Table ronde de Genève: le Maroc et l’ONU testent la bonne foi de l’Algérie

Horst Köhler et Nasser Bourita

Horst Köhler et Nasser Bourita . DR

Revue de presseKiosque360. La table ronde sur le Sahara marocain aura lieu demain, à Genève, avec la participation du Maroc, de l’Algérie, de la Mauritanie et du Polisario. Les responsables marocains semblent douter de la volonté de l’Algérie de jouer son rôle de partie prenante dans ce conflit.

Le 03/12/2018 à 22h51

Le Maroc, l’Algérie, la Mauritanie et le Polisario participeront demain mercredi, à Genève (Suisse), à une «table ronde» pour essayer de trouver une solution à un conflit qui n’a que trop duré. Cette nouvelle approche initiée par l'Envoyé personnel du secrétaire général de l'ONU, Horst Köhler, met l’Algérie face au Maroc, en tant que partie prenante dans un conflit qu’elle a elle-même créé. Ce qui constitue, en soi, une victoire pour le Maroc qui a pris une position ferme pour aborder cette nouvelle étape. Le Maroc considère, en effet, que l’Algérie doit adhérer aux recommandations adressées, par l'ONU, à toutes les parties assistant à ce rendez-vous. A défaut, le Maroc sera obligé de quitter la salle pour exprimer son refus de toute répétition du scénario de déni de la vérité, scénario récurrent depuis quatre décennies.

Le quotidien Al Ahdath Al Maghribia rapporte, dans son édition du mardi 4 décembre, que les premiers indicateurs démontrent que l’Algérie n’a pas changé d'approche. A l’appel royal à un dialogue direct, ses responsables ont ainsi essayé de noyer le poisson, invoquant une hypothétique réunion des ministres étrangères de l’UMA. Un comportement qui montre son obstination à refuser l'instauration de la paix et le développement dans une région sous haute tension. Autant dire qu’il ne faut pas trop compter sur Alger dans cette «table ronde» qui constitue une rencontre préliminaire destinée à capitaliser les efforts réalisés et à élaborer une feuille de route pour l’avenir, sachant que le conflit du Sahara menace la stabilité et la sécurité de la région.

Le chercheur en affaires africaines, Moussaoui Ajaloui, estime que «Horst Köhler cherche, à travers cette rencontre, à créer un saut qualitatif dans l’évolution de ce conflit en se basant sur de nouvelles pistes et en mettant l’accent sur la responsabilité des pays voisins, en particulier celle de l’Algérie, pour trouver une solution. Ce qui constitue un nouvel acquis pour le Maroc qui, durant des décennies, a réaffirmé la responsabilité de l’Algérie dans l’hébergement, l’encadrement et l’armement du Polisario, tout en versant dans un discours contradictoire qui limite le conflit au Maroc et au Polisario». Al Moussaoui affirme que les deux pays voisins ont attendu le temps additionnel pour répondre à l’invitation du secrétaire général de l’ONU à la rencontre de Genève. Il ajoute que si cette «table ronde» se passe dans une atmosphère calme et responsable, l’ONU aura marqué un bon point dans la résolution de ce conflit.

Le porte-parole du gouvernement, Mustapha El Khalfi, est tout aussi catégorique quant à la position ferme du Maroc sur la nature de ce rendez-vous: «Il n'y aura pas de négociations directes à Genève car il s’agit bel et bien d’une table ronde». Et d'ajouter, lors de la conférence de presse qui a suivi le conseil du gouvernement, que «les participants à cette table sont connus. La même invitation a été adressée à l’Algérie et à la Mauritanie. Les positions du Maroc demeurent les mêmes». El Khalfi souligne qu’il n’est pas possible d’anticiper les positions du Maroc sur ces discussions avant le rendez-vous de Genève, qui aura lieu sous la supervision de l’ONU.

En revanche, le représentant du Maroc à l’ONU, Omar Hilal, a été plus clair sur la manière diplomatique avec laquelle le Maroc compte appréhender la «table ronde» sur le Sahara. Il s’est exprimé avec franchise et réalisme en espérant, dit-il, que le message soit transmis sans codes à la communauté internationale et à l’Algérie en particulier. La délégation marocaine qui participe à la table ronde de Genève, relève-t-il, réagira en fonction du comportement de l’Algérie: «Si l’Algérie participe de manière positive, le Maroc fera de même. Si sa délégation participe aux discussions, nous y participerons avec la même volonté et la même bonne foi. Si l’Algérie quitte la salle pour boire du thé ou du café, nous sortirons, nous aussi, pour siroter un thé ou un café».

Le représentant du Maroc à l’ONU a mis en garde l’Algérie contre ses manœuvres habituelles: «Si la délégation algérienne vient pour prendre une photo et sortir après avoir assisté au prélude des discussions, il n'y aura rien à attendre de ces négociations.» Cependant, ajoute Omar Hilal, les attentes du royaume du Maroc demeurent positives et optimistes quant aux perspectives de cette rencontre sur le Sahara marocain. Il espère, toutefois, que l’Algérie respectera les décisions de la communauté internationale: «Nous ne pouvons rien réaliser tous seuls. La résolution onusienne n° 2440, qui a été prise hier par le conseil de sécurité, comporte un paragraphe dans lequel elle demande à toutes les parties, et particulièrement à l’Algérie, de participer avec bonne foi et sans conditions, sur la base du consensus». Et Omar Hilal de préciser « Si l’Algérie arrive à Genève dans le cadre du respect de ces principes, il est clair que tout sera possible».

Les observateurs estiment qu’il est difficile de prévoir une grande percée dans ce rendez-vous, même si les autres parties ont accepté l’invitation de l’envoyé spécial de l’ONU au Sahara marocain. Le Maroc a toujours considéré l’Algérie comme partie prenante dans ce conflit. C’est pourquoi il a fait part de sa volonté d’entamer des négociations directes sur le sahara avec la participation de l’Algérie. De son côté, le voisin de l’Est continue à affirmer que ce conflit oppose le Maroc au Polisario.

Ainsi, le représentant permanent de l’Algérie à l’ONU, Sabri Boukadoum, affirme que «l’Algérie, en sa qualité de pays voisin et observateur officiel, a répondu à l’invitation du président Köhler pour participer à la table ronde», tout en rappelant que «les parties en conflit, le Maroc et le Polisario, ont accepté de participer à ces négociations avec bonne foi et sans conditions préalables».

Ce qui est nouveau dans l’acceptation de cette invitation par les parties concernées, c’est l’impact de l’appel du roi Mohammed VI à l’Algérie d’entamer un dialogue direct, sans intermédiaires. Ce qui nécessite la création d’un mécanisme conjoint de dialogue pour régler les problèmes entre les deux pays. Mais, au lieu d’accepter cette main tendue, l’Algérie a prétexté une hypothétique réunion des ministres des Affaires étrangères de l’UMA.

Par Hassan Benadad
Le 03/12/2018 à 22h51