Halte aux crimes sur les routes

Famille Ben Jelloun

ChroniqueOn l’a assez dit: les routes marocaines sont meurtrières. Pour avoir circulé cet été sur ces routes, la peur au ventre, je souhaite en tant que simple citoyen, faire des propositions concrètes afin de lutter contre ce fléau.

Le 26/08/2019 à 11h00

J’apprends que le Comité national de prévention des accidents de la circulation (CNPAC) a été remplacé par l'Agence nationale de la sécurité routière (ANSR). Qu’importe le nom donné à cette instance, pourvu que la volonté soit forte pour mettre fin à l’hécatombe routière.

La manière dont on se conduit sur les routes relève évidemment de notre manque d’éducation et de l’absence de respect de la loi. Le juridique n’arrive pas à s’installer dans nos habitudes et nos comportements. On fait avec la voiture ce qu’on fait ailleurs: fraude, passe-droit, égoïsme, arrogance et recours parfois à la violence. Sauf que là on joue avec sa propre vie et celle des autres.

J’ai vu des jeunes sur des motos puissantes, sans casques.

J’ai vu des berlines doubler dans des virages.

J’ai vu un camion ne pas respecter le panneau stop.

J’ai vu des véhicules sortir de la ligne continue et rouler complètement à gauche.

J’ai vu des adolescents faire des rodéos sur des routes étroites.

J’ai vu des automobilistes fumer et téléphoner en même temps et rouler vite.

J’ai vu aussi des corps déchiquetés dans des voitures compressées comme une sculpture de César.

J’ai vu tant d’infractions, tant d’incivilités, tant de mépris que j’ai renoncé à vouloir faire la leçon aux uns et aux autres. 

Les campagnes de préventions qui sont diffusées sur les radios et les télévisions sont d’une grande naïveté. Je me souviens d’une publicité pour le port du casque: une moto et une pastèque éparpillée sur le sol. C’était assez parlant. Malheureusement elle n’a été suivie d’aucun effet.

Prenons les choses à la base:

– L’obtention du permis devrait obéir à une grande rigueur. C’est un examen, pas l’occasion d’améliorer les fins de mois. La lutte contre la corruption commencerait là.

– Les agents de la police et de la gendarmerie devraient être choisis pour leur intégrité. Toute faute devrait être sanctionnée. Pas de faveur. Pas de laxisme. J’ai vu des panneaux où on indique la présence de radars. Encore faut-il qu’ils fonctionnent et faire payer ceux qui font de l’excès de vitesse, responsable dans la majorité des cas d’accidents mortels.

– Généraliser l’alcootest. Je sais, on est un pays musulman, mais l’alcoolisme fait des ravages.

– La conduite en état d’ébriété devrait être sanctionnée par le retrait du permis pour une certaine période, et en cas d’accident touchant des personnes, confiscation du véhicule.

–Le non-respect d’un Stop ou d’un feu rouge doit être sanctionné par une amende très élevée, tellement élevée qu’elle sera dissuasive. Ce fut la politique de la France qui est passée en trente ans de 13.000 morts sur les routes à 3.000 actuellement.

– Doubler dans un virage, en sortant de la ligne continue, devrait être sanctionné par le retrait du permis et du véhicule.

– Créer un tribunal spécial «crimes de la route».

– Couvrir les passerelles pour empêcher les voyous de jeter de grosses pierres sur les véhicules pour les arrêter et les cambrioler.

On pourrait poursuivre ainsi cette politique coercitive, en mettant sur pied un certain nombre de règles et de lois, tout en veillant à leur stricte application.

Un Etat américain a décidé de confisquer les voitures des conducteurs en état d’ébriété, de les vendre et de verser l’argent à des associations de victimes de la route. On pourrait s’en inspirer. La lutte contre les crimes de la route devrait être impitoyable.

Je sais bien que ce sont là des vœux pieux. Ces crimes n’épargnent personne. Nous sommes tous concernés et nous devons nous mobiliser pour mettre fin à cette aberration.

Par Tahar Ben Jelloun
Le 26/08/2019 à 11h00