Pourquoi le Maroc décide de reconquérir sa place au sein de l’Union africaine

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Le retour annoncé du Maroc au sein de l’Union africaine ne relève pas du hasard, il n’est pas une simple formalité, pas plus qu’un effet d’annonce, mais plutôt le fruit d’une stratégie mûrie et pesée, en amont, qui consiste à s’inviter sur le terrain de la bataille. Eclairage.

Le 19/07/2016 à 15h26

Alors que la décision du retour du Maroc au sein de l’UA venait d'être annoncée, -le roi l’ayant officialisée il y a à peine trois jours dans un message historique adressé au 27ème Sommet des chefs d’Etat et de gouvernement africains qui s’est déroulé à Kigali-, l’on peut déjà dire qu’elle a porté fruit. Pas moins de vingt-huit pays membres de l’Union africaine ont adressé, hier lundi, à Driss Déby Itno, président du Tchad et président en exercice de l’UA, une motion en vue de la suspension de la «RASD» des activités de l’UA, et de tous ses organes.

L’axe Alger-Pretoria-Abuja ne se serait jamais senti aussi isolé au sein d’une Union africaine qu’il a instrumentalisée pendant longtemps afin de nuire aux intérêts marocains, avec à leur tête la question de l’intégrité territoriale du royaume.

Le retour annoncé du Maroc au sein de l’UA, dont il est –on ne le soulignera jamais assez- un membre fondateur, n’est pas l’effet d’une quelconque nostalgie, le royaume n’a jamais été aussi africain que quand il a quitté cette organisation panafricaine, mais le fruit d’un choix mûri et pesé en amont qui s’inscrit sur un mode de rupture avec la politique de la chaise vide.

Ce retour est l’expression de la diplomatie offensive voulue par le roi Mohammed VI: une diplomatie qui mène la bataille là où elle se déroule.

Et comme un choix n’est jamais le fruit du hasard, il est le cas échéant dicté par un constat. L’Union africaine est en effet devenue le fer de lance de la stratégie hostile des adversaires de l’intégrité territoriale du Maroc. «Laisser ce terrain libre pour les adversaires, revient à les encourager dans leur action continue pour détourner les outils et les mécanismes de l’UA, au service de leur agenda», indique à Le360 une source diplomatique qui a souhaité ne pas être citée.

Un changement de cap qui amènerait plus d’un à se poser cette question incontournable : «pourquoi ce retour aujourd’hui et non pas auparavant ?». Question à laquelle notre source a apporté cette réponse concise et on ne peut plus convaincante : «La politique de la chaise vide - par laquelle le Maroc entendait, en son temps, marquer sa désapprobation quant à la violation par l’Organisation panafricaine de ses propres règles en admettant en son sein l’entité fantoche - ne se justifie plus à l’heure actuelle».

En d’autres termes, les temps ont changé et les conditions dans lesquelles l’aberration de le défunte OUA a été commise, aussi. Il n’est qu’à préciser que les deux tiers des pays membres de l’Union africaine ne reconnaissent plus la «RASD» pour se rendre à l’évidence. Pourquoi ne pas reconquérir sa place dans cette structure panafricaine dès lors que seulement un tiers des pays membres continuent, pour une raison ou une autre, de donner du crédit à cette entité qui n’est reconnue par aucune autre organisation (ONU, OCI, Ligue arabe, Union européenne, etc)?

Le bon sens démocratique veut que cette entité soit naturellement éjectée. Et l’offensive lancée actuellement par le Maroc au sein de l’UA tire sa force de ce prérequis démocratique. Celui-là même dont excipait mensongèrement la partie adverse pour amener l’UA, devenue chasse gardée de l’axe Alger-Preoria-Abuja, à cautionner des décisions résolument hostiles au Maroc. Il convient de rappeler que l’Algérie et l’Afrique du Sud sont respectivement les deux plus grands contributeurs au budget de l’UA. Et qu’à ce titre, leur influence y est considérable dans les instances de cette organisation.

La meilleure défense, c’est l’attaque

Il vaut mieux être proactif que défensif. Fini, le temps de la diplomatie par procuration- ou l’action indirecte à travers les amis du Maroc à l’intérieur de l’UA. «Cette diplomatie a bel et bien montré ses limites», constate notre source. «Il n’est plus possible de garantir une défense efficace des intérêts du Maroc et une mobilisation continue de ses amis, sans être à l’intérieur même des structures de l’UA et ses différents processus», relève encore notre source.

«Le retour du Maroc est une façon d’aider nos amis à nous aider à l’intérieur de l’UA», explique-t-elle, à juste titre. En effet, en étant à l’intérieur des instances de l’UA, en contribuant à leurs travaux et en participant aux dynamiques de négociation et de prise de décision en leur sein, le Maroc sera d’autant mieux placé pour anticiper les actions hostiles et agir de manière proactive.

Le Maroc ne revient pas à l’UA en tant que demandeurNombre de pays africains frères et amis ont, en effet, insisté pour que le Maroc revienne dans le giron de l’UA, soulignant au sein même de cette structure, l’aberration de voir le royaume rester en dehors de l’Organisation panafricaine alors même qu’il est l’un des pères fondateurs de l’OUA. D’ailleurs, plusieurs pays ont profité du 27ème Sommet des chefs d’Etat et de gouvernement africains à Kigali, pour lancer un appel en faveur du retour du Maroc au sein de la famille africaine.

Un appel d'autant plus fondé que le royaume est engagé dans une coopération très poussée avec la quasi-totalité des pays africains. Il est d’ailleurs l’un des principaux contributeurs aux opérations de maintien de la paix sur le continent. En plus, la politique africaine du roi Mohammed VI a consolidé ces acquis, par une diplomatie économique entreprenante et un engagement fort sur le terrain de la diplomatie culturelle et religieuse.

«Tout cela rend le retour du Maroc au sein de l’UA davantage une reconquête de la place naturelle du Maroc au sein de sa famille africaine, qu’une simple adhésion à une organisation régionale», tranche notre source. 

En contrepartie, le retour du Maroc à l’UA est de nature à renforcer davantage sa projection vers sa profondeur africaine.

Un retour qui ne signifie nullement une reconnaissance de la «RASD»

Il ne faut pas comprendre que ce retour annoncé impliquera une reconnaissance d’une entité qui n’a de «république» que le nom. Loin s’en faut. «Ce retour est plutôt le premier pas vers la correction de cette aberration, qui est d’ailleurs désapprouvée par les deux tiers des membres de l’Union africaine qui ne reconnaissent pas la «RASD»», certifie notre source.

Il s’agit ainsi d’un retour conditionné à l’éjection de la «RASD» en dehors de toutes les structures de l’UA et, du coup, d'un retour à la normalité. Un retour salué par la majorité des pays africains qui y voient une chance inouïe pour mettre fin à la mainmise de l’axe Alger-Pretoria-Abuja, et qui ont la certitude que le retour du royaume contribuera à la revitalisation de l’Union africaine.

Par M'Hamed Hamrouch
Le 19/07/2016 à 15h26