Mandat de dépôt contre Maâti Monjib pour détournement et blanchiment d’argent

Maâti Monjib.

Maâti Monjib. . DR

Après cinq ans d’instruction judiciaire, l’affaire de cet historien, poursuivi pour blanchiment d’argent, prend désormais un nouveau tournant avec une décision de justice de le poursuivre en état d’arrestation. Voici les détails d'un cas d’école, en matière d’enrichissement illicite, au nom de la défense des droits humains.

Le 29/12/2020 à 18h22

Maâti Monjib passera le réveillon du nouvel an en cellule. Cet après-midi du 29 décembre, il a été placé en détention provisoire dans le cadre de poursuite pour détournement et blanchiment d’argent. Une enquête pour laquelle la Justice a pris le temps d’enquêter pour démêler la chaîne de détournement et d’enrichissement illicite dont il était fortement soupçonné, alors que le prévenu n’a cessé de se présenter comme un militant des droits de l’Homme, victime d’oppression. Les preuves accumulées au cours de ces cinq dernières années sont accablantes envers ce prétendu militant, qui se révèle être un criminel en col blanc.

Les péripéties de Maâti Monjib avec la justice remontent à octobre 2015. L’historien est alors officiellement interdit de quitter le territoire, car faisant l'objet d’une instruction judiciaire pour des "irrégularités financières" liées à la gestion du Centre Ibn Rochd d'études et de communication qu’il présidait depuis des années.

En effet, c'est en décembre 1999 que Maâti Monjib avait créé ce centre. Curieusement, il en avait fait une SARL et non une ONG, afin de se soustraire à tout contrôle de l’Etat, notamment celui du Secrétariat général du gouvernement, qui vérifie les financements étrangers qui atterrissent dans l’escarcelle des associations marocaines.

Bien que détenant 98% des actions, Monjib avait confié à sa sœur le poste d’administrateur alors qu’elle ne détenait que 1% seulement des actions.

Mais c’est l’historien qui avait toute la latitude de gérer les fonds étrangers reçus par son Centre. Des subventions qui provenaient essentiellement de l’ONG néerlandaise «Free Press Unlimited» et du «National Endowment» (organisme américain). D’autres financements étrangers ont été reçus par Maâti Monjib, et ont été de l’ordre de 1.4 million de dirhams.

Une bonne partie de l’argent, qui coulait à flot, a fini sur deux comptes ouverts au nom de Maâti Monjib dans une agence bancaire à Rabat. En cinq ans, il a transféré sur ces deux comptes, 3.5 millions de dirhams et retirait lui-même des sommes en cash.

Au total, ces retraits ont atteint 3.1 millions de dirhams, dont 2.45 millions ont été déposés sur un troisième compte bloqué, qui générait, évidemment, des intérêts. Sur ce même troisième compte, Maâti Monjib a retiré, le 1er novembre 2014, plus de 2 millions de dirhams qu’il a remis à sa sœur et à sa femme. Cette opération a été effectuée à la veille de la dissolution du Centre Ibn Rochd, alors que le contrôle des ONG bénéficiant de financement étranger devenait de plus en plus strict.

Les investigations judiciaires menées ces dernières années ont abouti à un recensement assez précis du patrimoine financier de Maâti Monjib, un universitaire dont le salaire mensuel brut ne dépasse officiellement pas les 11.800 dirhams. Avec ce revenu modeste, il a acquis et enregistré en son nom quelque 34.840 mètres carrés de terrain nu, acquis sur les six dernières années (6900 m² en 2014, 5950 m² une année plus tard, 4075 m² en 2017 et enfin 17.915 m² en 2019). A cela s’ajoutent trois appartements situés à Harhoura, dans le quartier de l'Agdal à Rabat, et à Benslimane, non loin de la capitale. 

C’est dans cette même ville de Benslimane que vit la sœur cadette de Monjib, que l’intéressé présente comme «analphabète et diabétique», alors qu’elle s’avère être un maillon essentiel de la chaîne de blanchiment de Maâti. Mariée à un travailleur journalier, Fatema Monjib a travaillé dans un groupe scolaire pour un salaire mensuel de 3.000 dirhams, avant de rejoindre «l’affaire familiale» en 2009. Pendant sept ans, elle a perçu du Centre Ibn Rochd un salaire de 5.000 dirhams par mois, en tant que dirigeante, alors qu’elle n’y a jamais mis les pieds.

Ce revenu, relativement modeste mais assurément indu, ne l’a pas empêchée de se payer deux appartements à Benslimane (payées pour 1,2 million de dirhams, dont 700.000 dirhams remis en cash), moins d’une semaine après l’acquisition d’un autre appartement (toujours à Benslimane) pour 400.000 dirhams, qui s’ajoutent à un lopin de terre de 500 m², acheté avec deux autres personnes et pour lequel elle a déboursé un demi-million de dirhams.

La chaîne du «Maâti» se révèle être un cas d’école en matière de blanchiment. Et les révélations ne vont certainement pas s’arrêter là, à présent que l’affaire a pris un nouveau tournant.

Par Mohamed Chakir Alaoui
Le 29/12/2020 à 18h22