"Grossiste" de Fès: la vérité sur un parrain des salafistes jihadistes

Saïd El Alouay, le grossiste-jihadiste, lors de son arrestation en juin dernier.

Saïd El Alouay, le grossiste-jihadiste, lors de son arrestation en juin dernier. . dr

Le détenu islamiste Saïd El Alouany, interpellé le 15 juin 2015 à Fès, pour vente de produits périmés et, surtout, pour ses liens avérés avec les milieux jihadistes, ne cesse de monter au créneau pour plaider son «innocence». Les contre-vérités de ce parrain de la mouvance islamiste radicale.

Le 20/10/2015 à 14h14

Le détenu islamiste Saïd El Alouany, sous mandat de dépôt à la prison Salé 2, fait à nouveau parler de lui. Mais à travers des allégations colportées par sa famille dans une tentative de mettre en doute les griefs retenus contre lui, entre autres ses pratiques frauduleuses portant atteinte à la santé publique et ses liens avérés avec les partisans de la mouvance islamiste radicale.

La première allégation relayée par la famille de ce détenu islamiste, lors d’une récente conférence de presse, viserait les services de sécurité, qui se voient accusés de l’avoir délesté, lors de son arrestation, le 15 juin 2015 à Fès, de la somme de 100 millions de centimes sans la mentionner dans les PV de perquisition.

De toute évidence, il s’agit d’une accusation aussi grave que dénuée de tout fondement, d’autant plus que, dans le PV de perquisition, il est précisé que la somme saisie, lors de la perquisition, qui s’est effectuée en présence du mis en cause et avec son consentement, est de l’ordre de 275.050 dirhams et non de 1 million de dirhams, comme l’intéressé veut le faire croire.

Il s’agit là d’une démarche pernicieuse commune à la majorité des détenus islamistes impliqués dans différentes affaires, dont l’objectif est de parasiter le déroulement des procès et s’absoudre des faits qui leur sont reprochés. A ce détail près que le détenu Saïd El Alouany force un peu trop le trait en usant et abusant de son statut de «mécène» qui n’est en réalité qu’un paravent pour son déploiement financier au profit des milieux extrémistes.

Des allégations par lesquelles l’intéressé cherche à se soustraire à la justice mais qui sont démenties par les faits. En effet, Saïd El Alouany est confronté à des accusations étayées par des preuves matérielles confirmées par l’expertise effectuée sur les produits alimentaires périmés qui garnissaient dangereusement les plats des consommateurs, au détriment de la santé publique, et dont les revenus étaient affectés au financement de l’activité jihadiste.

Saïd El Alouany, parrain des milieux salafi jihadi

Imprégné du credo jihadi, Saïd El Alouany a tissé des liens étroits avec les tenants de ce courant à Fès, en s’érigeant en tant que mécène au profit de ses co-adeptes en situation précaire, notamment les épouses des détenus «salafi jihadi» et adeptes de la même tendance, auxquels il offrait des emplois.

A toutes fins utiles, il faut noter que, par les bénéficiaires des dons sonnants et trébuchants octroyés par Saïd El Alouany, figurent la veuve du commanditaire des attentats du 16 mai 2003, Abdelhak Bentasser, ainsi que la veuve de l'islamiste algérien Omar Sayeh, décédé en Afghanistan.

Et ce n’est pas tout! Saïd El Alouany a hébergé à son domicile l’un des jihadistes après son repli vers le royaume, après une tentative manquée de rallier les maquis d’Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi) via l’Algérie, en l’occurrence son beau-frère Azeddine Brik (combattant au sein de l’organisation terroriste Jabhat Nosra, branche syrienne d’Al Qaïda dirigée par le dénommé Al Joulani), tout en maintenant le contact avec ce dernier au même titre que son frère Mohamed Brik évoluant sous la houlette de «l’Etat islamique» d’Abou Bakr Al-Baghdadi.

Pour précision, Azeddine Brik a été condamné à deux ans de prison ferme pour son implication dans la structure terroriste dédiée à l’acheminement des volontaires au jihad aux camps d’Aqmi en Algérie et au Sahel, démantelée en janvier 2011, de son promoteur l’ex-opérationnel d’Aqmi Noureddine El Youbi, abattu, au moment où son frère Mohamed Brik a écopé en 2006, de la peine de quatre ans de prison ferme, pour avoir été co-animateur d’une structure terroriste liée à l’ex-Groupe salafiste pour la prédication et le combat (GSPC, issu de l’ex-GIA algérien).

Au suivant ! Le départ de Sanae Zeghedidi, épouse de Azzedine Brik, à la zone syro-irakienne sous contrôle de l'«Etat islamique», a lui aussi été financé par Saïd El Alouany. 

En somme, une activité aux allures tentaculaires au profit de la nébuleuse terroriste à mettre au passif de Saïd El Alouany. Ce dernier ne peut évidemment mettre le financement des actions de terroristes sur le compte du «mécénat», encore moins cette commercialisation de produits de consommation périmés et nuisant gravement à la santé publique. D’autant plus que l’intéressé a mis en place une équipe spéciale pour changer discrètement les dates de péremption, soit directement sur l’emballage ou par la substitution des étiquettes d'origine par celles confectionnées par ses soins, portant des dates d’expiration rassurantes (deux appareils de collage et d’emballage d'étiquettes vierges ont été saisis au siège de sa société à Fès). 

Pour rappel, les services de sécurité ont procédé, de concert avec les autorités locales, des représentants de l’Office national de la sécurité alimentaire (ONSSA) et des Commissions régionales du contrôle de la qualité et d’hygiène, à la saisie de près de 360 tonnes et 75 kg de marchandises périmées, et de 10.304 litres de jus périmés, aux entrepôts de la société de Saïd El Alouany aux villes de Fès, Imzouren, Ouarzazate, Oujda, Tanger et Marrakech.

Par Ziad Alami
Le 20/10/2015 à 14h14