L’autonomie au Sahara: vis-à-vis de l’Espagne, l’Algérie est hystérique alors que le Polisario est mesuré

De gauche à droite: Pedro Sánchez, président du gouvernement espagnol, Brahim Ghali, chef du Polisario, et Abdelmadjid Tebboune, président algérien.

De gauche à droite: Pedro Sánchez, président du gouvernement espagnol, Brahim Ghali, chef du Polisario, et Abdelmadjid Tebboune, président algérien. . Le360 (photomontage)

Alors que les dirigeants séparatistes du Polisario ont choisi la modération dans leurs réactions vis-à-vis du gouvernement espagnol suite à sa décision souveraine de soutenir le plan d’autonomie au Sahara, la diplomatie algérienne, elle, a dépassé les limites de l’indécence à l’égard de Madrid.

Le 21/06/2022 à 07h41

En soutenant le plan marocain d’autonomie au Sahara, l’Espagne a été outrageusement prise à partie par l’Algérie, au point que l’on aurait cru que Madrid a annoncé soutenir l’autodétermination que revendiquent les Kabyles d’Algérie. Or, victime elle-même, durant les années 70 et 80 du terrorisme des séparatistes basques de l’ETA, et actuellement confrontée mais fermement opposée aux revendications indépendantistes de la Catalogne, l’Espagne n’a fait que se conformer à l'évidente assertion selon laquelle que le Polisario, prônant à son tour la violence et le séparatisme, constitue aujourd’hui un danger pour la stabilité et la sécurité de la région maghrébine, région voisine et stratégique pour l’Espagne.

Le soutien que Madrid a apporté au plan d’autonomie proposé par le Maroc, en le considérant comme la seule solution sérieuse pour le règlement définitif du différend créé autour du Sahara, devait donc irriter en premier lieu le Polisario, et non l’Algérie qui crie pourtant sur tous les toits qu’elle n’est qu’un «observateur» et non pas une partie prenante au conflit du Sahara. N’a-t-elle affirmé, qu’au cas où Staffan de Mistura, nouvel envoyé personnel du secrétaire général de l’ONU, relancerait le format des tables rondes à Genève, elle n’y participera plus, au motif qu’elle n’est pas partie au conflit?

Cela n’a pas empêché le régime algérien de s’ingérer directement dans les affaires intérieures de l’Espagne, quand celle-ci a changé de position sur le dossier du Sahara, à l’instar des Etats-Unis et de plusieurs puissances européennes, au point de rappeler son ambassadeur à Madrid et de menacer l’Espagne de couper les relations commerciales avec elle.

Cette attitude extrémiste est aux antipodes de celle du Polisario, qui n’a rappelé aucun de ceux qu’il appelle ses «représentants» en Espagne pour protester contre la décision historique prise le 18 mars dernier par le gouvernement espagnol. 

Ainsi, le chef du Polisario, Brahim Ghali, s’est limité à déclarer que «l'Espagne a des responsabilités historiques qu'elle devra reconnaître devant l'histoire», une phraséologie qu’il ressasse régulièrement pour demander, probablement, à l’Espagne de recoloniser le Sahara... Le fait aussi que la majorité des dirigeants du Polisario détient la nationale espagnole contribue bien évidemment à la tiédeur de leur réaction.

Pour le chef du Polisario, l’Espagne reviendra un jour sur le soutien apporté au Maroc, «en cas de changement de gouvernement à la faveur d'une éventuelle victoire du Parti populaire espagnol lors des prochaines élections législatives». Selon lui, Alberto Nunez Feijoo, président du Parti populaire, une fois au pouvoir, reniera la décision prise par Pedro Sanchez.

Une solution à laquelle ne croit pas vraiment le prétendu ambassadeur du Polisario à Alger qui vient de déclarer: «nous espérons que l'Espagne changera ses positions sur la question sahraouie mais je sais que les partis politiques de l'opposition (en Espagne) adoptent une politique et lorsqu'ils arrivent au pouvoir ils en adoptent une autre».

Ainsi, le Polisario, supposé être la seule partie concernée, sur la foi des dires de l’Algérie elle-même, semble plus mesuré que cette dernière dans ses réactions à la décision souveraine de l'Espagne. Le scepticisme et le défaitisme des dirigeants séparatistes tranchent nettement avec la violence et la vulgarité des réactions de la diplomatie algérienne.

Jeudi dernier, et avec sa plus récente sortie médiatique en date, le prétendu envoyé spécial algérien chargé du Sahara et du Maghreb, Amar Belani, a carrément insulté plusieurs ministres du gouvernement espagnol, traités de menteurs, de cyniques et d’ignorants en matière de droit international. Pedro Sanchez, chef du gouvernement, Nadia Calvino, ministre de l’Economie et des finances, Jose Manuel Albares, ministre des Affaires étrangères, de l’UE et de la coopération, Margarita Robles, ministre de la Défense, Angeles Moreno Bau, secrétaire d’Etat aux Affaires étrangères ont été nommément et copieusement insultés par Belani.

Dans une déclaration au journal espagnol El Confidencial, reprise par le site algérien TSA vendredi dernier, il a affirmé que «les déclarations irresponsables faites par la ministre Nadia Calvino et les propos distillés en off par le ministre Albares ruinent définitivement toute chance de normalisation des relations avec un gouvernement non fiable qui s’enfonce dans les mensonges et la fuite en avant». Prétendant que quelque chose se «cache derrière cette décision du chef de l'exécutif espagnol», Pedro Sanchez, et qu’Albares «est entré en diplomatie par effraction», il a ajouté: «quant aux autres officiels (Robles et Bau, respectivement ministre de la Défense et secrétaire d’Etat aux Affaires étrangères) qui soutiennent que la nouvelle position radicale de l’Espagne sur la question du Sahara occidental est respectueuse du droit international, ils font montre d’un cynisme et d’un aveuglement affligeants».

Quand les voix officielles d’un pays atteignent un tel niveau de bassesse, cela éclabousse d’abord les Algériens, qui, eux, ne demandent qu’à se réfugier en Espagne pour fuir la honte dont leurs dirigeants couvrent chaque jour le pays.

Par Mohammed Ould Boah
Le 21/06/2022 à 07h41