Au Maroc, malgré la loi, les mineurs se marient encore, les jeunes filles surtout

En 2018, selon le ministère de la Justice, les juges marocains ont délivré 26.000 autorisations de mariage à des mineurs.

En 2018, selon le ministère de la Justice, les juges marocains ont délivré 26.000 autorisations de mariage à des mineurs. . DR

En 2018, au Maroc, 32.000 demandes de mariages de mineures ont été enregistrées. C'est ce qu'a révélé devant les députés le ministre de la Justice, Mohamed Ben Abdelkader, en exposant la situation de ces autorisations de mariage, qui doivent nécessairement être accordées par un juge.

Le 26/01/2020 à 18h57

Le mariage des mineurs est toujours aussi répandu au Maroc. En effet, à en croire le ministre de la Justice, seules 19% des demandes de mariage d'un(e) mineur(e) ont été refusées par la justice marocaine. 

Lors d'une réunion à la Chambre des représentants, le 21 janvier dernier, le ministre de la Justice a décrit devant les députés, chiffres à l'appui, la situation actuelle du mariage des mineurs dans notre pays. Et celle-ci est plutôt catastrophique. 

Ainsi, selon Mohamed Ben Abdelkader, en 2018, sur 33.000 demandes de mariage d'un ou d'une mineure qui ont été soumises à la justice, 26.000 ont été acceptées, soit un taux de 81%.

Le ministre n'a pas livré une répartition de ces demandes selon le genre, mais il est logique que celles-ci émanent avant tout de familles désireuses de marier une jeune fille mineure. Mohamed Ben Abdelkader s'est en effet contenté de souligner que 98% de ces demandes ont été formulées par des personnes en situation de chômage, dans le monde rural.

Dans les campagnes, en effet, le fait de faire appel à un juge pour marier une mineure, est un acte juridique nouveau, qui vient désormais remplacer le mariage coutumier, par la récitation de la Fatiha, une pratique autrefois très répandue dans les familles qui souhaitaient échapper aux dispositions légales, en mariant tout de même leurs filles mineures.

Pour lutter contre ce fléau, un durcissement de la loi doit être prévu. En effet, malgré la législation en vigueur, visant à protéger les jeunes filles d'un mariage précoce, dont les conséquences sur leur santé, tant physique que psychiques, sont évidentes, un certain vide juridique sur lequel les juges s'appuient pour accorder leurs dérogations, permettent au mariage des mineures de prendre une nouvelle forme.

"Le juge de la famille chargé du mariage peut autoriser le mariage du garçon et de la fille avant l'âge de la capacité matrimoniale prévu à l'Article 19 ci-dessus, par décision motivée précisant l'intérêt et les motifs justifiant ce mariage. Il aura entendu, au préalable, les parents du mineur ou son représentant légal. De même, il aura fait procéder à une expertise médicale ou à une enquête sociale", stipule l'article 20 du Code de la famille. 

Alors que le consentement d'une jeune fille mineure, dont les parents sont désireux de la marier, doit être contrôlé par la justice pour valider son éventuel mariage, aujourd'hui encore, les juges se contentent d'invoquer, en tant qu'arguments, une certaine vision archaïque de la tradition ou des mœurs sociales, pour autoriser le mariage de ces jeunes filles, et ce, sans soumettre préalablement les familles aux enquêtes pourtant indiquées par la loi.

Plusieurs ONG appellent, en conséquence, à une codification de cette loi, pour tracer un sens strict et clair aux conditions qui permettent aux juges d'autoriser exceptionnellement le mariage de mineurs.

Par Lamiae Belhaj Soulami
Le 26/01/2020 à 18h57