Retro 2018. Maroc-Arabie saoudite: l'année de toutes les crises (inavouées)

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Officiellement, tout va bien dans le meilleur des mondes mais des signes ne trompent pas. Entre le Maroc et l'Arabie saoudite, c'est loin d'être la lune de miel. Voici, point par point, là où ça a (vraiment) bloqué.

Le 27/12/2018 à 12h33

Le selfie "du siècle" pris en avril dernier dans un restaurant à Paris, partagé par le Premier ministre libanais Saâd Hariri sur son compte Twitter officiel et dans lequel on le voit en compagnie du roi Mohammed VI et du prince héritier saoudien, Mohammed Ben Salmane, tous sourires, n'y changera rien.

Entre le Maroc et l'Arabie saoudite, il y a décidément de l'eau dans le gaz. Et les exemples ne manquent pas. Pays "frères", rattachés tant par des liens spirituels que par une solide coopération diplomatique, économique et sécuritaire, les deux royaumes ont vu leurs relations se détériorer au fil des crises et des positions des uns, jugées hostiles par les autres.

Le retrait discret des forces armées marocaines du YémenC'est probablement là où tout a commencé. Le Maroc est engagé depuis 2015 aux côtés de la coalition menée par l'Arabie Saoudite au Yémen "pour préserver la légalité" et lutter contre les rebelles chiites houthis. Les autorités marocaine avaient alors annoncé apporter toutes les formes d'appui (politique, renseignement, militaire) au royaume wahhabite.

Sauf qu'en avril dernier, et en toute discrétion, le Maroc a finement décidé de ne plus prendre part à une guerre qui a entrainé le plus grave drame humanitaire de notre temps. C'est ainsi que les chasseurs F-16 engagés par le Maroc ont été rapatriés. Un des ces six appareils s'était d'ailleurs écrasé au Yémen et son pilote en avait perdu la vie.

Certains affirment que le retrait marocain avait été dicté par le besoin de renfort des FAR au Sahara après les manœuvres du Polisario qui voulait s'installer dans la zone tampon. D'autres certifient que c'est la volonté du Maroc de ne plus prendre part à une "sale guerre" au Yémen. Dans les deux cas, une telle mesure n'est pas pour plaire à Riyad.

Neutralité dans le conflit avec le QatarEn juin dernier, la crise entre le Qatar et les autres pays du Golfe, sur fond de soutien de Doha au terrorisme, batait son plein. Allié depuis toujours de l'Arabie saoudite et des Emirats arabes unis, le Maroc a, cependant, opté pour la neutralité dans ce conflit. Alors que des pays comme l'Egypte ont choisi leur camp, le Maroc, lui, s'est maintenu à distance égale avec les parties en conflit. En contact avec tous les pays de la région, le royaume du Maroc s'était même déclaré "disposé à offrir ses bons offices en vue de favoriser un dialogue serein, franc et global" pour "dépasser cette crise et régler définitivement les causes qui y ont conduit".

Le Maroc n'a d'ailleurs pas hésité à envoyer des aides au peuple qatari, durant le temps de l'embargo qui lui a été imposé par l'Etat saoudien. Là encore, la position marocaine n'a pas dû être du goût de l'Arabie saoudite.

Coupe du monde: Riyad derrière la candidature…américaineC'est la réaction la plus inattendue et la plus spectaculaire de l'Arabie saoudite contre le Maroc. Alors que le Royaume comptait ses amis pour défendre sa candidature à l'organisation de la Coupe du monde 2026, et qu'il était plus près que jamais de l'emporter, le coup de poignard dans le dos est venu de ce pays "frère" qu'est l'Arabie saoudite.

Le 13 juin dernier, immédiatement après la proclamation des pays hôtes de la Coupe du Monde de football en 2026, Carlos Cordeiro, président de la Fédération américaine (US Soccer), a donné une déclaration filmée pour remercier avec ardeur un seul pays: l’Arabie saoudite.

Il a nommé, dans ses remerciements le roi Salmane, le prince héritier Mohammed ben Salmane et son «ami», le très zélé serviteur de la candidature américaine, Turki Al Cheikh, le patron du football saoudien et proche de MBS. Si Carlos Cordeiro a réservé des remerciements enthousiastes à l’Arabie Saoudite, c’est que ce pays a plaidé la cause de United 2026 avec une ferveur et un dévouement qui ont dépassé l’engagement des candidats victorieux. Ceci porte un nom: la félonie.

Vacances annulées à TangerPourtant, la famille régnante saoudienne y avait ses habitudes depuis un certain nombre d’années, et chaque été, c'était le défilé permanent d'un millier de ses membres et de la cour des Al Saoud. 

Pendant plus d'un mois, tous les étés, le somptueux palais du roi Salmane à Tanger ne désemplissait pas. Lieu de vacances, c'était également un point vers lequel convergeaient nombre de chefs d'Etat et de hauts responsables pour des entretiens privés avec le souverain saoudien.

Mais cet été, le palais est resté vide. Après avoir annulé ses vacances estivales annuelles dans la ville du détroit, le roi Salmane d'Arabie saoudite devait, en principe, y séjourner en septembre. Mais peine perdue. Alors que des préparatifs étaient pourtant en cours pour accueillir le Serviteur des lieux saints.

Une tournée régionale de MBS…sans le MarocEn novembre et en décembre derniers, le prince héritier et homme fort de l'Arabie saoudite, Mohammed ben Salmane décide de se rendre dans plusieurs pays pour redorer le blason d'un royaume à l'image écornée depuis le meurtre en Turquie du journaliste saoudien Jamal Khashoggi.

Dans ce périple, figurait aussi bien l'Egypte, la Tunisie, l'Algérie et la Mauritanie, soit tout notre entourage immédiat… Mais pas le Maroc. Un signe de plus, s'il en faut, que le prince héritier ne porte décidément plus le royaume dans son cœur. L'opinion publique marocaine en a été soulagée, les déplacements de MBS ayant été critiqués partout où il mettait les pieds.

La carte du Maroc sans le SaharaAprès le coup de poignard planté dans le dos des Marocains par le patron de la Fédération saoudienne de football, en juin dernier, lorsqu'il a soutenu la triple candidature USA-Mexique-Canada, au détriment du dossier marocain, le même Turki Al Sheïkh, également président de la Fédération arabe de football, a récidivé en s'attaquant à l'intégrité territoriale du Royaume du Maroc.

Le 16 décembre, "sa" fédération annonçait le tirage au sort des quarts de finale de la Coupe arabe des clubs champions, en affichant la carte du Maroc -représenté à cette compétition par le Raja de Casablanca- amputé de son Sahara! La même fédération a fini par se rétracter en retirant cette carte, mais le mal était déjà fait. Et d'aucuns y ont vu là une manœuvre saoudienne (une de plus) pour provoquer le Maroc.

Par Tarik Qattab
Le 27/12/2018 à 12h33