rapidement en contrant l’évolution d’un incendie et même de l’anticiper dans certains cas», nous explique une source bien informée.

Mohammed VI-A (et bientôt Mohammed VI-B) permettent aussi de tracer précisément la marche inexorable de la désertification venant du sud du pays. Ils en suivent l'évolution et permettent de recueillir des données exactes sur sa progression. A cela s'ajoute l'agriculture, secteur où le satellite est exploité de façon multiforme.

Précisons enfin que le Maroc est le seul pays voisin de l'Europe à disposer d'une telle technologie. Avec ce second satellite, le royaume deviendra ainsi le troisième pays du continent africain à être doté de ces technologies, après l’Egypte et l’Afrique du Sud. De quoi largement affoler le voisin de l’est, qui achète sans compter des armes vite devenues obsolètes, et qui a accusé un retard difficilement rattrapable en terme d’innovation et de surveillance technologique.

Par Tarik Qattab
Le 23/09/2018 à 08h53