Crise entre la Turquie et les Pays-Bas, Erdogan crie encore au "nazisme"

Le président turc, Recep Tayyip Erdogan.

Le président turc, Recep Tayyip Erdogan. . DR

L'interdiction faite au ministre turc des Affaires étrangères d'atterrir aux Pays-Bas pour y mener campagne en faveur du président turc a viré à la crise diplomatique samedi, Recep Tayyip Erdogan accusant La Haye d'entretenir des "vestiges du nazisme".

Le 11/03/2017 à 20h50

Les Pays-Bas en pleine campagne électorale ont annoncé qu'ils "retiraient les droits d'atterrissage" de l'avion qui aurait dû conduire Mevlut Cavusoglu sur leur sol. "Les autorités turques ont menacé publiquement de sanctions. Cela rend impossible la recherche d'une solution raisonnable", a expliqué le gouvernement néerlandais.

La décision de La Haye a suscité l'ire du président Recep Tayyip Erdogan qui a dénoncé des "vestiges du nazisme", des propos qualifiés de "fous" et "déplacés" par le Premier ministre néerlandais Mark Rutte.

En revanche, et à rebours de la décision de La Haye, les autorités locales ont "confirmé" la venue de M. Cavusoglu dimanche à Metz, dans l'est de la France, pour un meeting. L'avion du chef de la diplomatie turc "a décollé" pour la France samedi, selon un responsable turc parlant sous condition de l'anonymat. En théorie, il doit également se rendre dimanche à Zurich, en Suisse.

M. Cavusoglu avait défié samedi matin les autorités néerlandaises en maintenant une visite prévue à Rotterdam dans le cadre de la campagne du référendum prévu en Turquie le 16 avril sur le renforcement des pouvoirs présidentiels, et en les menaçant de "lourdes sanctions" si elles l'empêchaient de venir. Il devait assister à un meeting.

Mais le gouvernement néerlandais avait fait savoir jeudi son opposition à cette visite, et le meeting avait été annulé dès mercredi par le maire de Rotterdam - au motif de l'indisponibilité du gérant de la salle.

M. Erdogan a également laissé entendre que la Turquie riposterait en interdisant aux responsables néerlandais d'atterrir sur son territoire mais n'empêcherait pas "les visites de citoyens" néerlandais.

Moins violent que le chef de l'Etat, M. Cavusoglu, s'exprimant depuis Istanbul, a jugé "inacceptable" l'interdiction qui lui a été faite. Et dans la métropole turque, une cinquantaine de manifestants se sont rassemblés devant le consulat des Pays-Bas pour inciter le gouvernement turc à "'tenir bon".

La Turquie a convoqué le chargé d'affaires néerlandais à Ankara en signe de protestation, selon un responsable du ministère turc des Affaires étrangères qui a requis l'anonymat.

D'après l'agence progouvernementale Anadolu, la ministre turque de la Famille, Fatma Betül Sayan Kaya, comptait se rendre à Rotterdam par la route, depuis Dusseldorf (Allemagne).

A Rotterdam, la police a fermé la rue où se trouve le consulat de Turquie, invoquant "des informations selon lesquelles un certain nombre de personnes comptent s'y rassembler". Les autorités ont toutefois dit ignorer si Mme Sayan Kaya y était attendue.

L'exécutif turc mise énormément sur sa campagne en Europe pour toucher les Turcs de la diaspora. Aux Pays-Bas vivent ainsi près de 400.000 personnes d'origine turque.

"Les Pays-Bas ne veulent pas" que la visite du ministre Cavusoglu ait lieu, avait expliqué jeudi le chef de la diplomatie Bert Koenders. "Nous ne participerons pas à la visite d'un responsable gouvernemental turc qui veut mener une campagne politique pour le référendum. Par conséquent, nous ne coopérerons pas. Aucun des moyens habituels fournis pour une visite ministérielle ne seront accordés".

La Haye et Ankara discutaient depuis lors pour trouver "une solution acceptable", "il y avait une concertation en cours pour voir si les autorités turques pouvaient déplacer le rassemblement et lui donner un caractère privé, à petite échelle dans le consulat turc ou l'ambassade", a précisé samedi le gouvernement néerlandais.La crise entre les Pays-Bas et la Turquie survient à quelques jours du scrutin législatif néerlandais mercredi, au terme d'une campagne où l'islam a été un thème majeur. Le parti du député anti-islam Geert Wilders est donné en deuxième place par les derniers sondages.

La campagne lancée en Europe auprès de la diaspora turque est à l'origine de tensions entre plusieurs pays et la Turquie, à commencer par l'Allemagne, en raison de l'annulation par plusieurs villes allemandes de rassemblements pro-Erdogan.

Celui-ci avait accusé le 5 mars l'Allemagne de "pratiques nazies", des propos qui avaient suscité la colère à Berlin et à Bruxelles. Mais la chancelière Angela Merkel avait appelé à "garder la tête froide".

L'Allemagne compte la plus importante communauté turque au monde hors de Turquie, avec 1,4 million de personnes.

Le 11/03/2017 à 20h50