Human Rights Watch bannit le droit à la parole de Hafsa Boutahar, qui accuse Omar Radi de viol

Omar Radi.

Omar Radi. . DR

Les organisations droits-de-l’hommiste internationales n’en finissent plus de nous étonner. Human Rights Watch s’est ainsi livré à une manipulation des déclarations de la plaignante, en vue de discréditer son accusation de viol et d'asseoir la thèse d’une machination politique.

Le 22/09/2020 à 14h20

Nous sommes le mardi 22 septembre. C’est aujourd’hui même que le journaliste marocain Omar Radi comparaît devant la justice pour répondre de plusieurs chefs d’accusation qui pèsent sur lui, dont une plainte pour viol. A la veille de sa comparution devant le juge d’instruction, l’organisation américaine Human Rights Watch (HRW) a décidé de sortir de son silence et de jouer la carte de la partialité, prenant le parti de Omar Radi et jetant le discrédit sur sa présumée victime.

Dans un communiqué aux allures d'article d'enquête inquisitrice, intitulé «Maroc: affaire d’espionnage contre un journaliste au franc-parler», l'ONG droit-de-l’hommiste revient sur l’affaire de Omar Radi, «emprisonné abusivement pour des accusations qui semblent fragiles et politiques», annonce-t-on d'office. Le ton est d'emblée donné.

Comme un sursaut de neutralitéOn décrète ainsi que Omar Radi, est emprisonné pour espionnage «et autres accusations qui semblent étayées par de rares preuves»… Parmi ces autres accusations, le viol donc, dont l’accuse Hafsa Boutahar.

L’organisation atténue ensuite ses affirmations en expliquant que si «Radi a nié toutes les accusations portées contre lui, y compris une accusation de viol qui découle d’une rencontre qu’il a qualifiée de consensuelle (…) son accusateur, qui s’est manifesté publiquement, a le droit d’être entendu et respecté et, comme Radi, a droit à une procédure judiciaire équitable». Un peu plus loin, on affirme également que «toutes les plaintes d’agression sexuelle méritent une enquête sérieuse et des sanctions lorsque les preuves prouvent la culpabilité».

Une position neutre, qui est précisément celle que l’on attend d’une organisation telle que Human Rights Watch. Mais c’est précisément ici que l’impartialité s’arrête, pour laisser place à une vraie remise en question du témoignage apporté par la plaignante.

Des approximations et des sous-entendus qui ne passent pasBalayant d’un revers de main la véracité du témoignage de Hafsa Boutahar, Eric Goldstein, directeur par intérim pour le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord à Human Rights Watch, rétorque tout de go que «porter des accusations apparemment fausses contre des journalistes critiques fait désormais clairement partie du livre de jeu du gouvernement marocain pour étouffer la dissidence».

En effet, nous explique-t-on, «il existe des précédents au Maroc d’arrestation, de jugement ou d’emprisonnement de journalistes indépendants, d’activistes ou de politiciens pour des accusations douteuses d’inconduite sexuelle».

Dans ce chassé-croisé, les contradictions sont de mise, et la véracité de l’accusation de la plaignante fortement écornée. Sur quelle base HRW bannit le droit de la plaignante à la parole?

HRW dispose-t-elle des preuves de l’innocence de Omar Radi? Dans l’affaire du viol dont il est accusé, quels sont les éléments dont cette organisation dispose pour remettre en question le témoignage de la plaignante?

La réponse tient en un seul mot: aucune.

Le viol, le nouvel instrument du pouvoir Utilisant le même procédé qu’Amnesty International, Human Rights Watch oppose à un Omar Radi, présenté comme une figure du journalisme d’investigation, une voix libre ou encore un opposant, une justice bancale et corrompue, manipulée par «les autorités [qui] abusent du système judiciaire pour faire taire l'une des rares voix critiques restantes dans les médias marocains». La plaignante? C'est là, assurément, un instrument de l’Etat, doublée de surcroît d’une menteuse.

