Ecoles françaises de Casablanca: pas de cadeau! La facture du 3ème trimestre à payer plein pot

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Nombreux étaient les parents qui s’attendaient à une «gentillesse» de la part des établissements scolaires français du Maroc, en raison de la fermeture des écoles. Il n’en est rien.

Le 09/04/2020 à 13h23

Gérer de front télé-travail, télé-enseignement, tout en vaquant aux tâches ménagères, est loin d’être une mince affaire pour les parents. D’autant que l’enseignement de l’école se dispense désormais à domicile, c’est certes bien joli, mais pour que ce système soit réellement efficace, il nécessite une bien plus grande implication des parents.

Sans compter que la charge de travail de ces parents, reconvertis en professeurs, augmente en fonction du nombre d’enfants qu’ils ont eu.

Sans oublier le fait que chaque enfant ne dispose pas d’un ordinateur, et que la connexion Internet à domicile fait bien des caprices en ce moment. Bonjour le casse-tête!

Mais toutes ces contraintes vécues par des parents au bord de la crise de nerfs, et, par ailleurs, de la crise financière, ne semblent pas pouvoir ébranler le système scolaire français au Maroc.

Le troisième trimestre devra y être payé, comme les deux précédents, et comme si de rien n’était.

Le couperet est tombéM. Claude Thoinet, proviseur du lycée Lyautey et chef du Groupement de gestion Casablanca – Mohammedia a ainsi envoyé, aujourd’hui, un e-mail aux parents d’élèves de l’AEFE… Accompagné de la facture due pour le troisième trimestre.

En préambule, le proviseur du lycée Lyautey dresse un tableau général de la situation.

«Dès le début de la crise du Covid-19, l’ensemble des personnels de l’établissement se sont mobilisés pour mettre en place un dispositif de continuité pédagogique permettant la poursuite des enseignements», annonce-t-il.

Aux parents qui pensent que les cours ne sont pas assurés de la même manière, et qu’un fort relâchement se fait ressentir avec des cours inexistants, notamment ceux d’arts plastiques, de sport ou encore de musique, le proviseur décrète qu’«il convient de souligner que cet enseignement à distance n’est pas un enseignement de substitution ou de révision mais bien la poursuite des apprentissages sous d’autres formes».

«Toute la communauté enseignante ainsi que les services administratifs et techniques sont mobilisés pour réussir la continuité pédagogique et l’organisation qu’elle implique», est-il écrit, à la surprise générale, sachant que les services administratifs des Conseillers principaux d’éducation (CPE) sont à l’arrêt. Idem pour ceux des Centres de documentation et d’information (CDI) ou encore les surveillants…

«Doit-on vraiment payer pour autant de services à l’arrêt?», «et pourquoi donc payer des frais de scolarité alors même que l’établissement est fermé et que de fait, ses charges sont moindres?», se demandent, à juste titre, de nombreux parents.

Mais le proviseur du lycée Lyautey de trancher: «la facturation du 3ème trimestre est essentielle pour la viabilité des dispositifs mis en œuvre par l’établissement et ses personnels».

«Il est important que l’établissement puisse recouvrer ces frais. Sans recouvrement, l'intégralité du dispositif d'enseignement français à l'étranger serait menacée sur un plan financier et les établissements ne parviendraient plus à se financer à moyen terme. Au niveau central, les élus comme les représentants des parents d'élèves ont bien compris l'absolue nécessité de la facturation et du recouvrement et nous apportent leur soutien», indique Claude Thoinet, alors même que les associations de parents d’élèves n’ont pas communiqué en ce sens, et que M’jid El Guerrab, député de la 9ème circonscription des Français établis hors de France, a adressé une lettre à Jean-Michel Blanquer, ministre français de l’Education Nationale et de la Jeunesse.

Dans cette lettre, le député indique notamment que beaucoup de familles, qu’elles soient boursières ou non, se sont retrouvées du jour au lendemain confrontées à de grandes difficultés financières, et ne sont plus en capacité de payer les frais de scolarité de leurs enfants. «Certaines d’entre elles confrontés à des fermetures soudaines d’entreprises envisagent même de ne pas payer le troisième trimestre», souligne pourtant M’jid El Guerrab.

Et de noter que si des pistes de réflexion ont été avancées, notamment celle de report de ce paiement et d’échéanciers pour aider les familles, ces mesures semblent clairement insuffisantes, au regard de la grande détresse dans laquelle se retrouvent de nombreuses familles.

Mais qu’à cela ne tienne, l’échéance de paiement a été fixée au 22 avril 2020 pour le réseau AEFE (Agence pour l'enseignement français à l'étranger). Le réseau OSUI (Office scolaire et universitaire international), l'autre branche de la Mission laïque française, a accordé plus de temps (jusqu'au 15 juin) aux parents d'élève. Là encore, la facture, plus salée, ne change pas.

Quid des parents qui traversent une crise financière?«Une attention toute particulière sera apportée à l’étude du dossier des familles qui rencontreraient des difficultés financières en raison de la crise du Covid-19 car nous sommes conscients des conséquences de la pandémie sur les économies des pays et par conséquent sur la situation de leurs citoyens (nous invitons ces familles à contacter rapidement le service de la caisse (caisse@lyceelyautey.org) pour étudier les modalités de paiement)», est-il ainsi annoncé dans cet e-mail officiel.

«Pour que le pôle de Casablanca – Mohammedia puisse être à l’écoute de ces familles et rechercher avec elles des solutions viables, il faut que la solidarité de la communauté scolaire s’exprime pleinement et que toutes les familles en mesure de le faire honorent dans les meilleurs délais cette facture», explique-t-on. Autrement dit, ce n’est pas l’Etat français, ni le ministère de l’Education nationale, ni le ministère des Affaires étrangères dont dépend l’AEFE, qui paieront pour venir en aide à ces familles en pleine crise financière, mais les autres familles, celles qui ont encore les moyens de payer leur facture.

Des remboursements en vue?Pour les parents qui auraient déjà réglé la totalité de l’année scolaire, ceux-ci sont invités à se connecter à un portail, EDUKA, pour y renseigner leur coordonnées bancaires, suite à quoi sera mis en place un «éditeur de logiciel travaillant sur le module de remboursement des trop-perçus» avec «une livraison prévue pour le mois de mai».

S’agissant des parents qui auraient avancé des frais pour des voyages scolaires, la décision a été prise «d’émettre des avoirs afin d’annuler la participation individuelle des familles dans le cadre des voyages qui ont été annulés et cela même si ces voyages avaient occasionné des coûts pour l’établissement. Comme indiqué, les trop-perçus seront affectés aux droits de scolarité du 2ème ou du 3ème trimestre», est-il également expliqué.

Quant à ceux qui ont déjà payé les frais de cantine et de transport scolaire, l'AEFE n'a tout simplement pas fait mention de leur cas.

Par Leïla Driss
Le 09/04/2020 à 13h23