Commerçants de Casablanca: les raisons de la colère

adil gadrouz

Revue de presseKiosque360. Les commerçants de Derb Omar ont observé, ce jeudi, un sit in de protestation contre l’entrée en vigueur de la facture électronique et contre les perquisitions de leurs usines. Considérant que cette campagne contre la contrebande est sélective, ils dénoncent un abus de pouvoir.

Le 03/01/2019 à 20h56

La place de la Victoire, située au cœur du célèbre marché de Derb Omar à Casablanca, a connu, jeudi matin, une importante descente des forces de l’ordre. Les services de sécurité ont été dépêchés sur les lieux suite à un sit-in de protestation des commerçants et des fabricants de vêtements de confection contre ce qu’ils considèrent comme un abus de pouvoir des services de la douane et de la gendarmerie. Les commerçants dénoncent les perquisitions de leurs unités de production et de leurs entrepôts de stockage, ainsi que la saisie de leurs camions en route vers plusieurs destinations (Fès, Beni Mellal, Inezgane…). En début d’après-midi, le nombre des grévistes a décuplé pour occuper les deux extrémités de la place. Ils ont commencé à scander des slogans dénonçant les «harcèlements» de la douane et de la gendarmerie. Ils accusent, en outre, le gouvernement de les pousser vers la faillite en leur imposant l’adoption des factures électroniques.

Le quotidien Assabah rapporte, dans son édition du vendredi 4 janvier, que cette obligation est entrée en vigueur le 1er janvier, pour annuler et remplacer les «bons» écrits à la main et revêtus d'un tampon de la société. Les commerçants déclarent qu’ils ont été harcelés par les inspecteurs de la douane qui, depuis des semaines, n’hésitent pas à effectuer des descentes dans les entrepôts de Derb Omar, à contrôler les marchandises et à leur réclamer les factures électroniques. Ils affirment que cette nouvelle disposition réglementaire sera difficile à appliquer étant donné le faible niveau d’études des commerçants. D’autant que, ajoute les protestataires, la plupart d’entre eux ne possèdent pas d’ordinateurs, ni de logiciels de comptabilité.

Les commerçants indiquent que «la douane leur pose beaucoup de problèmes car ses inspecteurs déclarent des marchandises fabriquées localement comme provenant de la contrebande». Le pire, ajoutent-ils, c’est qu’ils saisissent ces marchandises sans en faire l’inventaire, même quand il s'agit du chargement retenu d’un camion. Ils révèlent que certains inspecteurs tendent des pièges à l’intérieur de Derb Omar pour surveiller certains distributeurs: «Ils arrêtent leurs voitures, déchargent leurs cargaisons, réclament des factures avant de les saisir et infliger des amendes à leurs propriétaires». Les protestataires signalent que la plupart de leurs clients, dans plusieurs régions du Maroc, ont annulé leurs commandes de peur que leurs marchandises ne soient saisies.

Une situation qui a poussé les propriétaires à fermer les magasins et des Kissariats du marché de Derb Omar, suite à un appel des associations professionnelles qui les représentent. Ces dernières avaient auparavant adressé des lettres au chef du gouvernement, au ministre du Commerce et au directeur de la Douane, pour leur exposer leurs problèmes. Les commerçants estiment que les lobbies de marques mondiales sont derrière ce resserrement de l’étau sur leurs activités. Ils estiment que ce sont ces marques qui orientent les campagnes de contrôle visant des usines de fabrication de prêt-à-porter. Et pour cause, ajoutent-ils, ces unités alimentent les marchés avec des produits bon marché et emploient un grand nombre de travailleurs sans être concernées par la contrebande ou l’imitation.

Les commerçants déclarent, toutefois, être prêts à accompagner le gouvernement dans son projet d’intégration dans le secteur formel, à condition d’en discuter tous les détails. Ce faisant, ils préconisent un passage progressif vers le secteur structuré à partir de mesures étudiées qui protègent leur commerce de toute violation de l’échelle sociale, surtout qu’il est créateur d’emplois. Les protestataires notent toutefois «une augmentation des dysfonctionnements dans le contrôle a posteriori qui ferme les yeux sur les lacunes de l’importation et les activités de la contrebande pour faire une fixation sur la fabrication locale».

Le quotidien Al Ahdath Al Maghribia, qui traite le même sujet dans son édition du vendredi 4 janvier, précise que les commerçants de Lakraia, Garage Allal et des Kissariats, ont tiré la sonnette d’alarme face aux menaces qui guettent leurs activités. Ils demandent aux autorités compétentes de s’intéresser à leurs problèmes et notamment aux «Campagnes de la douane» qui saisissent les marchandises dans leur usines et leurs entrepôts pour défaut de facture. Les protestataires estiment que ces «opérations sont sélectives et ne concernent que les camions en partance de Casablanca vers les zones rurales». Ils ajoutent qu’ils soutiennent «les opération de lutte contre la contrebande, sans distinction aucune, du nord du Maroc à ses frontières du sud». Il faut rappeler que l’administration de la douane mène une vraie campagne de lutte conte les marchandises de contrebande qui envahissent les marchés sans aucune garantie sanitaire ou de qualité.

Par Hassan Benadad
Le 03/01/2019 à 20h56