Une rentrée parlementaire particulière et une polémique d'ordre constitutionnel

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Revue de presseKiosque360. L’ouverture de la session du printemps, le 10 avril, a eu lieu selon des dispositions exceptionnelles, décidées par les bureaux des deux Chambres du Parlement. Aujourd’hui, la constitutionnalité de ces décisions est sujette à débat.

Le 17/04/2020 à 19h16

L’ouverture de l’actuelle session parlementaire de printemps est-elle conforme à la Constitution? La question fait débat. Les bureaux des deux Chambres du Parlement ont, certes, veillé au strict respect des mesures de précaution imposées par l’état d’urgence sanitaire, mais ont-elles pour autant respecté les dispositions de la Constitution? La décision de limiter la présence des députés à seulement deux membres, en plus du chef du groupe, de chaque groupe parlementaire ne risquerait-elle pas de mettre en cause la constitutionnalité des actes pris par le Parlement? Le quotidien Al Ahdath Al Maghrebia s’est intéressé à cette problématique dans son édition du week-end des 18 et 19 avril.

Les parlementaires eux-mêmes sont divisés sur la question, affirme le quotidien. Une partie d’entre eux conteste franchement cette décision des bureaux des deux Chambres. Et pour cause. Elle limite, en effet, le mandat parlementaire à quelques élus, ceux qui habitent Rabat et ses environs, alors que la représentativité de la nation est une mission qui incombe à tous les élus parlementaires.

Interrogé sur la question, Abdellah Bouanou, député PJD de Meknès, président du conseil de la ville et de la commission des finances, souligne qu’a priori, le problème ne doit pas se poser lors de l’adoption des projets de loi. Même quand dans le cas des projets de lois organiques, ils sont adoptés, selon les dispositions des articles 84 et 85 de la Constitution, par la majorité des présents. Seule exception, lorsque les projets ou les propositions de loi organique portent sur la Chambre des conseillers ou concernent les collectivités territoriales, le vote a lieu dans ce cas à la majorité des membres de la Chambre des représentants.

Pour le professeur universitaire Benyounes Merzougui, la situation ne se limite pas à une simple question d’arithmétique, la problématique est bien plus profonde. Les bureaux des deux chambres du Parlement, dans le souci de garantir le bon fonctionnement des institutions constitutionnelles, ont imposé une voie de fait. Or, l’article 42 de la Constitution est clair sur ce point. La règle de base, insiste-t-il, est l’ouverture de la session parlementaire dans le respect de la Constitution et non l’instauation d'une situation exceptionnelle en empiétant sur les attributions réservées au roi, selon les termes de l’article 42. Cela d’une part.

D’autre part, par leur décision, les bureaux des deux Chambres ont mis sur le même pied d’égalité tous les groupes et groupements parlementaires. Cela alors que la Constitution insiste sur la représentation proportionnelle, la parité et les droits de l’opposition. Ce qui, souligne ce professeur de droit constitutionnel, met cette décision en contradiction avec les dispositions de la Constitution. Comme solution, cet universitaire propose l’amendement du règlement intérieur des deux Chambres de manière à prévoir des situations exceptionnelles, comme celle actuelle, et qui ne rentrent pas dans le cadre de l’état d’exception ou de l’état de siège, tous les deux encadrés par la loi suprême.

En attendant, souligne l’universitaire cité par Al Ahdath Al Maghrebia, pour résoudre cette problématique constitutionnelle, car c’en est une, les bureaux des deux Chambres pourraient envisager un «parlement réduit», avec moins de membres tout en respectant la représentativité de chaque formation politique. On pourrait par exemple décider que chaque groupe pourrait être représenté par un parlementaire pour dix. Un groupe de 120 députés serait ainsi représenté par douze élus et un groupe de 40 par quatre, au lieu que tous les groupes soient représentés par le même nombre d’élus.

D’après Rachid El Abdi, fraîchement désigné chef du groupe parlementaire du PAM à la première Chambre, le règlement intérieur de la Chambre est, en effet, dépassé. Sans parler de son incapacité à prévoir des solutions pour une situation exceptionnelle qui n’est même pas envisagée par la Constitution. Or, poursuit-il, depuis peu, il a été question justement de revoir le règlement intérieur pour résoudre définitivement la problématique de l’absentéisme des députés. Ce sera l’occasion pour y intégrer également des dispositions à même d’aider à faire face à des situations exceptionnelles.

Par Amyne Asmlal
Le 17/04/2020 à 19h16