Le festival de C(H)AN

À force de regarder les parades militaires de l’Armée nationale populaire, les Algériens sont devenus de grands connaisseurs en matière de septième art et leurs dirigeants du ballon rond ne dérogent pas à cette règle.

À l’approche du Championnat d’Afrique des Nations des joueurs locaux (CHAN) (13 janvier-4 février), les acteurs du football algérien ont gratifié le continent ces dernières semaines d’un vrai festival qui réunit plusieurs genres cinématographiques.

L’histoire avait commencé par un film réalisé par le ministre algérien de la Jeunesse et des Sports, qui semble vouer un véritable culte à Alfred Hitchcock, le maître du suspense. Alors que la Fédération royale marocaine de football (FRMF) a conditionné, le 27 décembre dernier, la participation des Lionceaux U23 au tournoi panafricain à l’ouverture de l’espace aérien –à la RAM, transporteur officiel de l’équipe nationale–, Abderezak Sebgag a affirmé à beIN Sports que la réponse des autorités algériennes tomberait le 30 du même mois.

Ce scénario destiné à tendre les nerfs des dirigeants de la FRMF a viré au drame psychologique pour l’appareil militaro-politique, qui se retrouve pris dans le piège qu’il s’est lui-même tendu en rompant ses relations et en fermant ses frontières avec le Maroc.

Aujourd’hui, le pays en est à préparer une compétition sans l’équipe la plus sacrée et double tenante du titre. Le palmarès des Lions de l’Atlas semble d’ailleurs agacer nos amis d’APS, l’agence de presse officielle de la junte, qui a retracé l’historique du CHAN sans mentionner une seule fois le Maroc. Si ça, ce n’est pas de la science-fiction!

Et le film musical? Sans tambour ni trompette, mais avec une insupportable voix aiguë, le président du comité d'organisation local du CHAN, Rachid Oukali, a chanté le même refrain depuis plusieurs jours: «Fouzi Lekjaâ veut faire capoter la cérémonie d’ouverture en programmant le tirage au sort du Mondial des clubs le 13 janvier». Pour info, mini-Tebboune, les dates des tirages au sort des compétitions FIFA sont décidées par l’instance présidée par Gianni Infantino.

La palme du meilleur film d’horreur revient quant à elle à Hakim Medane, membre du bureau directeur de la Fédération algérienne de football (FAF), qui le mardi 3 janvier a martyrisé la langue anglaise pour souhaiter la bienvenue à l’équipe du Ghana.

La comédie enfin, avec la réception de l’équipe du Sénégal qui rappelle celle réservée à l’équipe algérienne sacrée lors de la Coupe arabe, ou à la Première ministre française Elisabeth Borne. Au menu: des cacahuètes, des pâtisseries et un peu de folklore. Un spectacle basique, caricatural et presque ennuyeux...

Dernier scandale? Ben non, le script avait une autre issue et le mot «Fin» n'était pas encore près d’apparaître à l’écran. À la surprise générale et sans crier gare, le film plonge les Lions de la Teranga dans les entrailles impitoyables d'un thriller terrifiant et éprouvant: le bus qui allait les amener vers leur hôtel.

Un véhicule vieux, délabré et moche, à l’image du régime en place et qui ressemble bizarrement aux bus utilisés par cette même junte pour transporter les migrants subsahariens avant de les abandonner en plein milieu du désert, plus précisément à Tamanrasset, dans l’extrême sud du pays.

Le CHAN ne débute que vendredi prochain, mais la mascarade, elle, a déjà commencé.​