Algérie: Ali Benflis met en garde le régime de Bouteflika contre "un délitement institutionnel généralisé"

Ali Benflis, ancien chef de gouvernement algérien (2000-2003).

Ali Benflis, ancien chef de gouvernement algérien (2000-2003). . dr

Ali Benflis, ancien chef de gouvernement, a réuni le bureau politique de son parti "Talaie El Hourriyet" le 1er juillet à Alger, pour examiner la situation du pays. "L'Algérie est aux limites du délitement institutionnel généralisé", alerte-t-il dans le cadre d'un diagnostic sans complaisance.

Le 03/07/2017 à 13h44

Une nouvelle mise en garde contre la déliquescence de l'Etat algérien vient d'être lancée par le parti d'Ali Benflis, qui s'est présenté contre Abdelaziz Bouteflika lors de la présidentielle de 2014. Dans sa déclaration sanctionnant la réunion du bureau politique (BP) de son parti, "Talaie El Hourriyet", tenue le 1er juillet courant, le parti a brossé un tableau noir de la situation en Algérie. Une situation qui ne semble toutefois pas inquiéter le nouveau Premier ministre, Abdelmajid Tebboune, dont "le plan d'action n’était manifestement pas à la hauteur de la gravité exceptionnelle des crises politique, économique et sociale auxquelles le pays est confronté", déplore la formation de l'ancien chef de gouvernement Ali Benflis (2000-2003), cité par notre confrère "le Matin d'Algérie".

"Le plan d’action gouvernemental ne fait pas figure d’exception dans la lignée de ceux qui l’ont précédé (...) Il s’inscrit dans une logique de fuite en avant; tout comme eux, il élude soigneusement les réalités qui dérangent; et tout comme eux il effectue des diagnostics erronés qui ne peuvent avoir un autre sort que celui de déboucher sur des solutions illusoires", a relevé le BP du parti.

Pour rappel, "Talaie El Hourriyet" a boycotté les élections législatives de mai dernier, précisant que "le scrutin n'aura aucun sens dès lors qu'il y aura fraude et que l'opposition ne pourra pas se faire entendre au sein du Parlement". Un avis partagé par la majorité écrasante du peuple algérien, pour lequel Abdelmalek Sellal ou Abdelmajid Tebboune, c'est blanc bonnet et bonnet blanc (Hadj Moussa ou Moussa Hadj, comme disent les citoyens algériens).

Pour le parti d'Ali Benflis, le "plan d'action" du nouveau gouvernement ne serait ni plus ni moins qu'un "recyclage de vieilles ficelles". "Sans imagination, le gouvernement Tebboune remet au goût du jour les recettes éprouvées par le passé", selon le communiqué du parti. "Un plan d’action gouvernemental bâti dans le contexte d’une impasse politique totale compromet automatiquement ses chances les plus optimistes de mise en œuvre si ses auteurs persistent à ignorer la réalité de cette impasse politique, à refuser de la regarder en face et à en nier jusqu’à l’existence".

"Cette impasse politique est au cœur de la crise systémique globale dont souffre le pays et rien de performant, de prometteur ou de durable ne sortira d’une démarche d’évitement ou de contournement de cette impasse politique qui est parvenue aux limites du délitement institutionnel généralisé de l’Etat", pointe le parti d'Ali Benflis évoquant "la marge de manœuvre proche de zéro" pour le nouveau gouvernement. 

Une marge de manœuvre réduite à néant tant sur les plans politique qu'économique. Abdelmadjid Tebboune et son cabinet ne sont pas disposés en effet à prendre les mesures les plus vigoureuses pour remettre l'économie sur pied. "Alors qu’il accomplit ses premiers pas, le nouveau gouvernement ne semble pas se distinguer de son prédécesseur qu’il s’agisse de la vision, de la méthode ou de la démarche. En effet, la vision dominante dans le plan d’action demeure dans une très large mesure purement comptable et réduit la crise économique actuelle à un étau financier qu’il s’agit de desserrer en ignorant tous les dysfonctionnements structurels où prend racine l’échec économique national patent et injustifié", relève le BP de "Talaie El Hourriyet".

Enfin, pour le parti, l'objectif est clair: "La démarche est celle de continuer à tenir à l’écart les indispensables réformes structurelles qui exigent du courage et une volonté politique qui manquent à un régime pour lequel rien ne compte plus que d’entretenir le statu quo qu’il considère comme la condition nécessaire et suffisante pour sa pérennité et sa survie".

Vous avez bien lu: un régime pour lequel rien ne compte plus que sa survie. Mais là, il n'est pas certain que ce régime autarcique, grabataire et de surcroît en rupture de ban, puisse survivre. Les rapports internationaux sont unanimes à constater que le pronostic vital de ce régime est sérieusement engagé.

Par Ziad Alami
Le 03/07/2017 à 13h44