"Je suis profondément attristé par la situation, mais je ne regrette pas" la décision de retirer les forces américaines d'Afghanistan, où elles étaient entrées 20 ans plus tôt pour chasser les talibans du pouvoir, a déclaré Joe Biden dans une adresse à la nation très attendue.
Cible de vives critiques, aux Etats-Unis comme à l'étranger, le maître de la Maison Blanche a répété que la mission de Washington n'avait jamais été de bâtir une nation démocratique dans un pays instable, mais "d'empêcher une attaque terroriste sur le sol américain".
Il était resté muet tout au long d'un week-end qui a vu le mouvement islamiste radical entrer à Kaboul, après une fulgurante offensive qui en à peine dix jours lui a permis de prendre le contrôle de quasiment tout le pays et investir le palais présidentiel, déserté par le président Ashraf Ghani, en fuite à l'étranger.
Our current military mission in Afghanistan will be short in time and focused in its objectives: Get our people and our allies to safety as quickly as possible. pic.twitter.com/eSESK5QR09
— President Biden (@POTUS) August 17, 2021
Les Etats-Unis étaient intervenus en Afghanistan en 2001 en raison du refus des talibans de livrer le chef d'Al-Qaïda, Oussama Ben Laden, dans la foulée des attentats du 11 septembre 2001.
"Les forces américaines ne peuvent pas, et ne devraient pas, mener une guerre et mourir d'une guerre que les forces afghanes n'ont pas la volonté de combattre pour eux-mêmes", a continué Joe Biden, concédant toutefois que l'effondrement du gouvernement afghan avait été plus rapide "que nous ne l'avions prévu."
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Les talibans sont entrés dimanche dernier dans Kaboul sans faire couler le sang. Mais leur fulgurant triomphe a déclenché des scènes de panique monstre à l'aéroport de Kaboul. Une marée humaine s'est précipitée lundi vers ce qui est la seule porte de sortie de l'Afghanistan. Des vidéos diffusées sur les réseaux sociaux ont montré plus tôt des scènes de totale anarchie, comme ces centaines de personnes courant près d'un avion de transport militaire américain qui roule pour aller se mettre en position de décollage, pendant que certaines tentent follement de s'accrocher à ses flancs ou à ses roues.
"Nous avons peur de vivre dans cette ville et nous tentons de fuir Kaboul", a témoigné, de l'aéroport, à l'AFP Ahmad Sekib, 25 ans, un ancien soldat utilisant un faux nom qui a expliqué craindre des représailles de la part des talibans.
Un cliché, dont le Pentagone n'a pas démenti la véracité, montrait 640 Afghans entassés dans un avion cargo C-17 de l'US Air Force, dont certains ont grimpé à bord à la dernière minute alors que la rampe d'accès n'était plus qu'à moitié ouverte.
JUST IN: "The Crew made the decision to go" — Inside RCH 871, which saved 640 from the Taliban ... from @TaraCopp and me https://t.co/r4YvGqJZ4b pic.twitter.com/CI1mAmqjHT
— Marcus Weisgerber (@MarcusReports) August 16, 2021
Washington a envoyé 6.000 militaires pour sécuriser l'aéroport et faire partir quelque 30.000 Américains et civils afghans ayant coopéré avec les Etats-Unis qui craignent pour leur vie.
I have authorized 6,000 U.S. troops to deploy to Afghanistan to assist in the departure of U.S. and Allied civilian personnel from Afghanistan — and to evacuate our Afghan allies and vulnerable Afghans to safety outside the country.
— President Biden (@POTUS) August 17, 2021
De Madrid à La Haye, en passant par Paris, Bucarest, Londres, plusieurs autres pays s'activent aussi pour rapatrier leurs ressortissants.
Les vols, civils et militaires, suspendus hier après-midi, lundi 16 août 2021, en raison de l'envahissement des pistes, ont repris dans la nuit, a annoncé le Pentagone.
