France: Luc Ferry, ancien ministre de l’Education, juge «ignobles» les caricatures du prophète Mohammed

Luc Ferry, ancien ministre français de l'Education, philosophe. 

Luc Ferry, ancien ministre français de l'Education, philosophe.  . DR

Prenant le contrepied de l’actuel débat sur le bien-fondé de montrer des caricatures de Charlie Hebdo dans les écoles de France au nom de la liberté d'expression, Luc Ferry a repositionné le débat en pointant du doigt le caractère pornographique de certaines caricatures.

Le 02/11/2020 à 14h26

La rentrée des classes en France, ce lundi 2 novembre, a débuté par un hommage à Samuel Paty, le professeur d’histoire et géographie décapité le 16 octobre dernier pour avoir montré des caricatures du prophète Mohamed à ses élèves dans un collège de Conflans-Sainte-Honorine.

Si politiques et médias ont dénoncé cette attaque à l'encontre de la liberté de la presse et à la liberté d’expression, le caractère pornographique de certaines caricatures montrées aux élèves n’a en revanche pas été abordé, à ce jour, en France.

Invité sur Franceinfo, l’ancien ministre de l’éducation, Luc Ferry, qui ne s’était jusqu’alors pas exprimé sur cet hommage, a donc mis les pieds dans le plat en fustigeant ces caricatures, dont l’une, rappelons-le, illustre le prophète Mohammed, nu et à quatre pattes, une étoile dans le postérieur, et avec ce titre: «une étoile est née».

«On n’est pas obligé, pour enseigner la liberté d’expression, de montrer des caricatures qui sont à la limite de la pornographie», a ainsi lancé d’emblée l’ancien ministre et philosophe.

Et d’expliquer ce qu’il aurait choisi de faire s’il avait lui-même été professeur d'une classe de terminale. «Je montrerais les caricatures, éventuellement celles de Charlie, mais qui mettent en scène aussi bien Jésus, Moïse et Mahomet. Mais on n'est pas obligés de montrer autant de caricatures qui sont à la limite de la pornographie et qui sont quand même ignobles».

Celui-ci explique qu’il aurait par exemple choisi de remonter le fil de l’histoire pour traiter de la caricature et de montrer ainsi «Louis-Philippe (le dernier roi de France) transformé en poire». Un dessin qui avait «fait scandale à l’époque», comme le rappelle Luc Ferry, pour qui les caricatures de Charlie Hebdo de ce type sont des «insultes».

Au Canada et en Belgique, la liberté d'expression a des limitesLuc Ferry n’est pas le seul à tenir ce genre de propos. Ainsi, en Belgique, la semaine dernière, un enseignant a été suspendu dans un établissement de Bruxelles pour avoir montré à ses élèves de 10 et 11 ans la caricature montrée par Samuel Paty à ses élèves.

Après que des parents se soient plaints à la direction du caractère obscène de ce dessin, qui illustre des parties génitales et qui a été montré à des élèves du primaire dans le cadre d’un cours sur la liberté d’expression, cette initiative du professeur a été dénoncée par le directeur de l’école, mais aussi par l’autorité de tutelle, à savoir les élus de l’exécutif municipal. Entendu jeudi dernier par le maire et ses adjoints, le professeur a été suspendu dans le cadre d’une procédure disciplinaire.

«Notre décision est uniquement basée sur le fait qu’il s’agit d’images obscènes, si ça n’avait pas été le prophète on aurait pris exactement la même décision», a affirmé le porte-parole de Catherine Moureaux, la bourgmestre socialiste qui gère la ville en coalition avec les libéraux francophones.

Cette décision prise en Belgique n’est pas sans rappeler le discours prononcé par le premier ministre canadien, Justin Trudeau, le 31 octobre. Celui-ci a en effet affirmé «toujours défendre la liberté d'expression», en expliquant toutefois qu’elle n’était pas «sans limites». Selon lui, dans «une société pluraliste, diverse et respectueuse comme la nôtre, nous nous devons d'être conscients de l'impact de nos mots, de nos gestes sur d'autres, particulièrement ces communautés et ces populations qui vivent encore énormément de discriminations».

Par Leïla Driss
Le 02/11/2020 à 14h26