Enquête: au Maroc, 64% des futurs médecins vivent de l'octroi d'une bourse et 37% ne mangent pas à leur faim...

Instruments médicaux et chirurgicaux. 

Instruments médicaux et chirurgicaux.  . Dominik Karch - Pixabay

Selon les conclusions d'une récente enquête, près de 64% des étudiants en médecine dépendent des indemnités et des bourses pour financer leurs études, 50% trouvent des difficultés à payer leur loyer et 37% estiment que leurs ressources ne leur permettent pas de manger à leur faim. Le point sur ces statistiques, édifiantes.

Le 10/05/2022 à 14h43

La Commission nationale des étudiants en médecine, en médecine dentaire et en pharmacie du Maroc vient de livrer les conclusions d'une enquête, menée entre le 9 et le 16 avril 2022 et à laquelle ont anonymement participé plus de 5.314 étudiants, qui ont été interrogés à propos de leurs conditions financières et sociales, ainsi que sur celles d'une précarité qu'ils subissent.

La majorité des étudiants ayant répondu au formulaire sont des étudiants marocains (97%), dont 91% sont inscrits en médecine générale, 4,7% en pharmacie et 4,2% en médecine dentaire. Parmi les participants, quelque 59,4% sont de sexe féminin, contre 40,6% de sexe masculin.

Selon les résultats de cette enquête, 92% des étudiants se trouvent dans l'obligation de solliciter leur famille pour participer au financement de leurs études, avec ce qui en découle comme conséquences socio-économiques, et comme pression financière, non pas uniquement pour l’étudiant, mais aussi pour sa famille. Et ce sont 64% des étudiants qui dépendent éventuellement des indemnités et des bourses pour vivre et assurer leurs études.

Il ressort également des conclusions de cette enquête que la majorité des étudiants se sont retrouvés, au cours de ces 12 derniers mois, dans l’obligation de demander de l’aide à leur famille (78%), ou bien à un ami (38%), de diminuer l’épargne (30%), ou d'être confrontés à la difficulté de payer leur loyer (16%), voire à l'impossibilité de payer leur loyer (6%), entre autres.

Par ailleurs, 50% des étudiants qui paient leur loyer ont des difficultés à en assurer la mobilisation du budget, lequel coûtent en moyenne 2.584 dirhams pour un logement qui se trouve éloigné à une distance de 40 minutes de leur faculté et terrain de stage. Ces étudiants ont comme moyen de déplacement la marche à pied (24,69%), la voiture (21,65%), par taxi (17,60%), ou par un moyen de transport public -bus ou tramway (29,61%), ou vélo ou autre.

Compte tenu de la cherté de leur loyer, 42,3% se sont retrouvés contraints d'éloigner leur logement du lieu de leurs études pour des raisons financières. Ce rapport mentionne que la distance entre le lieu du logement et celui de la formation entraîne, pour 65,5% des étudiants, de sérieuses répercussions sur leur rendement au service hospitalier/faculté.

De plus, 37% des étudiants estiment que leurs ressources financières ne leur permettent pas de manger à leur faim. Parmi l'ensemble des participants à cette enquête, 54,36% trouvent que leur budget ne leur permet pas de manger de façon équilibrée. Près de 58% ont modifié leurs habitudes alimentaires depuis qu'ils sont étudiants pour des raisons financières, et 96% des étudiants déclarent n’avoir jamais reçu de repas de garde dans les CHU.

Ces étudiants estiment, en moyenne, que le montant minimal qu'il devraient percevoir est de 2.706,6 dirhams mensuels, en ce qui concerne les dépenses relatives au transport, au logement et à l'alimentation. Et 51% des étudiants ne recommandent pas leurs propres études, et citent à cet égard les conditions dans lesquelles ils étudient, le déroulement de leurs stages, le harcèlement moral qu'ils subissent ou encore leur situation financière précaire. Dans le détail, 93,7% des étudiants ne sont pas satisfaits des mesures entreprises pour soutenir les étudiants dans leur vie, et 98,9% estiment que plus d’efforts doivent être entrepris pour les soutenir dans leurs dépenses.

Ce rapport rappelle, par ailleurs, que les étudiants en médecine, en médecine dentaire au cours des deux premières années et en pharmacie au cours des trois premières années ne reçoivent aucune bourse, indemnité ou aide systématique pour contribuer aux dépenses engendrées par leurs études. Etant externes à partir de la 3ème année (médecine et médecine dentaire) et de la 4e année (pharmacie), en participant à l’activité hospitalière et ambulatoire, ils reçoivent 630 dirhams par mois, avec, de plus, plusieurs problématiques d'octroi de ces aides.

Sept années après le baccalauréat pour la médecine générale, et six ans pour la médecine dentaire et pour la pharmacie, ces étudiants, qualifiés de faisant fonction d'internes ou d'internes de périphérie, sont amenés à réaliser des stages internés dans les hôpitaux de périphérie, ne se voient recevoir que 2.000 dirhams par mois. Et tout comme les indemnités d'externat, l'octroi de celles des étudiants internes en médecine, accusent des retards, dépassant même dans une grande partie des cas les 7-8 mois.

Ce même rapport signale que l'augmentation, prévue par décret, de 2.000 DH pour les étudiants faisant fonction d'internes, à partir de janvier 2020, n'a pas eu lieu. A ce jour, les étudiants, n'ont perçu aucun rappel pour cette différence, de l'ordre de 6.000 dirhams. Le document rappelle par ailleurs que les étudiants ne perçoivent aucune indemnisation au cours de leurs 2-3 premières années d'études.

En ce qui concerne les bourses, 43,41% des étudiants ayant participé à cette enquête ont déjà postulé à Minhaty, mais seulement 18,4% d'entre eux ont pu en bénéficier. Deux autres bourses restent disponibles pour les étudiants, mais restent restreintes à ceux dont les parents sont adhérents aux fondations, soit la Fondation Mohammed VI des œuvres sociales des enseignants (16,8%) ou encore la Fondation Hassan II des œuvres sociales de la santé (4%).

Pour la Commission nationale des étudiants en médecine, «ces grandes difficultés dont souffrent les étudiants des facultés publiques, qui ont mené à une continuité de manifestations et de grèves, ne peuvent que témoigner des grands défis de gouvernance et de communication établis dans la gestion de ce secteur. Cet agencement entre faculté et hôpital fait que les dossiers traînent entre deux ministères de tutelle, et que l'étudiant, futur médecin, dentiste et pharmacien, maillon faible de la chaîne, souffre en silence». Alarmant... 

Par Hajar Kharroubi
Le 10/05/2022 à 14h43