Depuis la prison Oukacha, Karim Zaz marque son retour

Karim Zaz.

Karim Zaz. . DR

Condamné à 5 ans de prison, peine qu'il purge à Oukacha depuis avril 2015, notamment pour détournement d'appels internationaux, Karim Zaz, ancien patron de Wana, ancêtre d’inwi, fait de nouveau parler de lui. Voici comment.

Le 05/07/2018 à 16h04

Le «service» auquel il a droit n’est vraisemblablement pas à son goût, et il s’en plaint. C’est ainsi que se résume la sortie, au sens figuré, de Karim Zaz. En prison depuis avril 2015 à Oukacha où il purge une peine de 5 ans pour «constitution de bande criminelle, détournement d'appels internationaux et faux et usage de faux», l’ancien président directeur général de Wana, ancêtre de l’opérateur télécom inwi, s’en est pris, mardi 3 juillet, à un surveillant de l’établissement carcéral. Au point que ce dernier a appelé à l’aide et demandé l’intervention de ses collègues pour calmer l’ex-Golden boy qui, en guise de recours, a adressé une plainte contre le directeur de la prison Oukacha au procureur général du roi. Motif? Le mauvais traitement dont il serait victime en prison.

Contactés par le360, le Parquet général à Rabat et la Délégation générale à l'administration pénitentiaire et à la réinsertion (DGAPR) se sont refusé à tout commentaire, ce type d’incidents étant «courant dans les prisons». Mais quelle mouche a donc piqué Karim Zaz, lui qui s’apprête à sortir de prison, sa peine devant s’achever en 2019? Une source au fait de la vie carcérale du personnage nous dit que tout a commencé quand celui-ci a violemment critiqué la «mauvaise» qualité des repas qui lui sont servis en prison. A un moment où l’administration pénitentiaire a formellement interdit les paniers de repas par des proches aux prisonniers, la prison locale d'Aïn Sebaa, soit la même Oukacha, ayant été le dernier établissement à appliquer cette décision. Pour l’administration en question, la décision se justifie tant par le coût élevé que représentent ces paniers pour les proches des détenus, en majorité issus de milieux pauvres, que par le véritable trafic de produits illicites qu'ils faisaient entrer dans les prisons.

La gestion de la restauration a été déléguée à une société privée. Il s'agit d'une mesure qui a été prise au niveau national, et ce, «dans le respect total des dispositions réglementaires régissant les marchés publics», indiquait l’administration pénitentiaire dans un communiqué rendu public en octobre dernier, notant qu’après le lancement de cette opération de manière progressive, il a été décidé de la généraliser. Cette disposition a été saluée par les détenus, surtout après l'amélioration constatée au niveau de la quantité et de la qualité des repas présentés aux prisonniers.

Karim Zaz et certains détenus, visiblement habitués aux finesses de la gastronomie, semblent s’opposer à cette mesure, préférant une détention à la carte leur permettant des largesses auxquelles la logique même de la réclusion criminelle s'oppose. D’aucuns s’en souviennent, le brillant Zaz ainsi que onze autres accusés avaient écopé de peines allant de deux et cinq ans de prison. Placés en détention préventive en mars 2014, Karim Zaz, mais aussi Ahmed Abou Badr, ancien salarié de Wana, Lahcen Refass, Nourredine Zaim Sassi, Hicham Touijri, Youssef Hanane, Azzedine Moutawakil, Rabé Nour, Azzedine Dinie, Samir Aich et Mohamed Ouadoune ont été arrêtés au terme d'une enquête de deux ans, déclenchée par la Brigade nationale de police judiciaire (BNPJ) en juin 2012 suite à une plainte de Wana Corporate contre des détournements de communications téléphoniques internationales impliquant des sociétés marocaines et étrangères. Selon l'expertise judiciaire, le préjudice subi par les trois opérateurs nationaux s'élevait à quelque 308 millions de dirhams, plus de 158 millions de minutes d’appels internationaux s’étant évaporées sur la seule période comprise entre mars 2011 et septembre 2012.

Aussi bien les méthodes que les moyens utilisés dans cette arnaque sont d’une folle intelligence. Venant de Karim Zaz, cela n’a rien d’étonnant. Businessman ambitieux à la carrière-modèle a priori, Karim Zaz est un pionnier des télécoms au Maroc.

Diplômé de l’école polytechnique de Paris et de l’École nationale supérieure des Télécoms, ce grand passionné de saut en parachute entame sa carrière en France à la Société internationale des télécommunications aéronautiques (SITA) au début des années 1990 avant de lancer, au Maroc, Netcom technologies qu'il cède par la suite pour diriger l'OFPPT (Office de la formation professionnelle et de la promotion du travail). C’était avant de faire le grand saut et de lancer l’ambitieuse Maroc Connect, une filiale du fournisseur d'accès internet Wanadoo. A 33 ans, Karim Zaz devient ainsi, et dès l’année 2000, le premier fournisseur d'accès en Afrique du Nord à lancer des solutions entreprises basées sur le IP MPLS (un protocole permettant le transport du data mais aussi de la voix IP). Il accapare alors 80% du marché.

En 2008, Maroc Connect devient Wana et lance Bayn. Les résultats ne sont pas au rendez-vous et, en 2009, Zaz quitte Wana, devenu inwi, et se fait discret en lançant les sites e-commerce Mydeal et Kenza Mall. Mais il est vite rattrapé par ses autres deals, relevant du pénal cette fois-ci. 

Par Mohamed Chakir Alaoui
Le 05/07/2018 à 16h04