Quand David fait comme Goliath !

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ChroniqueContrairement à ce que nous dit un vieil adage, il ne sert à rien de combattre le mal par le mal.

Le 30/04/2016 à 17h36

La lutte entre le bien et le mal s’est toujours résumée à un combat entre le puissant et le faible, le riche et le pauvre, le grand et le petit. Les textes religieux qui ont accompagné l’histoire de l’humanité ont repris cette idée, pour lui donner un sens et une morale. C’est l’histoire de David et Goliath, et cette histoire a marqué l’humanité parce que sa fin est heureuse, et surtout très morale : le faible peut triompher du fort, mais seulement quand son combat est juste.

Au Maroc, la représentation la plus courante de ce combat de David contre Goliath, et de cette lutte entre le bien et le mal, reste l’image du citoyen en prise avec l’autorité. Un fait-divers vient de nous le rappeler, et de la manière la plus spectaculaire. Je vous le raconte dans les grandes lignes, parce que ce cas est exemplaire.

A Deroua, une petite localité au sud de Casablanca, un jeune couple a besoin d’une autorisation pour construire une nouvelle pièce dans sa maison. Ce droit est bien sûr légitime, mais il est assorti de certaines conditions.

La situation est classique. Le permis de construire est une sorte de clé de voûte dans la « lutte » qui oppose depuis des décennies le citoyen marocain à l’agent d’autorité. Les demandes sont souvent légitimes, mais les refus aussi ! Parfois, pour sortir de l’impasse et accélérer les choses, le permis est obtenu moyennant une contrepartie financière. C’est ce qu’on appelle le bakchich. La corruption. Classique, donc. Et tant pis si, quelque temps plus tard, comme c’est souvent le cas, on se retrouve avec de nouveaux effondrements d’immeubles ou de bâtisses qui n’auraient jamais du obtenir le fameux permis de construire.

Revenons à Deroua. Notre couple soudoie un moqaddem et obtient la fameuse autorisation. Le caïd, qui a eu vent de l’histoire, fait signer au couple une sorte de lettre de reconnaissance, par lequel les deux malheureux avouent avoir soudoyé le moqaddem. 

A partir de là, nous basculons dans des enchainements sans fin. Le caïd exerce un chantage sur le couple. Pour fermer l’œil, il demande à la jeune épouse une compensation sexuelle. La femme accepte mais tend un piège au caïd : elle le filme, avec l’aide de son mari en embuscade. C’est le caïd, désormais, qui est au cœur du chantage qu’il avait pourtant initié !

Au final, nous avons un résultat spectaculaire : une vidéo sexuelle qui fait le tour de la toile, des chantages à tous les étages, des procès et des contre-procès, un caïd radié de sa fonction, et un jeune couple en prison !

Ce petit fait-divers est extraordinaire parce que, tour à tour, et parfois dans le même temps, les parties concernées sont victimes et coupables à la fois. A partir d’une situation de départ simple et limpide (une demande légitime de permis de construire), chacun a outrepassé ses droits pour essayer de se défendre en tirant parti des faiblesses de l’autre, et en faisant appel à des moyens peu orthodoxes.

Ou comment David a combattu Goliath, mais en essayant de l’imiter au lieu de s’appuyer sur la justesse de sa cause. Goliath est à terre, mais David aussi !

Cela fait penser à la célèbre phrase de Tolstoï : "Ce n'est pas la violence, mais le bien qui supprime le mal ». A méditer !

Par Karim Boukhari
Le 30/04/2016 à 17h36