Indignez-vous, c’est bon pour la santé!

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ChroniqueLa réaction des Marocains après le drame d’Al Hoceima prouve que quelque chose fonctionne encore, que tout n’est pas mort. Dieu merci!

Le 05/11/2016 à 18h30

Ce qu’on va retenir du drame d’Al Hoceima, c’est cette image extraordinaire d’un homme broyé par la machine de compactage d’une benne à ordures. Les circonstances du drame, les enquêtes et les contre-enquêtes ne vont rien y changer. Mon Dieu, quelle image!

Nous pouvons arrêter les coupables et les juger, cela atténuera notre colère et le sentiment d’injustice qui nous habite. Mais nous ne pourrons pas effacer cette image, ni la changer.

C’est le genre d’image qui vous fait lever en pleine nuit pour pleurer.

Si quelqu’un vous demande ce qu’est la "hogra", ce concept intraduisible par les mots, montrez-lui cette image et laissez cette image parler. Laissez-là raconter la culture de l’injustice, de l’arbitraire. Laissez-là allumer des feux à l’intérieur de l’être humain en face de vous. Laissez-là réveiller ses blessures, ses traumatismes d’enfant. Laissez-là dire ce qui a été oublié. 

Depuis une semaine, nous avons vu que des milliers de Marocains sont sortis manifester leur indignation. Personne ne leur a demandé de crier dans la rue. Ils sont sortis parce que leur dignité d’êtres humains a été touchée, blessée.

Beaucoup de slogans ont été chantés dans la rue, mais il y en a un que nous entendons au fond de nous-mêmes: nous avons un cœur, nous ne pouvons pas être insensibles au sort de nos semblables.

J’ai vu à la télévision quelqu’un dire une phrase qui est très belle et très juste: «Je sais que Dieu existe parce que j’éprouve de la compassion pour mes semblables». La personne qui s’exprimait ainsi n’est pas marocaine, elle ne commentait pas le drame d’Al Hoceima mais des questions plus existentielles. Mais ce qu’elle dit, même sorti de son contexte, reste beau. La compassion, l’indignation, c’est tout ce qui nous reste. C’est ce qui nous lie encore les uns aux autres. C’est un bien précieux, irremplaçable, nous serions fous de le perdre.

L’indignation est une thérapie. C’est comme un médicament qui s’appelle la foi: en l’humain et en cette force supérieure qui nous unit. Si on perd ce médicament, on perd tout.

Au Maroc, nous savons ce que cela veut dire. Nous avons traversé des décennies difficiles, nous avons souffert, beaucoup sacrifié, pour préserver cet humain en nous. Cela n’a pas été facile et il nous est arrivé de douter. Parce que le respect de la dignité humaine n’a pas toujours été au rendez-vous.

Alors indignez-vous, c’est bon pour la santé. Cela rappelle que quelque chose fonctionne encore, que tout n’est pas mort.

Par Karim Boukhari
Le 05/11/2016 à 18h30