Cembrero conseille à l’Espagne de laisser courir les terroristes

Le journaliste espagnol Ignacio Cembrero.

Le journaliste espagnol Ignacio Cembrero. . DR

Dans le quotidien El Mundo, Cembrero conseille à l’Espagne de cesser toute collaboration sécuritaire avec le Maroc, au motif de non respect par le Maroc des droits de l’Homme. La proximité d'El Mundo avec le gouvernement Rajoy peut porter le Maroc à reconsidérer bien des choses.

Le 30/09/2014 à 20h32

"Quand le sage montre la lune, l'idiot regarde le doigt". Ce vieux proverbe chinois s'applique à la perfection au journaliste espagnol d'"El Mundo", Ignacio Cembrero, qui vient de nous prouver jusqu'à quel point la haine et la rancœur qu’il a envers le Maroc conditionnent ses positions à l’encontre de ce pays et l'empêchent d'appréhender dans leur globalité les enjeux sécuritaires régionaux.

La dernière marque de son hostilité chronique contre le royaume, qui a été perpétrée sur les colonnes du quotidien de droite espagnole "El Mundo", se résume en un curieux plaidoyer pour ne plus coopérer avec le service de contre-espionnage marocain, la DST, dans le cadre de la circonscription de la "forte menace terroriste" qui guette l'Espagne et ce, avance-t-il, parce que les services marocains ne seraient pas "en odeur de sainteté en ce qui concerne le respect des droits de l'Homme". Le journaliste qui ne se console pas d’avoir perdu son accréditation au Maroc et tous les avantages qu’il en tirait oublie bien volontiers son rôle d’informer et d’analyser quand il le peut pour revêtir le costume de conseiller qui harangue son pays de cesser toute collaboration sécuritaire avec son voisin.

Pour chercher un semblant d’arguments à ses dires, Cembrero se base sur les nombreuses plaintes fallacieuses déposées contre le patron du contre-espionnage marocain devant les tribunaux parisiens par l'ONG française de lutte pour l'abolition de la torture (ACAT) et l'adoption du cas du terroriste Ali Aarrass par "Amnesty International", dans le cadre de sa campagne mondiale contre la torture dans cinq pays, dont le Maroc.

Il serait fastidieux de s’attarder sur les soubassements évidents d’une position chroniquement haineuse du Maroc et des commanditaires de l'ombre, largement identifiés, qui ont incité Cembrero à s’ériger en expert qui dicte la voie à suivre à l’Espagne en matière de lutte contre le terrorisme. Par contre, il est plus judicieux d'analyser les réactions que pourraient vraisemblablement susciter au Maroc la publication d'un tel article par l'organe de presse du parti au pouvoir en Espagne et dont le contenu "diplomatiquement outrancier" est à même d'être très légitimement interprété par tous les Marocains, comme reflétant la position officielle du gouvernement Rajoy.

Dans un tel cas de figure, les autorités marocaines seraient tout à fait en droit de devenir perplexes, quant à l'opportunité pour le Royaume de poursuivre son engagement dans le cadre de la coopération sécuritaire anti-terrorisme avec son voisin ibérique, où les dirigeants sont satisfaits, à juste raison : "aucune attaque jihadiste ne s’est produite depuis le 11 mars".

Les instances compétentes du royaume pourraient, par exemple, estimer que Cembrero exprime le point de vue autorisé des responsables espagnols, lorsqu'il affirme que "la flamme du radicalisme a à peine pris au sein du million et demi des musulmans résidant en Espagne et que les 51 parmi eux (dont certains habitaient non pas à Sebta et Melilla, mais bien à Malaga au sud et Gerona en catalogne), qui se sont rendus en Syrie et en Irak pour mener le jihad, incarnent un nombre "ridicule" par rapport aux 930 qui sont sortis de France, les plus de 400 du Royaume-Uni ou les 250 d'un pays aussi petit que la Belgique.Dans ce cas, Rabat devrait désormais ignorer le ton alarmiste des déclarations publiques du ministre espagnol de l'Intérieur Jorge Fernandez Diaz, qui avait prévenu en Mars dernier, à l'occasion des commémorations des attentats du 11 mars 2004, à Madrid, que "l'Espagne fait partie des objectifs stratégiques du jihad global", comme en témoignent les 472 jihadistes arrêtés sur le territoire ibérique depuis cette dernière date.C'est certainement avec plus de circonspection que le Maroc envisagera ses prochaines participations aux opérations conjointes avec l'Espagne, qui ont permis pour la seule période de mars a septembre 2014, de démanteler trois cellules terroristes dangereuses qui recrutaient des jihadistes pour l'"Etat Islamique", entre Melilla, Sebta, Nador, Fnideq et …même Malaga, dont deux cerveaux sur trois jouissent de la nationalité espagnole.Mais les marocains sont connus pour ne jamais trahir leurs obligations internationales, quand bien même ils peuvent être regrettablement déçus par l'attitude ingrate et sournoise de certains de leurs partenaires étrangers. Bien au contraire, le Royaume refuse d'insulter l'avenir, autant qu'il demeure convaincu de l'importance stratégique de développer des relations synergiques avec l'Espagne, afin que Sebta et Melilla ne constituent plus cet "épicentre exclusif de la menace terroriste", qui n'en finit pas de donner des sueurs froides à l'exécutif ibérique, surtout lorsqu'il est d'obédience de droite.C'est précisément pour cela que le Maroc, qui a parfaitement capté les non-dits du message émanant de son voisin ibérique, tel qu'il lui a été communiqué par son nouveau porte-parole officiel, Ignacio Cembrero, reste en fin de compte entièrement disposé à satisfaire cette volonté espagnole explicite de mettre un terme à la coopération sécuritaire avec la DST.La raison de ce choix est bien simple, dans la mesure où cela permettra de consolider, comme jamais auparavant, l'harmonieuse "osmose qui règne entre les jeunes bidonvillois de Sebta et Melilla et ceux des villes marocaines frontalières" et contribuera efficacement à ce que l'Espagne soit définitivement immunisé contre le risque de "contamination par un environnement jihadiste"… une fois qu'elle aura irréversiblement recouvert ses frontières naturelles en restituant au Maroc les deux présides de Sebta et Melilla. Cela est d'autant plus vrai, que le service de contre espionnage marocain, qui a acquis ces dernières années une efficacité mondialement reconnue, n'a aucune crainte à élargir d'une trentaine de km² son périmètre d'action actuellement formé par "le triangle Fnideq, Tetouan et Tanger", qui selon "El Portavoz" Cembrero, constituerait un "vivier de recrutement des candidats marocains au jihad, bien plus important que la banlieue de Casablanca".

En clair, qu'il s'agisse de Cembrero ou de n'importe quel autre gugusse en Espagne ou ailleurs, à qui l'on soufflera de faire "la fine bouche" avec les Marocains, ces derniers n'auront aucun scrupule à leur répliquer en "jetant le bébé avec l'eau du bain". L’on sait que les Marocains n'ont jamais éprouvé de difficulté à regarder au-delà même de la lune, lorsqu'on s'aventure à la leur montrer du doigt. Comme dit l'adage "un Etat averti en vaut deux".

Par Mohamed Chakir Alaoui
Le 30/09/2014 à 20h32