Voici pourquoi la nouvelle carte nationale d'identité électronique n’est pas un cadeau pour les Marocaines

La nouvelle CNIE marocaine décriée par les féministes.

La nouvelle CNIE marocaine décriée par les féministes. . DR

Dans un communiqué rendu public le 15 août, l’Association Démocratique des Femmes du Maroc (ADFM) monte au créneau concernant la loi 04-20 relative à la carte d'identité nationale électronique. Le point sur une loi assurément discriminante à l'égard des femmes.

Le 21/08/2020 à 13h23

Pour cette association féministe, la loi 04-20 publiée dans le bulletin officiel n°6907, du 10 août 2020, entend «perpétuer la discrimination directe à l'égard des femmes».

Mais quel est le rapport direct entre cette nouvelle carte nationale d'identité électronique (CNIE) et la condition féminine au Maroc?

L’ADFM, qui a pour mission de veiller à la conformité et à l’harmonisation des lois et des politiques publiques avec les engagements constitutionnels et internationaux du Maroc relatifs à l’égalité hommes-femmes, exprime sa profonde préoccupation quant aux dispositions discriminatoires contenues dans le texte de loi 04-20.

Inquiétude notamment suscitée par le dernier paragraphe de l'article 4, lequel traite de la possibilité de faire figurer son statut matrimonial sur la CNIE et qui, en l'occurrence, "ne concerne que les femmes et dispense les hommes à moins qu’ils ne soient veufs".

En effet, cet article de loi indique l’éventualité d’intégrer dans la CNIE l’expression optionnelle "épouse", "veuve", ou "veuf" tout en omettant de citer le substantif "époux", explique-t-on ainsi dans le communiqué.

Le paragraphe 2 de l'article 5 qui porte sur les informations introduites sur cette carte électronique et l’article 13, qui quant à lui est relatif aux cas nécessitant le renouvellement de la CINE, sont eux aussi visés par l’association féministe, car ceux-ci "reprennent les mêmes expressions, dispensant ainsi l’homme marié de la possibilité de faire figurer son statut matrimonial sur ladite CNIE au même titre que la femme mariée".

L’ADFM, tout en déplorant l’adoption des dispositions susmentionnées, souhaite ainsi attirer l’attention sur quelques points fondamentaux, notamment la discrimination fondée sur le sexe et l’institutionnalisation des inégalités. Ainsi, parce que "ce texte dispense l’homme, à moins qu'il ne soit veuf, de la possibilité de déclarer sa situation familiale, mais pas la femme", on est ici en droit de se demander si "cette disposition a pour objectif de favoriser la polygamie?", s’interroge l’ADFM.

L’association questionne également l’article 19 de la constitution, lequel prévoit l’égalité dans tous les droits entre les femmes et les hommes. Or, l'ajout d’"épouse" et non d'"époux" dans les informations demandées, "fait clairement la distinction entre les citoyens et les citoyennes , promeut une société patriarcale et consolide le concept de "kiwama - tutelle"", juge l’ADFM.

Pourquoi nourrir tant d’inquiétudes? Parce qu'à l’évidence, si la Carte nationale d'identité électronique (CNIE) a pour objectif de faciliter les démarches administratives des citoyens et citoyennes en les dispensant d’avoir à fournir des actes de naissance, résidence, vie et de nationalité, "l'ajout d'informations sur l'état matrimonial compliquerait ces procédures et induirait un coût financier supplémentaire en particulier pour les femmes qui changent de statut matrimonial", s’inquiète l’ADFM.

En effet, "les mesures susmentionnées, inciteront le service concerné à exiger des femmes souhaitant obtenir une CNIE, de justifier leur situation familiale, mais pas les hommes", précise-t-on.

Ainsi, dans l’adoption de cette loi par les deux chambres, l’association voit "un indicateur sur la faible appropriation par les représentants et représentantes de la nation, du principe de l’égalité prôné par notre Constitution".

Par conséquent, l’ADFM considère que les dispositions contenues dans la loi 04-20 sont une violation des dispositions de la Constitution et des acquis que les femmes ont obtenus avec la réforme du Code de la famille pour mettre fin à l’ère de tutelle que les femmes ont endurée pendant des siècles. L’ADFM appelle ainsi le législateur à réviser la loi 04-20 et le ministère de tutelle, à donner des directives à l'administration concernée, pour que les femmes ne soient pas obligées de confirmer leur statut matrimonial.

Par Zineb Ibnouzahir
Le 21/08/2020 à 13h23