Vidéo. «Hijama», «cupping therapy»... Quand le hajjam, médecin traditionnel, arbore les codes marketing de l'ère 2.0

En «Cupping Therapy», ou «Hijama», des ventouses sont aujourd'hui appliquées dans des zones précises du dos, et des incisions y sont pratiquées, pour aspirer du sang et soulager ainsi les maux de patients. 

En «Cupping Therapy», ou «Hijama», des ventouses sont aujourd'hui appliquées dans des zones précises du dos, et des incisions y sont pratiquées, pour aspirer du sang et soulager ainsi les maux de patients.  . Le360

Le 11/09/2021 à 08h31

VidéoFait plutôt rassurant: l'interlocuteur interviewé par Le360, le Dr Mehdi Karami, est non seulement hajjam, mais aussi, et surtout, généraliste. En plus de son diplôme de docteur en médecine, il pratique ce qu'on nomme depuis peu au Maroc la «hijama», ou «cupping therapy», les noms actuels d'une médecine parallèle, aussi vieille que l'islam...

Mug estampillé au nom de son cabinet, blouse immaculée, ordinateur dernier cri, bureau minimaliste, et, derrière lui, un tableau où les 99 noms d'Allah sont calligraphiés dans une écriture dorée... Le Dr Mehdi Karami, médecin, diplômé en médecine générale, est à des années-lumières du hajjam traditionnel, qui pratiquait autrefois son métier au milieu du bruit des chalands, du piétinement et autres mugissements ou bêlements du bétail dans les souks: circoncisions, applications de sangsues à même la peau, arrachage de dents cariées... Ce hajjam-ci, ou rebouteux, praticien appliquant des techniques de soin ancestrales, dites «holistiques», est bel et bien en voie de disparition. 

Toutefois, le métier de hajjam a su se renouveler, et sur le net, s'il vous plaît. Désormais, vous vous laisserez aller à faire un soin de hijama, avec l'accent qu'il convient, dans un bel arabe, loin des rugosités de notre darija, ou, mieux encore, un soin de cupping therapy (l'accent d'Oxford est ici fortement recommandé). 

Mais en quoi consiste donc le soin principal? En une saignée, comme à la belle époque du Malade imaginaire, inventé et mis en scène par Molière. Mais rassurez-vous, les sangsues, ces petites bébêtes pas vraiment ragoûtantes qui étaient autrefois utilisées pour ce faire, ont été aujourd'hui remplacées par des cups et de petites incisions faites par un outil contondant, et bien sûr stérile. 

Bref, en cupping therapy, le hajjam 2.0 vous pompe proprement un peu de votre sang, et cela vous fait du bien. D'ailleurs, Mehdi Karami, que Le360 a rencontré dans son cabinet de hijama à Casablanca, le certifie, et selon lui, cette médecine holistique «soulage les douleurs, favorise la détente, réduit le stress, nettoie notre corps des cellules mortes ou abimées, équilibre notre corps et ses fonctions, renforces nos défenses, aide à la régulation du système hormonal, et possède également des fonctions réparatrices dans la cicatrisation de certains tissus musculaires endommagés».

Par ailleurs, ce médecin reconverti en hajjam entend faire une différence entre une hijama dite sèche, et une hijama dite humide.

D’après lui, «la hijama sèche est une méthode qui repose sur l'application des ventouses sur une zone spécifique du corps, sans incisions. La ventouse est appliquée alors après que la peau a été frictionnée avec de l’huile. La pression émise par l’instrument, que ce soit à froid ou à chaud, va permettre de remonter les toxines à la surface de la peau. La hijama humide, quant à elle, permet, après avoir incisé quelques parties du corps, d'extraire le sang capillaire par effet de succion. L'action de la ventouse touche le sang des capillaires, car c'est dans cette zone que se fait l'échange entre le sang oxygéné et le sang désoxygéné et que sont localisées les toxines à extraire».

«La séance de cupping therapy s’étale en moyenne sur une trentaine de minutes, et il est conseillé d’en faire une tous les deux mois, mais cela dépend du motif qui pousse le patient à en faire. Par exemple, il y a beaucoup de sportifs qui se tournent vers la hijama, soit en pre-workout ou en post-workout, pour stimuler les muscles sollicités pendant l’effort», explique le hajjam casablancais.

Attention, et là, toutes les compétences en médecine générale, pour lesquelles le Dr Karami a effectué au minimum 7 années d'études, sont requises, car ce médecin précise que «certaines précautions à prendre en considération avant et après la séance de cupping therapy, car la hijama est fortement déconseillée le ventre plein, et recommandée à jeun, ou tout du moins après un repas léger». 

Le hajjam précise aussi que les femmes enceintes sont exclues de cette pratique de la médecine traditionnelle, au premier et au dernier trimestre de leur grossesse, de même que les enfants de moins de trois ans, les personnes âgées de plus de 65 ans, les individus en post-chirurgie, les personnes en grand état de faiblesse, et les femmes en période de menstrues.

Médecin, Mehdi Karami a obtenu son diplôme de hijama en l'espace de quatre jours seulement, après une formation et un examen qu'il a réussi en ligne et qu'il est à même de délivrer aujourd'hui, en tant qu'instructeur de cupping therapy, toujours en ligne, à la portée de tous. Une formation qu'il dispense, et qui peut aussi s'étaler sur plusieurs mois, selon les compétences de chacun... Aujourd'hui, ce hajjam très propre sur lui est à même de délivrer ce certificat qui lui avait été octroyé depuis Londres, à qui veut s'intéresser à cette médecine holistique. 

Pratiquée en Egypte, mais aussi en Chine, où elle entre en concurrrence frontale avec une autre médecine douce traditionnelle, pluri-millénaire celle-là, l'acupuncture, la hijama a été reconnue par l'OMS en 2004, comme étant une forme de thérapie parallèle permettant de guérir certains maux dont l'asthme, des formes peu graves de diabète ou encore de très disgracieux acnés... Pour l'organisation onusienne, cette thérapie permet de pallier certains manques de l'organisme. Les 99 noms d'Allah, fièrement accrochés dans le cabinet de ce hajjam 2.0, n'y sont sans doute pas étrangers.

Par Yousra Adli et Lotfi Fettouh
Le 11/09/2021 à 08h31