Comment devient-on homosexuel? Une nouvelle étude répond à la question

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Dans les années 90 est apparue l’idée selon laquelle il existerait un "gène gay" qui déterminerait notre orientation sexuelle dès la naissance. Un concept aujourd’hui balayé par une nouvelle étude, la plus grande jamais menée à ce jour.

Le 30/08/2019 à 09h47

Au début de la génétique, en 1993, une étude sur 40 familles avait cru identifier un lieu unique, le gène Xq28, définissant l'orientation sexuelle. Aujourd'hui, une nouvelle analyse réfute ce modèle simpliste.

Un groupe de chercheurs en Europe et aux Etats-Unis a publié dans la prestigieuse revue Science les résultats d’une étude réalisée sur la base d’un panel d’un demi-million de profils ADN.

Une grande partie de cette analyse se base sur des hommes et femmes de la banque ADN britannique UK Biobank, en majorité d'origine européenne, qui ont répondu à la question: avez-vous déjà eu une relation sexuelle avec une personne du même sexe?

Jamais une étude aussi vaste n’avait été menée et autant dire que les analyses faites par les chercheurs éradiquent bien des idées reçues au sujet de notre orientation sexuelle.

Non, l’homosexualité n’est pas que génétiqueComme être petit ou grand, ou plus ou moins intelligent, aimer les hommes ou les femmes n'est pas défini par un seul gène, mais par de multiples régions du génome et, comme tout caractère humain complexe, par d'insaisissables facteurs non génétiques.

"Il est de facto impossible de prédire l'orientation sexuelle d'une personne d'après son génome", déclare ainsi Ben Neale, membre du Broad Institute d'Harvard et du MIT, l'une des nombreuses institutions dont sont issus les auteurs.

L'orientation sexuelle a bien une composante génétique, disent les chercheurs, confirmant des études précédentes plus petites, notamment sur des jumeaux.

Mais cette composante dépend d'une myriade de gènes. "Il n'y a pas de gène gay unique, mais de nombreux petits effets génétiques répartis dans le génome", explique Ben Neale.

L’environnement, un facteur essentielA cela s'ajoute un facteur essentiel, l'environnement dans lequel une personne grandit et vit.

Pour illustrer leurs propos, les chercheurs comparent cela à l’exemple de la taille. Ainsi, puisque votre taille est liée à celle de vos parents, l'effet génétique est indiscutable. Toutefois, la génétique n'explique pas tout. Ainsi, votre nutrition pendant l'enfance aura également un impact important sur votre croissance.

Idem pour le risque cardiaque. Des gènes créent des prédispositions, mais votre style de vie, comme votre alimentation, joue un rôle plus grand encore.

C'est précisément ce que les scientifiques appellent l'environnement.

Découvertes et confusionsLa nouvelle analyse statistique a permis de découvrir cinq positions précises sur nos chromosomes, appelées locus, qui apparaissent clairement liées à l'orientation sexuelle, bien qu'ayant chacune une influence "très petite".

Biologiquement, il se trouve qu'un marqueur est aussi associé à la perte de cheveux, ce qui suggère un lien avec la régulation des hormones sexuelles.

Vraisemblablement, il existe des centaines ou des milliers d'autres marqueurs, que de futures analyses sur de plus grandes banques ADN pourraient un jour découvrir.

"C'est un comportement complexe où la génétique joue un rôle, mais probablement de façon minoritaire. L'effet de l'environnement existe, mais on n'arrive pas à le mesurer exactement", ajoute Fah Sathirapongsasuti, scientifique de 23andme.com, un site de tests ADN qui a contribué à l'étude avec des profils génétiques de clients (tous volontaires).

Par ailleurs, un chiffre produit par cette étude est susceptible de créer la confusion. Les chercheurs estiment que "8 à 25%" des différences d'orientation sexuelle dans la population testée sont dues à des variations génétiques.

Mais ce chiffre est un concept statistique concernant une population et ne signifie pas que 25% de l'orientation d'une personne dépend de ses gènes.

Un autre résultat remet en cause l'idée que l'orientation sexuelle serait un continuum, selon l'échelle dite de Kinsey, du nom de ce biologiste américain qui l'a définie en 1948: de 100% homosexuel à 100% hétérosexuel, en passant par bisexuel.

"Supposer que plus on est attiré par quelqu'un du même sexe, moins on est attiré par l'autre sexe est une simplification excessive", affirment les chercheurs, après avoir comparé les marqueurs génétiques influant sur le nombre de partenaires de chaque sexe.

Par Leïla Driss
Le 30/08/2019 à 09h47