Covid-19: des médecins urgentistes et anesthésistes contestent le nouveau protocole du ministère de la Santé

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Pour les médecins urgentistes et les anesthésistes-réanimateurs, la décision du ministère de la Santé d'orienter les cas à leur domicile, après un test sérologique, sans tenir compte de leur état clinique, exposera à un retard dans leur prise en charge, et par conséquent à une surmortalité.

Le 16/08/2020 à 10h51

La Société marocaine des médecins urgentistes (SMMU) et la Société marocaine Société Marocaine d'anesthésie et de réanimation (SMAR) viennent d'adresser un courrier au ministre de la Santé, Khalid Aït Taleb, dans lequel elles expriment leur désaccord avec le contenu de la circulaire émise par le ministère le 13 août dernier.

Cette circulaire réoorganise la prise en charge en ambulatoire des cas suspects et des cas confirmés de Covid-19, avec comme objectif principal l’augmentation de la capacité de détection du virus par l’implantation des activités de dépistage des cas au niveau des Etablissements de soins de santé primaires (ESSP). 

«Cette circulaire a suscité beaucoup de discussions parmi les experts et intervenants directs sur le terrain, quant à sa non-rationalité en rapport avec les données scientifiques et la réalité socio-culturelle des Marocains», déplorent les deux corporations de médecins spécialisés.

Urgentistes, comme anesthésistes réanimateurs reprochent ainsi au ministère de la Santé le fait d’avoir recommandé l’utilisation des tests rapides IgM/IgG pour le diagnostic des cas suspects, alors qu’il aurait fallu, selon eux, les réserver «exclusivement» à la surveillance épidémiologique, et en complément des tests PCR (ou tests virologiques).

«Orienter des malades à domicile sur la base des tests sérologiques, négatifs dans la phase virale de la maladie, sans tenir compte de l’état clinique, exposera à des retards de prise en charge et par conséquent à de la surmortalité», alertent-ils. 

Ces médecins indiquent en outre que les tests sérologiques rapides ne sont pas validés pour le diagnostic positif au niveau mondial, vu le pourcentage élevé de faux négatifs d’une part, et le retard d’apparition des anticorps au-delà du dixième jour de la maladie, d’explosion épidémiologique et d’apparition de formes graves au «pronostic sombre» d'autre part, qui nécessitera alors une «hospitalisation dans les services de réanimation», préviennent-ils.

Pour eux, la priorité doit être donnée à la précocité de l’initiation du traitement selon le protocole national, «seul garant» d’une évolution favorable des patients selon notre expérience nationale propre.

«Ceci implique donc un diagnostic précoce, une prise en charge urgente et un suivi rapproché des cas actifs et des cas contacts», préconisent-ils.

Enfin, la SMMU et la SMAR estiment que si l’implication des Etablissements de soins de santé primaires est nécessaire, il reste que leur intégration dans la prise en charge de la maladie, selon le modèle proposé dans la circulaire ministérielle, sera à l’origine d’éclosion de clusters par multiplication des parcours et des lieux de rassemblements.

Les deux Sociétés appellent en conséquence le ministère à adopter des démarches claires, répondants aux données scientifiques internationales, et à prendre en compte l’avis des experts nationaux et des intervenants directs sur le terrain, en impliquant tous les praticiens, du privé ou du public, avec la libération de la prescription médicamenteuse, selon le protocole actuellement en vigueur.

Par Amine El Kadiri
Le 16/08/2020 à 10h51