Vers quelle culture nationale au Maroc ?

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ChroniqueSi une société n’initie pas l’adulte à se déplacer à une bibliothèque, à un musée ou au théâtre, il est plus que probable qu'il préfèrera une série télévisée à un livre ou une expo.

Le 03/03/2016 à 12h12

Le monde traverse un moment de grande incertitude. Crises politiques, économique et de valeurs, chômage, extrémismes, refugiés, terrorisme, régression démocratique, réchauffement climatique… La planète change à une vitesse déconcertante. L'évolution du monde méditerranéen déroute. Les pays qui en font partie jouent leurs partitions de manière quasi autiste. Les représentations et les visions du monde sont contradictoires, inquiétantes et déplacées.

Cependant, ce moment de crise peut être aussi l’occasion de repenser nos modes de vie, de communiquer avec nous-même et avec l´autre, afin d’imaginer l´avenir. C’est un espace adéquat pour revendiquer la culture comme levier de développement humain et récupérer le débat sur les valeurs humanistes et citoyennes.

Au Maroc, outre une politique culturelle reflétant la diversité du pays, cette transition devrait nous inciter à repérer les vrais sujets de débat sur la culture nationale que nous voulons. Nous assistons à quelques actions convulsives intéressantes, mais elles ne répondent pas à une stratégie d´État, qui devrait commencer par l´école.

L’intégration de la culture obéit à une culture de la culture. Si une société n’initie pas l’adulte à se déplacer à une bibliothèque, à un musée ou au théâtre, et à éprouver du plaisir par cet acte, il est plus que probable qu'il préfèrera une série télévisée indigeste ou une émission sur Iqraa Tv, à la lecture de Abdellah Laroui ou à une expo de Giacometti. 

Ce travail n´a pas été fait. L´état de tristesse de nos musées, de nos centres culturels, de nos théâtres municipaux ou de nos maisons de jeunesse est alarmant. Quand ces lieux de culture ne sont pas vides, ils sont brimés et mal gérés. Leur architecture et hiératisme intimident le public qui a encore des problèmes avec un «ogre» psychologique appelé Makhzen. Accéder au Musée d'Art Moderne et Contemporain de Rabat est toute une aventure. Il a été conçu pour que le visiteur se casse la tête pendant dix minutes, juste pour trouver la bonne porte.

La cause nationale constitue un corps infrangible de 36 millions de défenseurs. Cependant, l´idée de l’armée virtuelle de M. Khalfi, ayant cessé d’être virtuelle au moment où il l´a rendue publique, est nécessaire. Le Maroc a besoin d´incitations pour communiquer et animer des débats nationaux sur la culture de la citoyenneté, de l´ouverture, du dialogue et de la participation.

Il est préférable bien sûr que ces activistes de la citoyenneté soient représentatifs de la pluralité des Marocains. Il est temps de dire aux gens que les musées leur appartiennent et sont là pour cultiver leurs sensibilités et leurs connaissances. De tous les citoyens et non pas d´une minorité qui use des musées et des galeries d´art pour se pavaner à la chaleur des petits fours - et si possible du champagne - durant les vernissages.

La Constitution de 2011 revendique les «valeurs d’ouverture, de modération, de tolérance et de dialogue pour la compréhension mutuelle entre toutes les cultures et les civilisations du monde». Nos lieux de cultures doivent être aussi des lieux immatériels capables de générer une sphère publique large, enracinant les principes transversaux d´ouverture, de liberté, d’égalité et de pluralisme. 

La valeur politique de la culture émane de la volonté d’articuler le «je» et le «nous». La culture peut répondre aux inquiétudes et aux rêves des peuples. Un système culturel est démocratique quand il garantit l’égalité de l´accès à la culture mais aussi quand il est capable de créer une égalité transversale à travers l´éducation et la culture.

Est-ce le cas au Maroc?

Par El Arbi El Harti
Le 03/03/2016 à 12h12