Oui, oui, c’est la victoire de Vahid, mais…

Il y a dix jours, à la veille du barrage retour face à la RDC, on parlait de l’éventualité d’écarter Vahid, dont l’impopularité avait atteint de vrais sommets. Communication boiteuse, humeur cassante, choix tactiques contestables…

La coupe de coach Vahid était pleine et menaçait de déborder à tout moment. Mais, dix jours plus tard, le Maroc n’a pas fini de fêter une qualification magnifique, le tirage au sort du Mondial a déjà eu lieu, et Vahid et les autres se projettent déjà sur les trois adversaires qui les attendront, novembre prochain, à Doha.

Dans le foot, tout va vite, très vite. La vérité d’un jour n’est pas celle de la veille, ni du lendemain. Tout peut basculer à la faveur d’un résultat, d’un match. Ce 4-1 face à la RDC a tout changé.

Mais ce 4-1 n’est pas le fruit du hasard. La RDC n’était pas si faible que cela, la preuve: les Lions ont frôlé la correctionnelle à Kinshasa, puis, au retour à Casablanca, les Congolais sont passés tout près d’ouvrir le score.

Ce 4-1, dira-t-on, est le résultat du soutien extraordinaire du public de Mohammed V. Ce même public qui vient de porter, ce weekend, le Wydad et le Raja, vers de belles victoires en Champions League africaine. Certes.

Mais ce merveilleux public a soutenu une sélection qui était bien en place, qui jouait en bloc, qui évoluait haut sur le terrain, avec des lignes très proches les unes des autres, avec des mouvements, des permutations, des coulissages. Et ça, c’est d’abord et avant tout le boulot de l’entraineur. Donc Vahid.

Entre le match aller à Kinshasa et le retour à Casablanca, c’était littéralement la nuit et le jour. A Kinshasa, les Lions ont sans doute livré leur pire prestation sous Vahid. A Casablanca, ils ont livré la meilleure. La différence est abyssale. Comment l’expliquer, sachant que Vahid a évolué avec le même système?

Ce qui a changé, outre l’ambiance générale, c’est d’abord le choix des hommes pour animer ce 3-5-2 où il n’y a pas de place pour Boufal, le chouchou du public. Si Vahid s’est entêté à reconduire le même schéma de jeu, il a changé les hommes, trois plus précisément, et cela a suffi pour transformer l’animation, surtout en phase offensive.

Le sélectionneur a remplacé la paire En-Nesyri – Mmae, qui ne parlent pas le même langage, par le tandem El Kaâbi – Tissoudali dont l’entente commence à devenir intéressante. Bien vu. El Kaâbi est un harceleur des défenses, qui prend facilement la profondeur et gêne les premières relances adverses. Cela ouvre des boulevards pour son compète en attaque, et on a vu comment Tissoudali, double buteur, en a largement profité. Et cela pousse les défenseurs à la faute technique, en plus d’offrir la possibilité des deuxièmes ballons: et on a vu comment les buts marocains, mais aussi les occasions ont été souvent la conséquence de mauvaises relances congolaises et de deuxièmes ballons (l’ouverture du score par Ounahi en est l’illustration parfaite).

L’autre changement d’homme, toujours du poste pour poste, a été la titularisation d’Ounahi à la place de Louza, qui est passé au travers à l’aller. Ounahi, c’était un sacré pari. Le garçon de 21 ans a joué deux matchs à la CAN du Cameroun, où il n’a guère brillé, mais il a été placé dans les couloirs. Cette fois, Vahid a eu le culot de lui confier les clés du jeu. Un pari risqué, pour ne pas dire fou. Et qui a marché!

En plus de marquer et de faire marquer, Ounahi a été ce maillon manquant à l’entrejeu marocain, avec ce petit plus technique, capable de mettre le pied sur le ballon, d’orienter le jeu, de faire jouer les autres. 

Ces changements d’homme ont donné une autre dimension au schéma de jeu de Vahid. Parce que l’animation a été différente, plus inspirée. Ajoutez à cela un pressing haut et des lignes rapprochées et vous obtenez un 3-5-2 parfait. Ou presque!

Au Mondial, il faudra oublier Masina, volontaire et travailleur mais limité, et trouver un piston gauche, un vrai. Un profil à la Mazraoui, tiens, qui est capable de prendre le couloir droit ou gauche! Mais, pour cela, il faudra que le garçon redevienne sélectionnable aux yeux de Vahid…

Il est sans doute indécent de s’en prendre à un entraineur qui vient de réussir brillamment une qualification au Mondial. Il faut, au contraire, le féliciter. Parce que cette qualification porte incontestablement sa signature.

Rendons donc à Vahid ce qui lui appartient. Il a réalisé son premier objectif, qui est la qualification. Bravo à lui. Mais le Maroc a désormais un nouvel objectif: celui de faire un bon Mondial et, pourquoi pas, de franchir le premier tour. Pour cela, il faut mettre tous les atouts de son côté, et faire en sorte que tous les bons joueurs redeviennent sélectionnables (le cas Ziyech, qu’on le veuille ou non, restera d’actualité).

Il faut rappeler qu’avant le Maroc, Vahid avait réussi l’exploit de qualifier trois autres nations à la Coupe du monde: l’Algérie, le Japon et la Côte d’Ivoire. Mais s’il est allé au bout avec l’Algérie, le Japon et la Côte d’Ivoire l’ont écarté bien avant le tournoi mondial. En cause: des problèmes relationnels, notamment avec certains joueurs, qui ont mené son groupe au bord de l’implosion…

Coach Vahid, en homme d’expérience, sait ce qu'il lui reste à faire s’il veut prendre part à un deuxième Mondial en tant qu’entraineur. C’est tout le mal qu’on lui souhaite, pour le bien de la sélection marocaine.