L'état d'urgence sanitaire expliqué par Mustapha Sehimi

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Revue de presseKiosque360. Le confinement généralisé instauré par le ministère de l’Intérieur soulève un certain nombre d’interrogations sur la nature juridique de ces mesures. Le politologue marocain Mustapha Sehimi apporte un éclairage.

Le 22/03/2020 à 18h27

Dans une interview accordée au quotidien francophone Aujourd’hui le Maroc pour son édition du 23 mars, le politologue Mustapha Sehimi analyse l’état d’urgence sanitaire déclaré depuis vendredi dernier et les mesures prises par le ministère de l’Intérieur pour limiter la propagation du Covid-19. 

L’état d’urgence sanitaire a t-il un ancrage constitutionnel? Non, tranche d’emblée Sehimi: «la Constitution ne fait aucune référence à l’état d’urgence et encore moins à l’état d’urgence sanitaire». 

Pourtant, l’état d’urgence est réglementé par de nombreuses législations de droit comparé, notamment aux Etats-Unis ou encore en France. «Il peut être proclamé en cas de péril imminent soit du fait d’atteintes graves à l’ordre public, soit en cas d'événements présentant par leur nature et leur gravité le caractère de calamités publiques (tremblements de terre, inondations, sécheresse exceptionnelle …)», note Sehimi. 

En l’état actuel, ce sont bien les effets de la propagation de l’épidémie qui ont conduit à déclarer l’état d’urgence sanitaire. Autrement, il y a un distinguo à faire entre l’état d’urgence et deux autres situations de crise, celle de l’état d’exception et celle de l’état de siège. «L’état d’exception est réglé par les dispositions de l’article 59 de la Constitution, lequel a repris en substance celles de l’article 35, présentes dans toutes les Constitutions depuis 1962. Cet état d’exception impose deux conditions de fond: soit une menace de l’intégrité du territoire national, soit une entrave au fonctionnement régulier des institutions constitutionnelles», explique le politologue. 

Dans un tel contexte de crise sanitaire, un principe doit prévaloir: «celui de la continuité de la vie nationale». Cela couvre de multiples domaines et ne devrait en aucun cas compromettre le bon fonctionnement des administrations, des entreprises publiques et privées, des institutions nationales (Parlement) et territoriales (Communes, régions), des services publics (transport intérieur en tout cas), des services publics (eau, électricité, urgences médicales), de la sécurité et de l'ordre public. 

L’urgence déclarée au Maroc n’est pas absolue mais relative, en ce sens qu’elle organise, régule et limite au mieux les mouvements des citoyens. «C’est un nouveau mode de vie qui s’est aujourd’hui imposé dans la vie sociale, économique, culturelle, sportive. Il faut évidemment espérer qu’il ne perdurera pas durant des semaines et que le Maroc, par suite de mesures chocs, arrivera à faire face à cette épidémie», conclut Sehimi.

Par Maya Zidoune
Le 22/03/2020 à 18h27