Info360. Le Maroc n’a pas encore donné son accord pour délivrer un laissez-passer à l'imam Hassan Iquioussen

Photo d'archive prise le 18 juin 2004 montrant l'Imam Hassan Iquioussen (à gauche), alors président de l'association en charge de la gestion de la mosquée des Escaudain à Escaudain, dans le nord de la France.

Photo d'archive prise le 18 juin 2004 montrant l'Imam Hassan Iquioussen (à gauche), alors président de l'association en charge de la gestion de la mosquée des Escaudain à Escaudain, dans le nord de la France. . FRANCOIS LO PRESTI / AFP

Alors qu’en France, on se réjouit du feu vert donné par le Conseil d’Etat, ce mardi 30 août, à l'expulsion vers le Maroc du célèbre prédicateur, une source marocaine proche du dossier affirme qu’aucun laissez-passer n’a été accordé à Hassan Iquioussen pour pouvoir accéder au territoire national.

Le 31/08/2022 à 07h18

Son patronyme est difficile à prononcer. Pourtant, le nom de Hassan Iquioussen est sur toutes les lèvres sur les plateaux des chaînes de télévision françaises. Bien des milieux politiques et la presse en France se félicitaient d’une seule voix que le Maroc ait accordé un laissez-passer à Hassan Iquioussen pour pouvoir accéder au territoire national et n’attendaient que le feu vert du Conseil d’Etat, la plus haute juridiction administrative française, pour le voir extradé au Royaume. Si cette dernière s’est bien prononcée, ce mardi 30 août, en faveur de l’expulsion de l’imam marocain accusé de radicalisme, de haine envers la femme et d’antisémitisme, il y a cependant un bémol. Et il est de taille. Les autorités marocaines n’ont pas encore donné leur accord pour délivrer un laissez-passer, sésame indispensable à l’expulsion de Hassan Iquioussen. Contactée par Le360, une source proche du dossier est catégorique: pour l’heure, Hassan Iquioussen ne peut pas entrer au Maroc.

«Les services consulaires ont traité la première fois la demande des autorités françaises suivant une procédure bureaucratique, alors que toute décision nécessitait une concertation politique avec Rabat. Un écrit des services consulaires a été fait dans ce sens aux autorités françaises pour leur exprimer que l’expulsion de M. Iquioussen au Maroc n’était plus à l’ordre du jour après sa suspension par le tribunal administratif de Paris», assure notre source.

La décision de l’Etat français de réduire de moitié les visas octroyés aux Marocains, en ciblant les élites du pays, explique en grande partie les réserves des autorités marocaines à répondre favorablement à la demande française. L’Etat Français a décidé en septembre 2021 de mettre la pression sur le Maroc, l’Algérie et la Tunisie, en réduisant les visas de moitié pour les deux premiers pays et d’un tiers pour le dernier, au motif qu’ils refusent d’accueillir leurs ressortissants expulsés du territoire français.

Aux yeux de notre source, la coopération consulaire n’est pas à la carte et ne peut donc relever de l’extrême urgence quand il s’agit des intérêts français alors que les aspects liés aux intérêts du Maroc peuvent bien attendre.

Mais, il y a plus grave pour cette source proche du dossier: la politique de la pression, suivie par la France dans ce dossier, est dangereuse pour la relation entre les deux pays et remet en question la nature même du partenariat qui les lie. «Une chose est de demander l’intervention d’un partenaire pour régler un problème, que ce soit en lien avec l’immigration clandestine, les mineurs non accompagnés, des personnes fichées S. Une autre est de croire qu’en faisant pression, on pourrait obtenir de lui ce que l’on veut». Et de déplorer le fait que certains milieux en France croient que «punir un partenaire constitue le chemin le plus court pour atteindre ses objectifs».

Notre source ajoute que le fait de considérer la pression comme un levier pour soumettre un partenaire est une démarche préjudiciable à la relation entre la France et le Maroc. «Pour le bien de cette relation, il ne faudrait pas accepter de céder à la pression exercée par certaines parties en France», conclut notre source.

Vivant dans le nord de la France, à Lourches, l'imam Hassan Iquioussen, 50 ans, est né, a grandi et fait toute sa vie en France. Lui n'a pas la nationalité française, mais ses cinq enfants et ses quinze petits-enfants sont, eux, Français. Son avocate affirme qu’il envisage de saisir la Cour européenne des droits de l'homme. En attendant, le ministre de l'Intérieur, Gérald Darmanin, qui s’est précipité sur Twitter pour annoncer son expulsion, synonyme pour lui de «grande victoire pour la République», devrait tempérer son enthousiasme.

Par Tarik Qattab
Le 31/08/2022 à 07h18