Al Hoceima. La grande cacophonie partisane

MAP

Une grande cacophonie s'installe au sein des partis politiques au sujet des événements d'Al Hoceima. Souvent, les élus locaux de ces partis s'inscrivent en faux contre la position de leurs formations. Divorce entre les centrales et les antennes régionales des partis? Décryptage.

Le 27/06/2017 à 17h24

Des élus appartenant à différents partis politiques sont de plus en plus nombreux à exprimer des avis contradictoires avec les positions de leurs formations au sujet des événements d'Al Hoceima. Une cacophonie dont les dirigeants partisans sont les premiers responsables et qui vient mettre en évidence la gestion catastrophique par ces mêmes partis des manifestations que connaît cette province ces derniers mois.

PJD, PAM, Istiqlal, USFP ont, entre autres partis, péché par un manque flagrant de clarification par rapport à leur positionnement, à la faveur d'un flou savamment exploité par certains élus à des fins d'auto-propagande au détriment des intérêts du pays. C'est le cas d'un élu USFP dénommé Mekki Elhannoudi, président de la commune rurale "Louta" relevant de la province d'Al Hoceima.

Dans un message posté sur son compte Facebook, l'intéressé, cité ici à titre strictement indicatif, s'en est pris sans autre forme de procès au "Makhzen lâche" qu'il accuse de commettre des "crimes horribles contre la population du Rif malgré notre pacifisme reconnu par le monde entier". L'intéressé impute au "Makhzen" -au nom duquel il dirige cette commune rurale de près de 7.000 habitants- une "attaque tatare perpétrée le jour de l'Aïd al-Fitr!" Aux dernières nouvelles, l'intéressé appelle aujourd'hui ses collègues élus d'Al Hoceima à présenter, mercredi 28 juin, "une démission collective", prenant sur lui d'être "le premier à rendre le tablier!"

La sortie de l'élu USFP à Al Hoceima, comme celles d'élus d'autres partis, réinterroge le statut même de leurs auteurs qui, en vertu de la loi, devraient être eux-mêmes interpellés sur leur responsabilité en tant qu'élus envers la population qu'ils sont censés défendre, sur leurs obligations envers le parti qu'ils sont supposés représenter et sur leurs devoirs envers la patrie où ils jouissent de tous leurs droits.

Seulement voilà, que font les partis pour encadrer ou, le cas échéant, recadrer leurs élus? Des membres dirigeants à l'USFP contactés par le360 ont réprouvé le comportement de leur collègue à Al Hoceima. Ils ont qualifié d'"irresponsables" ses propos enflammés. "La déclaration de Mekki Elhannoudi entre dans le cadre des surenchères individuelles", précise un membre du bureau politique de l'USFP, qui a souhaité ne pas être cité. "Cette déclaration n'engage en rien la position officielle de l'USFP", indique-t-il encore.

Simplement, la direction de l'USFP, à l'instar d'autres partis, tarde à mettre les points sur les i en mettant ses élus devant leurs responsabilités et en leur intimant de se conformer à la position de leurs partis. Mais à cela, il semble qu'il y ait une raison. "Le Bureau politique ne s'est pas encore réuni depuis son élection à l'issue du dernier congrès", explique notre source. "L'USFP soutient le droit de la population à exprimer ses revendications et en appelle au respect de ce droit. Mais l'expression de ce droit doit se faire pacifiquement", indique encore notre source, condamnant "tout acte de violence, quel qu'il soit et sous quelque forme que ce soit, contre les forces de l'ordre".

Le même son de cloche a été relevé chez un autre dirigeant à l'USFP. "Il y a une règle d'or appliquée à tous les partis politiques, au Maroc comme ailleurs, qui veut que la position officielle de chaque formation soit exprimée par le secrétaire général du parti", explique-t-il. Un autre estime que "la position du parti est exprimée officiellement via un communiqué de presse". "Il se trouve parfois que des membres zélés d'un parti s'inscrivent en porte-à-faux et expriment une opinion individuelle qui n'engage en rien la position officielle du parti", relève-t-il, dénonçant l'excès de zèle de certains élus.

Un excès de zèle qui n'aurait d'égal que le désir ardent de certains parvenus de privilégier leurs intérêts personnels plutôt que les intérêts de la nation. La récupération politique des projets sociaux lancés dans telle ou telle commune s'inscrit dans cette optique. Le communiqué de la Maison royale, du Protocole et de la Chancellerie a été on ne peut plus clair pour mettre en garde contre ce genre d'agissements. Dans un passage de ce communiqué, diffusé à l'issue du Conseil des ministres présidé par le roi dimanche dernier, il est en effet écrit: «le Roi a mis l’accent sur la nécessité d’éviter la politisation des projets sociaux et de développement réalisés ou leur exploitation à des fins étroites». Un message clair et net est ainsi adressé à certains partis politiques appelés à mettre de côté leurs diatribes partisanes et à faire prévaloir les intérêts de la patrie.

Par Ziad Alami et Mohamed Chakir Alaoui
Le 27/06/2017 à 17h24