Vidéo. Accessibilité des handicapés, au-delà des slogans

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Célébrée chaque année au 30 mars, la journée nationale des personnes handicapées est une opportunité pour participer à la sensibilisation aux droits de cette partie de la société, souvent lésée, et rappeler les difficultés que subissent nos compatriotes ayant une mobilité réduite.

Le 30/03/2019 à 17h38

En guise de contribution à la journée nationale des personnes handicapées, nous vous ferons visiter ce centre spécialement dédié à l’éducation, la rééducation et l’intégration des handicapés. Dirigé par l’association Amal pour les Handicapés, elle accueille des centaines de patients profitant de ses différents services.

Lors de la dernière enquête nationale sur le handicap, réalisée en 2016 par le Haut Commissariat au Plan, 2.264.672 personnes ont été repérées comme ayant un handicap, grave ou léger.

Le HCP a considéré comme handicapé toute personne ayant une grande difficulté ou une incapacité totale à voir, entendre, marcher ou monter les escaliers, se rappeler ou se concentrer, prendre soin de soi ou encore communiquer.

L’on parle d’une prévalence du handicap de 6,8% de la population marocaine. Une population «très souvent exclue, et pour qui l’autonomie reste idyllique», selon Youssef Errkhiss, président de l’Association Amal pour les Handicapés.

Selon toute logique, une région telle que celle du Grand Casablanca-Settat, locomotive économique du royaume pesant plus de 32,2% du PIB marocain, avec son lot de nouvelles infrastructures, son tramway, et ses 320.244 personnes à besoin spécifique devrait être la ville qui accueille le mieux les personnes se trouvant dans une situation de handicap moteur.

D’après un rapport sur l’accessibilité réalisé conjointement par l’«Amicale marocaine des handicapés» et l’«US Middle-East Partnership Initiative», «les moyens de transports(tramway à part), les voiries, les établissements recevant du public et les installations ouvertes au public restent largement inaccessibles».

L’Amicale regrette que ces endroits soient «non pas un lieu de partage et d’échange, mais plutôt un lieu de clivage et de ségrégation, obstacles culturels et économiques déclenchant isolation sociale, pratiques discriminatoires et jugements.»

Malgré des articles constitutionnels, des mesures ministérielles, des stratégies quinquennales de développement, et des dons de la Banque Mondiale, le réel est bien loin des signatures et des accords. Plus de 8 personnes handicapées sur 10 sont inactives, 6 sur 10 n’ont reçu aucune éducation, et cela n’a rien avoir avec leur volonté.

«Lorsqu’une personne en chaise roulante prend sur elle-même, fait des études au-delà du regard de l’autre, du misérabilisme constant qu’on lui impose et du manque de confiance en ses capacités et son autonomie, pour arriver un jour dans une école supérieure où on lui demande de monter trois étages par les escaliers pour suivre un cours, que la pousse-t-on à penser ? Qu’elle n’est pas faite pour cela ; et c’est réussi», nous explique Youssef Errkhiss.Les principales entraves rencontrés par les personnes ayant des difficultés motrices, à savoir le déplacement sur des sols meubles, glissants ou inégaux, le franchissement de passages étroits, d’obstacles et de dénivelés, l’atteinte de certaines hauteurs inaccessibles, l’utilisation d’objets, la vue à certaines hauteurs et le déplacement sur de longues distances sans repos possible, restent inéluctables dans plusieurs quartiers de la ville blanche.

«Rien que pour sortir prendre de l’air ou faire les courses nous trouvons des difficultés», nous avoue une personne rencontrée au centre. «Les aides de marche n’ont très souvent aucune utilité, les rampes de passage sont faites en pente raide, les voiries comptent bon nombre d’obstacles, de pots décoratifs, ou encore de panneaux publicitaires qui prennent assez d’espace pour m’empêcher ne serait-ce que de rester sur le trottoir».

En effet, si bien des bâtiments se disent normés, il n’en demeure que bien peu respectent les 5% de pente maximale, la nature des sols destinés à la mobilité des personnes ayant un handicap moteur, ou encore les équipements et commandes adaptées à l’utilisation de la part de ces personnes.

Et ce n’est pas tout. Un rapport produit par l’Amicale Marocaine des Handicapés relève des problèmes encore plus grave: pas de stationnement réservé aux personnes à mobilité réduite à l’Agence Urbaine, à la Wilaya, au Conseil de la Ville ainsi qu’au Centre Régional d’Investissement, entre autres bâtiments accueillant du public.

Il y a également l’absence de bateau sur le trottoir pour cheminer jusqu’à l’entrée d’édifices pour divers bâtiments d’utilité publique, la présence de marches à l’entrée sans rampe dans plusieurs bâtiments administratifs, des portes d’entrée et de sortie étroites ainsi qu’une absence flagrante de WC accessibles pour les utilisateurs de fauteuils roulants.

«Les gens ne prennent conscience de cela que quand ils comptent parmi leurs proches une personne à mobilité réduite, ou lorsqu’ils sont directement atteint par la chose» se désole Youssef Errkhiss. «30% des handicaps sont causés par des maladies qui viennent après la naissance et 30% encore par les accidents (de la route, du travail, liées à un traitement médical, une opération chirurgicale ou encore les violences sociales). C’est donc 60% des handicapés marocains qui n’ont pas été toute leur vie handicapé, qui le deviennent du jour au lendemain, et qui doivent faire face à ces difficultés nouvelles pour eux.»

Faut-il attendre d’être touché par un mal pour le combattre ? L’handicap ne devrait pas être l’affaire d’un ministère mais une cause de nationale, relevant des divers ministères, celui de l’urbanisme, de la justice sociale, de l’économie et de l’emploie, de l’enseignement.

L’accessibilité, c’est d’abord d’accéder à une autonomie, à un respect, à ses droits primordiaux, à sa dignité.

Par Oussama el Bakkali et Adil Gadrouz
Le 30/03/2019 à 17h38