Sahara: des politologues expliquent comment le SG de l'ONU remet en selle le plan d'autonomie

Antonio Guterres, le secrétaire général des Nations unies. 

Antonio Guterres, le secrétaire général des Nations unies.  . DR

Le SG de l'ONU, Antonio Guterres, a mis le doigt sur le fond du problème saharien en insistant dans son rapport sur la nécessité de "définir la forme et la nature de l'autodétermination". L'offre marocaine d'autonomie s'impose du coup comme une alternative sérieuse au conflit. Les explications.

Le 12/04/2017 à 14h35

«J’ai l’intention de proposer que le processus de négociation soit relancé avec une nouvelle dynamique et un nouvel état esprit qui reflètent les orientations du Conseil de sécurité dans le but d’aboutir à une solution politique mutuellement acceptable et qui conduit à la résolution du différend sur le statut ultime du Sahara occidental, y compris par un accord sur la nature et la forme de l’exercice de l’autodétermination». La proposition formulée et déclinée par le SG de l'ONU dans son premier rapport, distribué lundi 10 avril aux quinze membres du Conseil de sécurité, interpelle par son caractère innovant et audacieux.

C'est en effet la première fois qu'un SG de l'ONU, en l'occurrence Antonio Guterres, touche du doigt le fond du problème et attaque le mal à la racine. L'option de "l'indépendance" qu'Alger et le Polisario veulent en vain imposer comme "alternative" au conflit est du coup jugée irréaliste.

"En proposant une rédéfinition du concept d'autodétermination, le SG de l'ONU invite la partie adverse à dépasser une vision héritée des années soixante, et donc de la Guerre froide, à laquelle Alger et le Polisario continuent toutefois de s'accrocher", explique Manar Slimi, universitaire et politologue, dans une déclaration à le360. "Il n'est pas fortuit que le nouveau SG de l'ONU appelle (les parties) à faire preuve de réalisme", estime encore M. Slimi. "Allusion est faite de manière directe à Alger et au Polisario appelés à renoncer à la chimère de l'indépendance". "La proposition d'autonomie est bel et bien une forme d'autodétermination", soutient notre interlocuteur.

"Guterres appelle à une redéfinition du concept d'autodétermination sur la base du réalisme", insiste Manar Slimi, interprétant l'invitation du SG de l'ONU à la prise en considération du processus de dialogue depuis son lancement en 2007 comme un appel à considérer les conclusions de l'ancien émissaire de l'ONU pour le Sahara, le diplomate hollandais Peter van Walsum. Ce dernier avait en effet conclu en 2008 à "l'irréalisme" de l'option "indépandantiste" prêchée par Alger et le Polisario prenant, par ricochet, fait et cause pour la proposition d'autonomie, jugée "réaliste" et "réalisable".

Autre politologue, même son de cloche. "Le concept d'autodétermination n'implique pas forcément l'indépendance", indique l'universitaire Mohamed Benhammou. "L'autonomie est aussi une forme d'autodétermination", souligne-t-il. "La charte des Nations unies insiste, dans son péambule, sur la nécessité de respecter le droit d'une Nation à préserver son unité territoriale", relève-t-il. Et puis, de l'aveu même des Nations unies, l'option d'un "référendum d'autodétermination" s'est avérée "impraticable". Le rétropédalage de l'ONU sur cette option est d'ailleurs dû à l'impossibilité de déterminer "qui est Sahraoui et qui ne l'est pas?". Et cette impossibilité s'est confirmée de part et d'autre. "Du côté du sahara marocain, la donne géographique a complètement changé. Du côté de Tindouf, chacun sait comment les camps ont été remplis de Sahraouis en provenance de la Mauritanie, du Mali, voire du Niger, sans compter évidemment les Sahraouis algériens", relève-t-il encore.

"Le nouveau SG de l'ONU, à l'opposé de son prédécesseur, connaît parfaitement le dossier pour la simple raison qu'il a officié longtemps à la tête du Haut commissariat aux réfugiés (HCR)", fait-il valoir. "En soulignant la nécessité de faire preuve de réalisme, M. Guterres pointe du doigt directement Alger et le Polisario", précise-il.

Sur la sellette, Alger se voit aussi appelé à apporter "une importante contribution" pour trouver une solution au conflit. Le SG de l'ONU sait pertinemment que le voisin de l'est est partie prenante dans ce contentieux. Il a beau se réfugier derrière de beaux principes, aucune solution ne sera trouvée tant que ce pays s’y refuse.

Par Ziad Alami
Le 12/04/2017 à 14h35