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La médaille d’or ‘philosophique’ d’El Bakkali

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L’essentialisme brouille notre vision du monde. Il nous décourage d’avance: les Japonais seraient essentiellement plus forts que nous en électronique, les Allemands seraient essentiellement plus forts en chimie, nous ne pourrons jamais nous mesurer avec les Chinois parce qu’ils sont essentiellement ceci ou cela.

La médaille d’or remportée haut la main par Soufiane El Bakkali à Tokyo n’a pas qu’un intérêt sportif, elle permet aussi de donner un petit cours de philosophie. Le voici, en espérant qu’il sera utile. (A vrai dire, il est certain qu’il le sera puisque l’intelligence dépend directement du nombre de concepts dont nous disposons pour comprendre le monde.)

Tout tourne autour de la notion d’essentialisme.

L’essentialisme, c’est une erreur de raisonnement très répandue et dont il faut se déprendre.

Depuis plusieurs décennies, le 3000 mètres steeple était la chasse gardée des Kenyans. Il est même arrivé que trois Kenyans trustent les trois premières places sur le podium. L’or, l’argent et le bronze prenaient la direction de Nairobi avec une telle régularité qu’on aurait pu y ouvrir un marché de métaux précieux.

Tant mieux pour eux. Que le meilleur gagne. L’esprit sportif nous oblige à applaudir sincèrement ces valeureux enfants des tribus Kikuyu, Maasaï ou Borana.

Où se cache alors l’erreur essentialiste? Elle consiste à penser que tout Kenyan est, par essence, meilleur sur le steeple chase que n’importe quel autre Tartempion venu des bords du Gange, du Rhin ou de l’Amazone.

En réalité, être Kenyan peut prédisposer à être un bon coureur à cause d’une sélection naturelle qui fit qu’au cours de millions d’années seuls pouvaient survivre là-bas ceux qui couraient vite par monts et par vaux -par exemple, pour échapper aux lions. De même, les Noirs américains sont prédisposés à être de bons athlètes à cause de la très cruelle sélection de leurs ancêtres esclaves: les moins forts mouraient en fond de cale sur les bateaux qui les emportaient vers l’Amérique.

Mais cela ne signifie pas qu’il y ait une raison mystérieuse, métaphysique, ontologique, qui ferait qu’un Kenyan serait imbattable au steeple chase.

La preuve: El Bakkali

Quand j'étais adolescent, j’ai un jour marqué un but en force sur le terrain de foot du lycée Lyautey. Un de mes coéquipiers me dit alors:
-Vous autres j’didis, vous tirez des boulets de canon.

Et de me citer le valeureux Baba (qu’est-il devenu?) qui marqua en 1976 le but qui donna au Maroc son seul titre de champion d’Afrique. C'était effectivement un boulet de canon.

J’eus le pressentiment, à ce moment-là, de l’erreur philosophique dont je ne savais pas encore qu’elle se nommait essentialisme. La remarque de mon condisciple me sembla basée sur… rien. Certes, je respirais le même air que Baba, je me promenais sur le même boulevard que lui, j’allais au même cinéma que lui (celui de madame Dufour) -mais et alors? En quoi cela nous donnait-il à tous deux la capacité de frapper très fort dans un ballon?

L’essentialisme brouille notre vision du monde. Il nous décourage d’avance: les Japonais seraient essentiellement plus forts que nous en électronique, les Allemands seraient essentiellement plus forts en chimie, nous ne pourrons jamais nous mesurer avec les Chinois parce qu’ils sont essentiellement ceci ou cela.

Foutaises. On peut battre tout le monde en s’appliquant, en s’entraînant, en se concentrant sur un objectif.

La preuve: El Bakkali.

Alors oublions l’essentialisme et retroussons nos manches…

Par Fouad Laroui

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