Réforme de la santé: tout ce qu’il faut savoir sur le projet de loi-cadre adopté en Conseil des ministres

Abdelouhab Belmadani est le directeur de la Planification et des ressources financières au ministère de la Santé.

Abdelouhab Belmadani est le directeur de la Planification et des ressources financières au ministère de la Santé. . Brahim Mousaaid / Le360 (capture image vidéo)

Le 24/07/2022 à 13h50

VidéoAdopté le mercredi 13 juillet 2022 en conseil des ministres, le projet de loi-cadre sur la réforme de la santé, structuré autour de quatre piliers, doit révolutionner le système de santé au Maroc. Le360 a interrogé un haut responsable de la Santé sur la teneur de ce projet de loi, que le gouvernement a déposé le 22 juillet dernier au Parlement.

Le volet de la gouvernance du projet de loi prévoit, selon Abdelouhab Belmadani, directeur de la Planification et des ressources financières au ministère de la Santé, la création d’une «Haute Autorité de la santé» qui agira sous la forme «d’une Agence autonome placée sous la tutelle directe du ministère».

Cette entité, la première du genre, veillera sur «la qualité des services en donnant un avis sur les politiques publiques» à travers la mise en place d’un «Comité scientifique», à l’image de la commission technique et scientifique qui a géré la pandémie du Covid-19.

Ce premier pilier lié à la bonne gouvernance créera également, selon ce haut responsable, douze «Groupements sanitaires» implantés dans toutes les régions. Selon le projet de loi, chaque région aura «son CHU». Il existe actuellement 7 CHU, entre actifs et en cours de lancement comme celui de Tanger.

Dans l’attente de la construction de 5 nouveaux CHU, les CHU existants devront coopérer et œuvrer avec les régions sanitaires qui leur sont géographiquement proches.

A titre d’exemple, le CHU de Fès doit coopérer avec la région de Draâ-Tafilalet, celui de Laâyoune avec Guelmim… Le coût de la construction d’un CHU est estimé à 2,5 milliards de dirhams.

Chacun des douze groupements sanitaires, selon le projet du texte dont une copie a été reçu par Le360 doit élaborer et exécuter son propre «Programme médical régional» (PMR) qui inclut aussi la «mobilité du personnel».

Dans le cadre de ce premier pilier, la réforme prévoit également la création d’une «Agence des médicaments». Elle remplacera l’actuelle direction des médicaments relevant du ministère. Cette nouvelle agence, au statut autonome, mettra en œuvre la politique nationale pharmaceutique en développant la production de médicaments, en particulier les médicaments génériques.

Actuellement, les dépenses en médicaments d’un citoyen constituent 26% de la totalité des soins de santé. L’Agence qui sera dotée d’un conseil d’administration sera en outre chargée de délivrer «des autorisations» liées à la commercialisation des médicaments et des vaccins.

Quant à l’Agence du sang, son statut également autonome lui permettra d’avoir «une souplesse dans l’exécution de sa gestion voulue flexible et efficiente». Elle remplacera le Centre actuel de transfusion sanguine. Elle aura également pour mission de créer des sections dans toutes les régions du pays.

Selon Abdelouhab Belmadani, le 2ème pilier de la réforme a trait au développement des ressources humaines.

Actuellement le taux d’insertion des médecins dans la fonction publique ne va pas au-delà de 12%. «Nous voulons dépasser en 2025 les objectifs de l’OMS (Organisation mondiale de la santé) à savoir atteindre le but de 24 médecins pour 10.000 habitants», a-t-il assuré, ajoutant que la réforme prévoit d’accorder à un médecin «un salaire fixe en plus d’un variable (supplément) calculé sur la base des actes médicaux assurés chaque mois par chaque médecin dans chaque unité de soin». Les actes médicaux mensuels «seront plafonnés».

Les hôpitaux auront par ailleurs le droit de conclure des contrats de travail avec les médecins du secteur du privé. Selon le directeur de la Planification et des ressources financières au ministère de la Santé, «le manque actuel en ressources humaines [sera réduit] et les cadres marocains établis à l’étranger de [seront encouragés] à revenir exercer dans leur pays».

Le 3ème volet de la réforme concerne la mise à niveau de l’offre sanitaire. Le projet de loi insiste sur la poursuite de la réhabilitation de 1.400 centres de santés répartis dans les villes et les communes rurales. «Ces centres seront le point de départ et de référence pour le suivi de tout malade et les appels d’offre pour exécuter ce projet ont été clos afin que la réhabilitation et la création de nouveaux centres et de nouveaux hôpitaux soient achevées vers la fin de juin 2023». Pour ce projet, le ministère de la Santé a attribué un budget d’un milliard de dirhams.

Enfin, le 4e axe est relatif à la «digitalisation du système de santé, à travers la mise en place d’un système informatique intégré à toute la filière de la santé y compris les différents établissements de santé et les gestionnaires de l’Assurance maladie dont l’AMO».

Pour la réalisation de cet important projet, le ministère a alloué un budget de deux milliards de dirhams. «Pour le transfert d’une administration classique de gestion à celle d’une administration digitale, le projet prévoit un programme de formation du personnel, d’installation du matériel et de maintenance», a conclu Abdelouhab Belmadani.

Pour la mise en œuvre des quatre piliers de la réforme, il sera prochainement procédé à la création de divers projets de décrets d’application.

Par Mohamed Chakir Alaoui et Brahim Moussaaid
Le 24/07/2022 à 13h50