Joe Biden a menacé les talibans d'une réponse militaire "rapide et puissante" s'ils venaient à perturber les opérations d'évacuation en cours.
Today the terrorist threat has metastasized beyond Afghanistan. We conduct effective counterterrorism missions against terrorist groups in multiple countries where we don’t have a permanent military presence.
— President Biden (@POTUS) August 17, 2021
If necessary, we will do the same in Afghanistan.
Les rues de Kaboul sont à l'opposé restées relativement calmes hier, lundi. Des talibans en armes patrouillaient les rues, installant des postes de contrôle, notamment dans la "Green zone", auparavant ultra-fortifiée qui abrite les ambassades et les organisations internationales.
Des discussions sont encore en cours pour formaliser la prise du pouvoir par les talibans, qui ont multiplié les messages à l'intention de la communauté internationale pour l'assurer que les Afghans n'ont rien à craindre d'eux.
Mais beaucoup d'Afghans craignent que les talibans n'imposent la même version ultra-rigoriste de la loi islamique que lorsqu'ils dirigeaient leur pays, entre 1996 et 2001.
Les femmes ne pouvaient alors ni travailler ni étudier. Le port de la burka était obligatoire en public et elles ne pouvaient quitter leur domicile qu'accompagnées d'un "mahram", un chaperon masculin de leur famille.
"C'est un cauchemar pour les femmes qui ont fait des études, qui envisageaient un avenir meilleur pour elles-mêmes et les générations futures", a déclaré à l'AFP Aisha Khurram, 22 ans, qui a représenté la jeunesse afghane auprès de l'ONU et devait être diplômée de l'université de Kaboul dans les mois à venir.
Les Etats-Unis pourraient reconnaître un futur gouvernement taliban, à condition qu'il "préserve les droits fondamentaux de son peuple (...) y compris de la moitié de sa population - ses femmes et ses filles" et, qu'il "n'offre pas de refuge aux terroristes", a indiqué à la presse le porte-parole du département d'Etat, Ned Price.
The United States joins dozens of countries in calling on all parties in Afghanistan to respect and facilitate the safe and orderly departure of foreign nationals and Afghans who wish to leave the country. https://t.co/DjOmg3D85v
— Ned Price (@StateDeptSpox) August 16, 2021
La Chine a été le premier pays à dire hier, lundi, vouloir entretenir des "relations amicales" avec les talibans. La Russie et l'Iran ont aussi fait des gestes d'ouverture.
Washington, qui déplore 2.500 morts et une facture de plus de 2.000 milliards de dollars, et dont l'image en ressort profondément écornée, a essuyé de nombreuses critiques de ses alliés européens.
Le ministre britannique de la Défense, Ben Wallace, a dénoncé un "échec de la communauté internationale", et la chancelière allemande, Angela Merkel, a conclu que tout "n'a pas été réalisé comme nous l'avions prévu".
Le président français, Emmanuel Macron, a estimé que l'Afghanistan ne devait "pas redevenir le sanctuaire du terrorisme qu'il a été" et appelé à "une réponse (internationale) responsable et unie".
Ce que j’ai dit ce soir sur l’Afghanistan et que certains veulent détourner : la France fait et continuera de faire son devoir pour protéger celles et ceux qui sont les plus menacés. pic.twitter.com/nhjUdjHlvO
— Emmanuel Macron (@EmmanuelMacron) August 16, 2021
Mais pour nombre d'analystes, même si les talibans devraient opter pour une plus grande prudence dans leurs relations avec Al-Qaïda, ces deux groupes restent intimement liés.
"Ce qui se passe en Afghanistan est une victoire claire et retentissante pour Al-Qaïda", a affirmé sans détour Colin Clarke, directeur de recherche du Soufan Center, pour qui Al-Qaïda pourrait en profiter pour attirer des recrues et créer une nouvelle dynamique.