Mécanisme africain pour le Sahara: faut-il s’inquiéter?

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Le président de l’Union Africaine comme le président de la Commission de l’UA ont convenu de l’urgence de mettre en place un «mécanisme africain pour le Sahara», actant le retour de ce dossier dans l’agenda de l’Union. En quoi consiste ce mécanisme et faut-il en avoir peur? Eléments de réponse.

Le 20/03/2019 à 13h34

Le dossier du Sahara est de retour dans l’agenda de l’Union Africaine. Ainsi en ont convenu Abdel Fattah Al-Sissi, le président égyptien et actuel président de l’UA, et le Tchadien Moussa Faki Mahamat, président de la Commission de cette instance.

Lors d’une réunion tenue le 17 mars dernier à Assouan, en Egypte, les deux responsables ont souligné «l'urgence que revêt l'activation du Mécanisme africain mis en place par le Sommet de Nouakchott de juillet 2018», sur la question du Sahara marocain.

«À cette fin, des mesures seront prises en vue de la convocation de la réunion inaugurale du Mécanisme le plus tôt possible. Le Président de l'Union et le Président de la Commission invitent les parties au conflit et tous les autres États membres à coopérer pleinement avec le Mécanisme en vue de l'exécution de son mandat et de la mise en œuvre de la décision de Nouakchott de juillet 2018 qui l'a établi», indique un communiqué publié hier soir, mardi 19 mars, par la Commission de l'UA.

Avec les dossiers liés au développement des infrastructures, l'autonomisation des jeunes, la paix et la sécurité, la Libye et la lutte contre le terrorisme, le Sahara (re)figure ainsi en tête des priorités de l’UA.

Mais avant tout, cette question cruciale: en quoi consistera donc ce mécanisme? Créé lors du 31e sommet des chefs d’Etat de l’Union africain qui s’est tenu en Mauritanie le 31 juillet 2018, ce mécanisme est censé centraliser l’ensemble des rôles et des missions que l’UA aura à jouer concernant le dossier du Sahara. Il s’agit d’une troïka (donc de trois membres) composée du président de la Commission de l’Union, soit le même Moussa Faki Mahamat, du président de l’Union africaine, entendez Abdel Fattah Al-Sissi et du prochain président de l’UA, soit Cyril Ramaphosa, président de l’Afrique du Sud et actuellement premier vice-président de l’UA.

Le mécanisme en question a pour mission d’appuyer l’agenda et les efforts de l’ONU pour le règlement définitif du conflit créé autour du Sahara. Ni plus, ni moins.

«Ce mécanisme est d’autant plus important qu’il met fin aux initiatives passées de l’ancien envoyé spécial de l’UA au Sahara, Joaquim Chissano, ancien président du Mozambique, au demeurant très hostile au Maroc et qui a été, de 2014 à 2018, un véritable agent au service de l’Algérie sur ce dossier», précise le politologue Mustapha Sehimi.

Organe exclusif et entièrement dédié à la question, ledit «mécanisme» évite, de facto, tous les parasitages et autres instrumentalisations de la question du Sahara par les autres instances de l’Union africaine, notamment le Conseil de la paix et la sécurité, naguère entre les mains de l’Algérie, qui en a usé et abusé pour servir ses intérêts en la matière. «Ce mécanisme sonne le dessaisissement de toutes les autres instances africaines du dossier du Sahara», explique à ce titre Mustapha Sehimi. Loin d’être une source d’angoisse, ce serait donc là un véritable soulagement pour la diplomatie marocaine, qui aura désormais un interlocuteur unique à l’échelle africaine sur le dossier du Sahara.

«Ce mécanisme ne peut que conforter le Maroc dans la mesure où il aura à opérer uniquement suivant l’agenda de l’ONU. Son activation aujourd’hui est d’autant plus pertinente qu’elle intervient au moment où les pourparlers entre les parties en conflit en sont à leur deuxième phase, à Genève, et que l’envoyé spécial du secrétaire général de l’ONU, Horst Köhler, s’apprête à rendre son rapport sur le Sahara au Conseil de sécurité, fin mars, et qu’une nouvelle résolution de ce dernier est prévue en avril», souligne Sehimi, en véritable expert, de longue date, de ce dossier.

Cet optimisme peut toutefois être tempéré par la composition dudit mécanisme. Le président de l’Afrique du Sud, et prochain président de l’UA, est hostile à l’intégrité territoriale du Maroc. La preuve : Pretoria annonce tambour battant depuis plusieurs semaines une «conférence de solidarité avec le Sahara Occidental», les 25 et 26 mars au siège de son ministère des Relations internationales et de la Coopération à Pretoria. «Le Sahara occidental demeure la dernière colonie en Afrique», a déclaré, hier mardi, Luwellyn Landers, vice-ministre sud-africain des Relations internationales et de la Coopération. C’est dire que la composition de ce mécanisme est déterminante pour qu’il ne sorte pas des limites qui lui sont tracées. 

Par Tarik Qattab
Le 20/03/2019 à 13h34