Mais le pire est à venir pour la présumée victime, dont le sang n’a fait qu’un tour en lisant précisément ce passage du communiqué de HRW. «Le témoignage que [Imad] Stitou [un collègue de l’accusé et de la plaignante au site Ledesk, Ndlr] a fourni plus tard à la gendarmerie était conforme au récit de Radi, comme l’accusatrice elle-même l’a reconnu dans une interview». L’interview dont il est ici question est celle que Hafsa Boutahar a accordée à notre média, pour livrer sa version des faits.

Et «l’aveu» qu’elle aurait reconnu, selon les dires de Human Rights Watch, tient en quelques lignes dans cette interview: «elle dit avoir repris ses esprits quand celui-ci lui dit: «laisse-toi faire, je vais appeler Imad pour qu’on fasse un plan à trois».

Imad Stitou, pense-t-elle, est endormi, car à aucun moment il n’a bougé pendant l’acte, bien que celui-ci ait déclaré aux autorités «qu’il était bien éveillé, qu’il regardait la scène et qu’il a affirmé que la relation était consentie». Fin de l’extrait.

Hafsa Boutahar reconnaît-elle, comme l’affirme HRW, que le témoignage de Stitou est conforme à celui de Radi? La réponse est non, car ce qu’expliquait Hafsa Boutahar dans cet échange, est la surprise qu'elle a ressentie en découvrant que Imad Stitou avait déclaré aux autorités être éveillé au moment des faits, alors même qu’il n’avait, en aucun cas, tenté de la défendre. Ce qu’elle dénonçait dans cette interview, c’était bien ce qui s’apparentait à de la non-assistance à personne en danger.

Le procédé employé ici, qui consiste à déformer des propos, est donc pour le moins douteux et calomnieux. HRW se livre à la manipulation des paroles de la plaignante, pour étayer une version des faits, qui repose davantage sur un parti pris que sur la recherche de la vérité.

Un timide rétropédalageContacté par Hafsa Boutahar suite à la publication du communiqué de HRW et le prétendu aveu qu'elle aurait confessé, Eric Goldstein dit ne pas comprendre. «Melle Hafsa, personne ne parle d’aveu dans ce paragraphe, nous disons que vous avez reconnu que Stitou était d’accord avec Radi –ça ne veut pas dire que l’un ou l’autre a raison, juste que c’est un fait que vous avez établi», lui écrit-il dans un message que nous avons pu consulter.

Mais pour Hafsa Boutahar, les propos du communiqué de HRW sont péremptoires, et ne se prêtent à aucune polysémie. Pour elle, HRW a «manqué de rigueur professionnelle», car «à aucun moment ceux-ci n’ont jugé utile de [la] contacter pour [lui] demander [son] témoignage sur cette affaire, alors qu'[elle est] la victime et la première concernée», s’indigne Hafsa Boutahar, contactée par Le360.

«Je pensais que HRW défendait les droits des sans-droits. Malheureusement je constate le contraire», poursuit-elle.

Dans sa réponse à Eric Goldstein, Hafsa Boutahar écrit: «pour des raisons politiques ou autres qui vous concernent, vous avez défendu le bourreau sans même daigner recueillir les arguments de la victime».

«Avec tout le respect que je porte à votre institution, je vous demande de bien vouloir remédier à cette erreur qui m’est très préjudiciable et me rendre justice, au moins en m’écoutant et en publiant ma version des faits», demande-t-elle à son interlocuteur, l'un des principaux directeurs d'une organisation internationale de défense des droits humains. 

Pour toute réponse, Eric Goldstein lui rappelle que «HRW n’a pris aucune position par rapport aux accusations de viol et agression sexuelle, ni en faveur de l’accusé, ni en faveur de celle qui l’accuse». Une réponse qui jure grossièrement avec la teneur du communiqué émis par HRW.

Par Zineb Ibnouzahir
Le 22/09/2020 à 14h20