Alger pousse une caravane à une aventure périlleuse rien que pour traverser le poste frontalier avec la Mauritanie

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Une caravane de 47 camions algériens vient de débarquer divers produits locaux dans la capitale mauritanienne, où se tient actuellement une foire commerciale algérienne. Cette caravane met davantage en exergue le passage frontalier entre les deux pays que les produits exposés.

Le 25/10/2018 à 13h54

Depuis le 23 octobre, de nombreux opérateurs économiques algériens tiennent une foire commerciale à Nouakchott. La plupart des produits qu’ils sont venus exposer ont été convoyés par route. Une noria de camions, appartenant au transporteur routier public algérien, Logitrans, a ainsi eu à parcourir plus de 3.500 km. Mais cette traversée du grand désert a été si bien éprouvante qu’elle risque de ne pas être rééditée de sitôt, à moins que les instructions d’Alger n’incitent à un remake dangereux. C’est en tout cas ce qui ressort des témoignages recueillis par l’agence officielle algérienne de presse (APS) à Nouakchott auprès des chauffeurs de camions, remorques et semi-remorques ayant relié l’Algérie et la Mauritanie par route. Ces derniers n’ont pas hésité à égrener les nombreuses difficultés rencontrées.

Dans l’un de ces témoignages rapportés par l’APS, un «conducteur de l'un des camions composant cette caravane a dit que cette route constituait un véritable défi pour les opérateurs économiques, et nécessitait son aménagement et son entretien par les deux pays. Pour traverser cette route, il est impératif de recourir à un guide expérimenté pour éviter les tempêtes de sable, notamment en raison de l'absence d'éléments de signalisation et de signalétiques.» Ce n’est plus une route commerciale, mais une aventure périlleuse!

En plus des conditions climatiques inhérentes au désert (fortes chaleurs, vents de sable), de l’absence d’infrastructures dédiées au transport routier sur ce long trajet quasiment inhabité (stations-service, aires de repos, restauration…), il faut aussi signaler que quelque 800 km de la route reliant le nord mauritanien et le sud algérien ne sont pas encore bitumés…

Malgré toutes ces contraintes subies par cette caravane durant les quelque 10 jours de sa traversée, l’APS laisse croire qu’il s’agit plutôt d’une réussite dont le mérite reviendrait, selon elle, à l’ouverture, le 19 août dernier, du passage frontalier entre la Mauritanie et l’Algérie. Pour minimiser donc cette longue et pénible durée du voyage, l’agence gouvernementale algérienne sort un argument qui ne convainc guère. A savoir que les produits algériens prenaient auparavant jusqu’à 40 jours pour arriver en Mauritanie, pourtant voisin immédiat du sud, après avoir transité par des ports espagnols et maltais!

Reste maintenant à savoir pourquoi l’Algérie, dont plus de 95% des exportations sont dépendantes des hydrocarbures, s’entête à écouler en Mauritanie des produits très peu compétitifs et déjà disponibles à profusion sur les marchés ciblés (fruits et légumes, électronique, détergents, plastique, matériel agricole et dattes)? La même question se pose quant au bien-fondé de la mise en service prématurée du poste frontalier mauritano-algérien, qui ne devait intervenir qu’après la construction de la fameuse route Tindouf-Choum, promise par l’Algérie depuis des décennies, mais jamais réalisée.

Difficile de ne pas conclure, eu égard aux doléances des camionneurs poussés à une rude épreuve, que considérations politiques, et non économiques, sous-tendent cette subite stratégie d’«exportation des produits algériens vers la Mauritanie et l’Afrique de l’Ouest» et le fait d’emprunter un passage frontalier en défiant 800 km non bitumés. En effet, la nouvelle politique viserait d’abord à mettre des bâtons dans les roues des deux voisins maghrébins (Tunisie et Maroc surtout) dont les entreprises et les produits ont pignon sur rue en Afrique subsaharienne. Elle intervient à un moment particulier, celui où les prix du pétrole repartent à la hausse.

En effet, comme vient de l’annoncer clairement Saïd Djellab, ministre algérien du commerce, en visite à Nouakchott, son pays compte actionner la pompe à subventions étatiques pour soutenir les exportations de son pays. Un dumping commercial à peine déguisé. L’objectif non avoué de l’ouverture du poste frontalier mauritano-algérien serait finalement d’alimenter les marchés subsahariens avec des produits algériens, de mauvaise qualité certes, mais très bon marché car grassement subventionnés avec les pétrodollars. Cette stratégie fait toutefois des dégâts aussi bien du côté des camionneurs algériens transformés en aventuriers que du Polisario. Dans cette guerre commerciale, les dirigeants du Polisario n’arrivent plus à vendre en Mauritanie les aides internationales détournées, pour cause d’instauration de droits douanes élevés par la Mauritanie au poste frontalier avec l’Algérie.

Par Mohammed Ould Boah
Le 25/10/2018 à 13h54