Venezuela: nouveaux heurts entre opposition et police lors d'une manifestation

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Des heurts avec les forces de l'ordre ont à nouveau éclaté samedi à Caracas lors d'une manifestation qui a rassemblé des milliers d'opposants au président vénézuélien Nicolas Maduro, la quatrième en une semaine dans ce pays en pleine crise politique et économique.

Le 09/04/2017 à 08h00

Dans le quartier de La Campiña, les quelque 4.000 manifestants ont été empêchés d'avancer par les policiers et la garde nationale (militaires) qui ont utilisé des gaz lacrymogènes, des canons à eau et des balles en caoutchouc pour les contenir, selon les journalistes de l'AFP sur place.

Certains d'entre eux, visage couvert, ont répliqué en lançant des pierres. Aucun blessé n'a été recensé officiellement mais des journalistes de l'AFP ont constaté que deux policiers avaient été atteints par des cocktails Molotov.

Les affrontements ont éclaté quand les manifestants ont tenté de se rendre dans le centre de la capitale, où se trouvent les institutions contrôlées par le chavisme (du nom de l'ancien président Hugo Chavez, 1999-2013), qui a la mainmise sur l'ensemble des pouvoirs, hormis l'Assemblée où l'opposition est majoritaire.

Les heurts, qui ont fait 17 blessés selon le maire du district, ont duré près de trois heures avant que les opposants ne se dispersent.

Selon l'ONG Criminal Justice Forum, 51 personnes ont été interpellées, dont 17 ont été relâchées un peu plus tard. Le chef des services de renseignement a quant à lui annoncé l'arrestation de dirigeants "d'une cellule fasciste terroriste" pour avoir organisé cette manifestation.

Dans le centre de la capitale, les partisans de Nicolas Maduro défilaient eux aussi, dans le cadre d'un événement baptisé "grande fête culturelle, sportive et récréative".

Du côté de l'opposition, c'est la colère qui dominait, au lendemain de la sanction infligée à l'un de ses leaders, Henrique Capriles, principal rival de Nicolas Maduro qui l'avait battu de peu lors de la présidentielle de 2013.

L'organisme public chargé de contrôler l'action des fonctionnaires lui a imposé "une sanction d'inéligibilité pour des mandats publics pour une période de 15 ans", l'écartant de fait de l'élection de 2018, pour laquelle il était déjà candidat aux primaires de son parti.

Selon cet organisme, la sanction répond à des "irrégularités administratives" durant la gestion de M. Capriles en tant que gouverneur de l'Etat de Miranda (nord), poste qu'il occupe actuellement.

Cette mesure intervient dans un climat de forte tension au Venezuela et d'exaspération de la population, dans ce pays dont l'économie s'est effondrée avec la chute des cours du pétrole, son unique richesse.

"Les gens en ont marre de tant de corruption, de la faim et de la misère", confiait samedi à l'AFP une manifestante, Vanessa Garcia, étudiante en optique de 37 ans.

"Ils croient qu'en rendant Capriles inéligible ils vont le faire taire, mais ça va être tout le contraire, c'est maintenant que la lutte commence", a déclaré à AFP Aixa Hernández, agent immobilière de 55 ans, alors que dans le cortège, beaucoup brandissaient le portrait de l'opposant politique de 44 ans.

"On verra bien qui rira le dernier! Nous nous verrons dans les rues du Venezuela, @nicolasmaduro, il n'y aura pas de répit", a d'ailleurs promis sur Twitter M. Capriles. Il a affirmé qu'il ferait appel de la sanction.

Jeudi, le chef de l'Etat avait fortement critiqué cette figure des antichavistes, estimant qu'il était "fini politiquement".

L'opposition, qui cherche à obtenir le départ anticipé du président socialiste, âgé de 54 ans et très impopulaire dans le pays, a appelé à de nouvelles manifestations la semaine prochaine.

Jeudi, quelque 10.000 opposants avaient défilé contre le pouvoir à Caracas. Lors de violentes échauffourées avec la police, un jeune homme de 19 ans avait été tué, 19 personnes blessés et 30 autres interpellées.

La crise politique, née de la victoire de l'opposition de centre droit aux législatives de fin 2015, qui a mis fin à l'hégémonie chaviste, s'est enflammée ces derniers jours quand la Cour suprême, réputée proche du président, s'est brièvement arrogée les pouvoirs du Parlement, déclenchant un tollé international qui l'a poussée à faire machine arrière.

L'opposition, réunie dans une vaste coalition, la MUD (Table pour l'unité démocratique), crie à la tentative de coup d'Etat.

Le Venezuela en a déjà connu trois depuis 1992 et, dans ce pays qui est l'un des plus violents au monde, de vastes manifestations contre le pouvoir en 2014 avaient fait officiellement 43 morts.

Le 09/04/2017 à 08h00